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5 citations philosophiques et leur explication : Episode 3

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Citations philosophiques expliquées épisode 3

Cet article est le troisième d’une série d’étude de cinq citations philosophiques aléatoires par semaine. Celles-ci sont choisies selon divers critères. Elles peuvent être méconnues et donc permettre de se démarquer aux concours. Certaines sont intéressantes et méritent un approfondissement. Enfin, d’autres se prêtent à des erreurs d’interprétation qu’il convient de rectifier. 

 

“Résistance et obéissance, voilà les deux vertus du citoyen.” Alain

La citation complète est : “Résistance et obéissance, voilà les deux vertus du citoyen. par l’obéissance il assure l’ordre ; par la résistance il assure la liberté.” Elle est extraite du “Propos sur les pouvoirs” d’Alain (1925). Elle pointe ici la dimension critique du citoyen.

Cette citation signifie que les citoyens doivent être résistants face aux injustices et aux oppressions. Dans le même temps, ils doivent obéir aux lois et aux institutions de la société. Autrement dit, le citoyen doit être capable de défendre ses droits et de s’opposer aux abus de pouvoir, tout en respectant les règles établies pour maintenir l’ordre. Résistance et obéissance composent complémentairement la citoyenneté.

 

La citoyenneté chez Kant

Une telle vision est à lier avec l’idée de citoyenneté chez Kant. En effet, chez ce dernier, le citoyen se définit comme le membre d’une communauté politique, soumis à une loi commune à tous les autres citoyens. La citoyenneté implique donc des droits (la résistance), et des devoirs (l’obéissance).

De plus, l’idée de citoyenneté est liée à la notion de rationalité. Pour Kant, les citoyens doivent être capables de penser de manière autonome. La citoyenneté implique de sortir de l’état de minorité. Elle suppose une participation active et critique à la vie politique de la communauté (à l’image du citoyen grec).

 

Rosanvallon et le “sacre du citoyen”

On pourrait enfin parler du “sacre du citoyen” chez Rosanvallon. Cette expression renvoie à l’évolution des institutions et de la société, lesquelles ont progressivement reconnu les droits et les devoirs des citoyens. Le sacre du citoyen met l’accent sur la participation active des citoyens à la vie politique.

En résumé, le sacre du citoyen est un processus de valorisation et de reconnaissance de la citoyenneté comme valeur centrale de la démocratie. C’est elle qui permet l’élargissement des droits et des libertés des citoyens. Résistance et obéissance, l’équilibre et la complémentarité entre ces deux composantes est le critère d’évaluation de la citoyenneté. Une société sans la résistance est une dictature, sans l’obéissance, c’est une anarchie. 

 

“L’homme moderne est de plus en plus envahi par l’indifférence.” Le Bon

Cette citation est extraite de la “Psychologie des foules “ de Gustave Le Bon (1895). Le Bon y explore les comportements collectifs des foules. Il montre comment les individus perdent leur individualité lorsqu’ils font partie d’un groupe. Ce livre est également l’occasion de dresser un portrait de la société de l’époque, alors traversée par des changements culturels majeurs.

Avec cette citation, Le Bon suggère que les individus dans les sociétés modernes sont de plus en plus indifférents les uns envers les autres. De même sont-ils indifférents envers les problèmes qui les entourent. Comme beaucoup de sociologues après lui, Le Bon pointe la montée de l’individualisme dans nos sociétés modernes.

Celle-ci encourage les individus à se concentrer sur leurs propres intérêts et à ignorer les préoccupations extérieures. Le Bon juge cette indifférence comme étant dangereuse. En effet, elle rend les individus plus vulnérables aux manipulations de masse et aux mouvements politiques extrêmes. Sorti à la toute fin du XIXe siècle, cet ouvrage mettait déjà en garde contre les dérives autoritaires à venir.

 

Une thèse toujours d’actualité

Après lui, de nombreux sociologues ont constaté et constatent encore cette montée de l’individualisme. Notons par exemple les thèses sur la “modernité réflexive” de Beck (“La société du risque : sur la voie d’une autre modernité”, 1986) et sur la “modernité liquide” de Baumann (“Modernité liquide”, 2000).

La première renvoie à une remise en question de l’autorité des institutions traditionnelles et une réflexivité accrue dans la vie quotidienne. Selon Beck, la transformation des structures sociales traditionnelles a conduit à une perte de confiance dans les autorités traditionnelles (l’Etat, la religion, les médias). Il en résulte chez l’individu un surcroît de réflexivité, soit une tendance à réfléchir sur ses choix de vie et à les considérer comme des constructions personnelles plutôt que prédéterminées.

Concernant la seconde thèse, Baumann décrit l’instabilité, la fluidité et la volatilité des relations sociales, des valeurs et des identités. Elle est aussi le résultat de la dissolution des structures sociales traditionnelles. Celles-ci ont été remplacées par une culture de consommation, de flexibilité et de mobilité. Cette société liquide peut engendrer une inquiétude existentielle, une insécurité permanente, une angoisse de soi et une précarité identitaire.

Plus sociologique que philosophique, cette citation incite quand même à réfléchir sur les symptômes identitaires de l’homme moderne et les conséquences de l’indifférence dans notre société.

Lire plus : 5 citations philosophiques et leur explication : Episode 2 

 

“Si l’Etat est fort, il nous écrase, s’il est faible, nous périssons.” Valéry

Tirée de l’ouvrage “Variété V” (1936), cette citation exprime l’ambivalence de la relation entre l’individu et l’Etat. Elle met en avant la tension permanente qui régit l’art politique. Chez Platon d’ailleurs, à travers le paradigme du tissage, cet art était défini comme l’articulation entre un savoir et une pratique. Il renvoie à l’art de gouverner mais aussi la recherche d’équilibre pour conserver l’ordre social existant.

