Le consensus de Paris publié par Rawi Abdelal est un papier indispensable publié en 2005 et qui n’a rien perdu de sa pertinence aujourd’hui. C’est un papier original qui place le « consens de Paris » et non celui de Washington comme responsable de l’organisation financière mondiale telle que nous la connaissons aujourd’hui : centrée sur les économies de l’UE et de l’OCDE.
L’auteur commence par expliquer qu’avant et notamment aux sorties de la guerre, il était acté que les états gardaient un pouvoir sur les capitaux. La libéralisation financière, déjà présente dans les pays anglo saxons et au Japon n’étaient pas en place dans l’UE avant que 3 hommes, 3 français au FMI (Michel Camdessus), à l’OCDE (Henri Chavranski) et à l’UE (Jacques Delors) définissent de nouvelles dispositions. C’est le paradoxe français puisqu’ils refusaient cette libéralisation depuis 30 ans. Les Français n’ont pas été forcés d’accepter cette libre circulation des capitaux. C’est bien le consensus de Paris et pas celui de Washington qui a été le tournant libéral en France. Et la gauche française à de ce point de vue-là joué un rôle majeur en étant la première a vouloir cette libéralisation.
Trois points à comprendre :
- Les Français ont voulu maitriser la mondialisation financière part des règles formelles
- Le moment décisif : libération des capitaux dans l’Europe. C’est ce qui a permis d’avoir la mondialisation actuelle
- L’inflation rognait sur la monnaie, la gauche a donc voulu interdire gauche les contrôles sur les mouvements de capitaux car les contrôles ne portaient préjudices uniquement aux classes moyennes. La gauche décida donc de tout libéraliser.
Les investisseurs n’avaient pas confiance dans ils partaient et la France mettait en place des contrôles sur les capitaux jusqu’en 1983, mais n’arrivait pas à empêcher la fuite ; les riches arrivaient à s’en sortir et les classes moyennes payaient le prix. Donc la France s’est lancée dans le choix de l’Europe devant l’inefficacité de la relance Mauroy notamment, et donc dans l’acceptation des contraintes du SME. Les réserves de changes étaient au plus bas, il était impossible de laisser flotter le change. Mitterand s’est tourné vers l’Europe pour combler le socialisme qui avait échoué. Ça légitimait les décisions qu’ils prenaient. Une orthodoxie financière et budgétaire se met en place en France pour se fabriquer comme une image de marque. La gauche française s’est dépossédée de toute conviction forte.
Dans le traité de Rome était inscrit la libre circulation des biens et services, des personnes mais pas des capitaux, ils devaient être contrôlés. Le livre blanc de Delors ne prône pas encore une libéralisation totale mais c’est fin 1985 que la Commission Delors décida de pousser la libéralisation bien plus loin que ce que prévoyait le marché unique. Donc en 86, dans l’acte unique redéfinit le marché intérieur de manière à ce que la libéralisation des capitaux soit comprise. Dans la direction 1988 sur les mouvements de capitaux, tout type de mouvement de capitaux était jugé « nécessaire » au bon fonctionnement du marché commun.
C’était également un premier pas pour l’union monétaire, on se réglait déjà au plus près sur la politique allemande. Le théorème de Padoa-Schioppa sur l’incompatibilité entre taux de changes fixes, libre circulation des capitaux et autonomie des politiques monétaires fait son apparition (ancêtre de Mundell).
Finalement, trois personnalités françaises ont joué un rôle de premier plan dans le mouvement pour rendre la mondialisation des capitaux possible. Les Français ont surtout voulu essayer de mettre des règles à cette mondialisation là où les États-Unis se contentaient du minimum pour une mondialisation ad hoc.
Vous pouvez retrouver son article gratuitement avec le lien suivant : https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2005-3-page-87.htm?contenu=article