Aujourd’hui, nous interviewons Charlotte, élève au parcours marquant et inspirant, actuellement en première année (L3) du programme grande école d’HEC après trois ans de classe préparatoire A/L au Lycée Fénelon.
- Salut ! Peux-tu te présenter rapidement ?
Hello ! J’ai fait un baccalauréat ES en section de langue orientale (chinois) et ensuite j’ai fait trois ans de classe préparatoire littéraire section A/L au lycée Fénelon. J’ai choisi en 2ème année une khâgne moderne spécialité chinois et j’ai finalement été admise en cube à l’ENS de Lyon et à HEC Paris. Aujourd’hui j’étudie à HEC !
- Pourquoi avoir choisi une classe prépa ?
Principalement parce que je ne savais absolument pas ce que je voulais faire plus tard et je n’avais pas envie d’aller à la fac parce que ça me semblait déjà trop spécialisé. J’étais une bonne élève, on me vantait les qualités que je tirerai de la classe prépa et j’ai toujours aimé travailler alors je me suis dit pourquoi pas ; en tout cas c’est ce qui semblait convenir le mieux par rapport à mon caractère et à mes capacités. Sortant d’une filière ES j’aurais pu faire ECE mais je considérais qu’en allant en prépa littéraire j’apprendrai des choses beaucoup plus intéressantes et enrichissantes. Je confesse aussi que je n’ai jamais vraiment aimé les maths (et je n’étais pas très forte), je ne me voyais pas passer mes journées à faire ça.
- Tu as fait une khâgne qui est un parcours peu connu de nos lecteurs, peux-tu nous parler des spécificités de cette filière ?
C’est assez particulier, en première année il n’y a pas de programme, on ne prépare pas de concours, les profs vous enseignent ce qui les passionne et vous devenez tout aussi passionnés ! On doit obligatoirement faire du latin ou du grec, personnellement j’avais 2h de grec par semaine et on passait plus de temps à écouter des histoires sur la mythologie qu’à apprendre des conjugaisons, c’est pas aussi aride que ça en a l’air. En 2ème année on choisit entre une khâgne moderne ou une khâgne classique qui préparent respectivement à l’ENS de Lyon et à l’ENS d’Ulm. Il y a un tronc commun pour certaines matières type histoire ou philo et ensuite quelques spécifiés. Moi j’ai choisi moderne et donc j’ai dû prendre une spécialité qui occupe environ 8 heures par semaine. Il faut savoir que si t’intègres l’ENS de Lyon tu poursuis tes études dans le département de ta spécialité donc il faut vraiment aimer ce qu’on choisit. Aussi, nos programmes changent tous les ans, ce qui rend la cube vraiment intéressante.
Si vous souhaitez faire une khâgne il faut vraiment bien vous renseignez et ne prenez pas juste en compte les classements des lycées qui font intégrer le plus, toutes les prépas qui ont une section A/L ne proposent pas les mêmes parcours.
- Est-ce que dès le début tu as voulu faire commerce ? Pourquoi conseillerais-tu à un étudiant ?
En entrant en prépa je n’avais aucune ambition d’intégrer telle ou telle école. Je voulais juste une filière un peu généraliste qui me permettrait de prendre le temps de savoir vers quoi je voulais me diriger ensuite. Je suis arrivée en hypokhâgne sans savoir ce qu’était l’ENS et ce fut une année géniale parce que c’est de l’érudition à l’état pur. Quand en 2ème année j’ai commencé à préparer le concours de l’ENS j’ai réalisé que cette école n’était pas pour moi, je n’avais toujours pas envie de me spécialiser et les débouchées (particulièrement le profil enseignant/chercheur) ne me correspondait pas. Donc je me suis tournée vers les écoles de commerce parce que c’est encore assez généraliste et ça permet d’ouvrir beaucoup de portes. Je m’imaginais aussi beaucoup qu’en école de commerce on quitte la posture de l’élève passif derrière son bureau et on s’engage, on s’active, on va vers des domaines qu’on ne connait pas, et c’est le cas.
Cependant je ne conseille pas aux étudiants d’A/L de passer les concours des écoles de commerce « juste comme ça » parce que ça demande quand même un grand investissement personnel (ça sert à rien de préparer les concours à moitié) et c’est épuisant au moment des épreuves. Il faut aussi avoir une certaine appétence pour les enseignements proposés pour les 3 ans d’école qui arrivent ensuite et il faut pouvoir s’y projeter.
- Tu as cubé pourquoi, et qu’est-ce que tu avais eu ?
J’étais sous-admissible à l’ENS de Lyon c’est-à-dire que j’ai raté l’admissibilité mais de peu, et j’étais admissible au CELSA. Je n’avais été admissible à aucune école de commerce. J’étais déçue mais j’étais consciente aussi que je n’étais pas au niveau cette année-là. Je me sentais totalement de cuber mais cette fois-ci je me suis vraiment donné les moyens de réussir parce qu’il n’y avait plus d’issue de redoublement derrière. Je préférais continuer un an de plus pour retenter ma chance aux concours, et aussi pouvoir candidater à la fac en master plutôt qu’en L3 où les cursus sont plus intéressants de mon point de vue.
- Quelles méthodes de travail as-tu changé entre ta carré et ta cube ?
En carré j’ai mis du temps à acquérir des réflexes qui facilitent beaucoup l’apprentissage. J’ai mis du temps à faire des compilations de citations, à faire des chronologies, à comprendre ce qu’il était vraiment utile de retenir. En cube j’ai directement commencé à m’organiser pour travailler plus également toutes les matières. J’utilisais une to do list où je marquais le temps que je voulais consacrer chaque semaine à chaque discipline et les objectifs d’apprentissages que je voulais atteindre. En carré on se retrouve malheureusement vite noyé par le travail, alors qu’en cube on sait ce qu’il nous attend et on peut réagir plus vite et plus efficacement.