En effet, si l’Etat est trop fort, il peut opprimer les individus et restreindre leur liberté. Dans le cas contraire, il ne peut garantir l’ordre et la sécurité, ce qui peut conduire à l’anarchie, à la destruction de la société voir l’annihilation de cet Etat par un autre. C’est de cette tension constante dans la pensée politique, entre la nécessité de l’Etat pour assurer l’ordre social et la préservation de la liberté individuelle, dont parle Valéry.

Le poète et écrivain français met en garde contre les dangers de l’autoritarisme et de la tyrannie mais souligne aussi l’importance de l’autorité. Celle-ci est essentielle pour le bien-être et la stabilité de la société dans son ensemble. Notons que ce même Valéry avait également écrit : “Un Etat est d’autant plus fort qu’il peut conserver en lui ce qui vit et agit contre lui.”

La vraie force d’un Etat n’est pas dans sa capacité à réprimer voire éliminer l’opposition. Bien au contraire, elle consiste à inclure et intégrer les critiques et oppositions pour renforcer son dynamisme (à travers le débat notamment). En faisant ainsi, il crée un espace de débat et de dialogue où différentes voix peuvent s’exprimer librement. 

 

“La morale est la doctrine qui nous enseigne comment nous rendre dignes du bonheur.” Kant

Cette citation est extrait de “Théorie et pratique” (1793) de Kant. Cet ouvrage cherche à répondre aux détracteurs qui considèrent la théorie comme trop abstraite et trop souvent en désaccord avec la pratique. Or, nier la relation entre théorie et pratique est très grave en matière de morale.

Prenons l’exemple de Muglioni dans sa préface du même livre. “Dire que ce que le devoir exige est théorique (vain), c’est nier qu’il nous oblige. […]. C’est bon en théorie, mais non en pratique, cette façon de parler n’est pas innocente. Elle signifie la ruine de la moralité ; elle est une façon très commode de se dispenser d’être juste.”

Ainsi, l’enjeu de ce traité est de redonner sa place à la théorie et donc à la morale. Là où cette citation est intéressante, c’est qu’elle postule d’entrée que la morale ne rend pas nécessairement heureuse. Il arrive même que cela soit le contraire. Malgré tout, il faut être moral pour Kant, car cela nous rend dignes du bonheur. La morale nous apprend à agir selon le devoir plutôt que selon nos intérêts égoïstes. 

 

Devoir et bonheur, deux ordre différents

D’ailleurs, le bonheur ne doit pas être recherché pour lui-même, mais plus comme une conséquence de notre conduite morale. En suivant les principes moraux, nous pouvons atteindre une certaine harmonie et nous rendre dignes du bonheur. 

En écrivant cela, Kant insiste notamment sur le fait que l’homme vertueux est moral par moralité, non par intérêt. Ce n’est pas par quête du bonheur qu’il faut être moral, mais plutôt l’inverse. Il faut commencer par être moral si l’on veut mériter le bonheur. Cela est d’autant plus marquant à travers l’exemple du dépôt utilisé par Kant. Il illustre un cas extrême dans lequel un individu se retrouve dans une situation dramatique en étant vertueux.

Avec cette illustration, Kant montre que le devoir moral et le bonheur ne sont pas du même ordre, le second doit être subordonné au premier. Ainsi, il faudra renoncer au bonheur si cela est moralement nécessaire. Toutefois, nul ne doit souhaiter une telle situation, d’autant plus que la misère peut conduire au désespoir et détourner de la moralité. Tout ceci servait simplement à montrer la nature de l’obligation morale.

 

“Et ceux qui dansaient furent considérés comme fous par ceux qui ne pouvaient entendre la musique.” Nietzsche

Cette citation est extraite du livre “Ainsi parlait Zarathoustra” (1883) de Friedrich Nietzsche. Elle peut être interprétée comme une métaphore de la vie. Ceux qui “dansent” sont ceux qui ont une vision différente de la vie. De fait, ils sont souvent incompris ou rejetés par les personnes trop conformistes qui ne peuvent pas comprendre leur point de vue. La “musique” désignerait alors une métaphore de la vie elle-même que chacun perçoit différemment. Selon son vécu, sa personnalité, sa sensibilité, chaque individu à sa propre manière de considérer la vie.

Ainsi, les “fous” désignent ceux qui ont une vision différente de la vie et qui sont pour cela souvent méprisés ou considérés comme des marginaux. Nietzsche et Zarathoustra, en se considérant comme des esprits supérieurs, entrent assurément dans cette catégorie.

Cette citation peut donc être comprise comme une invitation à respecter les différences et accepter que chacun puisse avoir sa propre vision de la vie. Elle invite à ne pas se laisser influencer par le regard des autres, la pensée dominante, et à suivre notre propre voie. Du point de vue de Nietzsche, cette invitation passe plutôt pour une critique de la pensée conformiste (chrétienne notamment) incapable d’entendre la “musique” car trop refermée sur elle-même.

 

La musique chez Nietzsche 

Notons que chez ce même philosophe, la musique constitue la forme d’art la plus élevée. “Sans la musique, la vie serait une erreur, une besogne éreintante, un exil.” écrit-il. Aussi, être privé de la musique revient à un suicide de l’âme. La privation de la musique renvoie à la musique à l’absence de l’élan vital, de la force créatrice, elle donne naissance au nihilisme et au “dernier homme”.

Nietzsche croyait effectivement que la musique était un moyen de transcender les limites de la vie quotidienne et d’entrer en contact avec des vérités plus profondes et plus essentielles. Il pensait que la musique avait le pouvoir de nous connecter à notre être intérieur en nous faisant ressentir des émotions authentiques. 

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Gabin Bernard