L’effet boule de neige de la dette publique occupe une place centrale dans l’analyse des finances publiques. Bien que ce concept semble relativement simple, ses implications affectent fondamentalement la dynamique de l’endettement des États et, par conséquent, leur capacité à contrôler durablement leur économie. Plusieurs économistes ont documenté l’effet boule de neige, cependant, l’un des plus populaires demeure le travail d’Olivier Blanchard, un économiste français largement reconnu pour ses contributions à la macroéconomie.
Le mécanisme de l’effet boule de neige de la dette
La dette publique est un instrument couramment utilisé par les gouvernements pour financer leurs déficits budgétaires. Lorsqu’un pays accumule un tel niveau de dette que les intérêts à rembourser deviennent eux-mêmes une source d’endettement supplémentaire, un effet boule de neige se déclenche. Cela se produit principalement lorsque le taux d’intérêt réel – qui est le taux d’intérêt nominal ajusté de l’inflation – sur la dette publique est supérieur au taux de croissance de l’économie. Par conséquent, la dette publique augmente plus rapidement que la richesse produite par l’économie.
L’effet boule de neige de la dette peut être expliqué simplement comme un effet multiplicateur où les intérêts sur la dette se cumulent, augmentant ainsi le montant total de la dette année après année. À la base de ce mécanisme se trouvent deux variables cruciales : le taux d’intérêt réel (r) et le taux de croissance du PIB réel (g). Si le taux d’intérêt est supérieur au taux de croissance, la dette publique, en pourcentage du PIB, augmente de manière exponentielle.
Pour illustrer ce mécanisme avec des mots simples : imaginez un État qui emprunte chaque année pour financer son déficit. Si l’économie croît lentement (à un taux de croissance “g”), mais que les taux d’intérêt sur la dette publique sont élevés (à un taux “r”), alors l’État doit chaque année consacrer une part croissante de son budget au remboursement des intérêts. Cela alourdit mécaniquement la charge de la dette.
Sur le plan mathématique, le taux de variation de la dette (ΔD) par rapport au PIB peut être modélisé par l’équation suivante :
ΔD = (r−g)×D
Dans cette équation, “D” représente le ratio de la dette par rapport au PIB, “r” est le taux d’intérêt réel et “g” est le taux de croissance du PIB. Lorsque “r” est supérieur à “g”, la variation de la dette devient positive, signifiant une augmentation du ratio dette/PIB.
Pour aller plus loin, la situation peut être aggravée si un déficit primaire (le solde budgétaire hors intérêts de la dette) existe. Dans ce cas, la dette ne fait qu’augmenter d’autant plus rapidement. La combinaison d’un déficit primaire constant avec un écart (r – g) positif aboutit à un effet boule de neige, où l’État se retrouve dans une spirale d’endettement de plus en plus difficile à maîtriser.
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Citation punchy
« Si le taux de croissance de l’économie est inférieur au taux d’intérêt réel, même un faible déficit primaire peut entraîner une dynamique explosive de la dette publique. » Olivier Blanchard, Macroeconomics (2017)
L’Europe et la crise de la dette
Un exemple frappant d’un tel effet boule de neige de la dette est la crise de la dette souveraine dans la zone euro, en particulier en Grèce et en Italie, au début des années 2010. À l’époque, plusieurs pays de la zone euro ont affiché une montée en flèche de leur dette publique en raison de taux d’intérêt incroyablement élevés et d’une faible ou négative croissance économique.
En 2011, la Grèce a affiché un ratio dette/PIB de 172 % et les rendements des obligations d’État grecques à dix ans se sont élevés à près de 30 %, tandis que l’économie se contractait de 7 % cette année-là 7. En fait, pendant ces années, la Grèce et l’Italie ont affiché explicitement une trajectoire de spirale. Compte tenu des taux d’intérêt élevés et de la croissance négative, chaque année, la charge des intérêts de la dette prenait une part de plus en plus importante du budget national et la réduction du stock de dette était peut-être impossible sans aide extérieure
En revanche, l’Allemagne comptant des taux d’intérêt beaucoup plus bas d’environ 2 % a affiché un ratio dette/PIB presque stable, bien qu’élevé d’origine. Ceci démontre l’importance de l’écart entre le taux de croissance et le taux d’intérêt (%) dans une dette publique.
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