J’ai aussi mieux compris ce que les professeurs attendaient de nous en dissertation et je crois que c’est essentiel de se demander et de comprendre à quelles exigences on doit répondre. J’ai plus lu de bonnes copies aussi pour savoir qu’est ce qui « marchait » chez eux et moins chez moi, ça aide à se représenter ce qu’il faut faire et ce n’est pas impossible d’y parvenir.
Je me suis aussi détachée des notes et du classement entre élèves, ça libère l’esprit et on travaille réellement pour l’objectif qu’on s’est fixé et pas uniquement par fierté d’être bon en prépa. Je me suis fait plus confiance, il faut avancer avec un état d’esprit positif, ça aide toujours.
- Fais-nous rêver, quelles ont été tes plus grosses performances aux concours ?
Pour la BCE je suis allée chercher un 18 en philo et pour la BEL (c’est la banque d’épreuves qu’on passe obligatoirement en khâgne parce que l’ENS en fait partie) j’ai eu 18 en géographie et 17 en lettres et en histoire. Pour avoir passé les concours deux fois, je trouve que les sujets de la BCE pour les littéraires sont beaucoup plus mesquins que ceux de l’ENS.
- Quel temps conseillerais-tu de passer sur les épreuves BCE etc….
Personnellement en carré je travaillais avec une ancienne khâgne qui avait intégré l’ESSEC et qui me préparait à la contraction, à la synthèse, aux langues et aux oraux. On se voyait 2h le weekend et je lui envoyais des travaux dans la semaine. Je vous conseille vraiment de trouver quelqu’un qui peut vous entrainer et vous faire progresser, c’est difficile de s’autoévaluer sur des épreuves qu’on ne connait pas.
En cube j’ai travaillé plus en autonomie, j’ai fait beaucoup d’annales et appris du vocabulaire en langue mais on ne peut pas passer des journées entières à faire de la contraction ou à réfléchir à ses trois principaux défauts si on ne maitrise pas les cours et les dissertations du programme de l’ENS. Les dissertations représentent une grande part des coefficients des écoles de commerce, attention à ne pas travailler les épreuves spécifiques à la BCE disproportionnellement. Cependant on doit y consacrer du temps toutes les semaines, c’est important de travailler régulièrement pour ne pas être débordé.
- Tes tips pour les étudiants à quelques mois des concours ?
Apprenez des citations dans toutes les matières !!! C’est hyper important, c’est ce qui fait que votre copie sera singulière. Trouvez des exemples qui vous parlent, je pense que c’est mieux de connaitre plusieurs exemples sur le bout des doigts que d’en ingurgiter des dizaines que vous ne serez pas capables de mobiliser efficacement.
N’oubliez pas que votre copie une fois rendue deviendra orpheline, vous ne pouvez pas vous reprendre face à votre correcteur comme à l’oral. La rédaction doit être limpide et précise. Annoncez vos idées directement, sans fioritures, et proposez un exemple qui viendra l’enrichir. N’hésitez pas à vous approprier les idées des auteurs d’ouvrages théoriques et à les reformuler avec vos mots, personne ne viendra vous le reprocher.
De mon côté ce qui me posait beaucoup problème c’était les problématiques de philo. Mon prof d’hypokhâgne avait trouvé une image pour nous aider à nous représenter ce vers quoi on devait tendre : la question doit être de l’ordre A = –A, autrement dit quelque chose qui ne marche pas, une contradiction interne qui interroge et c’est à vous de déterminer dans le sujet ces présupposés impossibles, et ensuite le corps de la dissertation d’expliquer pourquoi il est légitime de s’interroger sur cette équation folle, et en quoi elle peut être éclairée sous un autre angle et/ou dépassée. Ça vaut beaucoup pour la philo mais de manière générale prenez le temps de vous demander qu’est-ce que qui a poussé les profs/le jury à choisir ce sujet-là, pourquoi il mérite particulièrement d’être analysé et qu’est-ce qui démange dans sa formulation. Je sais, c’est pas facile quand le sujet fait deux mots !
Mais ne vous oubliez pas vous non plus, pensez à dormir, à prendre l’air, à faire un peu de sport ou voir des (petit.e.s) ami.e.s parce que les concours ça se joue aussi au mental, il faut être prêt sur tous les fronts !
- Après trois ans de prépa, quel bilan tires-tu de cette expérience ?
J’ai adoré la prépa et j’ai d’ailleurs bien mieux vécu ma cube que ma carré, j’avais plus confiance en moi et j’avais trouvé un bon équilibre. Y a eu des hauts et des bas comme dans tout, mais globalement j’ai vraiment passé trois super années, et si c’était à refaire je le referai sans hésiter. J’ai été surprise par le décalage entre le discours qui se tient sur la prépa et la réalité. Personnellement je n’ai pas collectionné les 5 toute l’année, je n’ai été descendue par aucun professeur, les gens n’avaient pas que le mot concours à la bouche et j’ai même trouvé le temps d’être en couple. Bien sûr il faut faire des concessions mais ça en vaut la peine.
- Parles nous de tes premiers pas en école de commerce ? Comment te sens-tu dans ce nouvel univers ?
La situation sanitaire a rendu ce début d’année assez décevant, pas catastrophique non plus, mais on s’imaginait libres de la prépa et nous voilà confinés par intermittence. On a quand même des opportunités incroyables et on fait des super rencontres, ce deuxième semestre s’annonce meilleur et l’année prochaine ne pourra être qu’exceptionnelle. Après au niveau scolaire je ne cache pas que c’est pas facile dans toutes les matières, les trois ans sans maths se font sentir !