En Amérique latine, les populations indigènes font face à des défis majeurs, tels que le manque d’opportunités d’emploi, le racisme quotidien et l’indifférence des institutions. Malgré leur contribution culturelle et historique, ces communautés demeurent souvent en marge de la société. Les organisations non gouvernementales sonnent l’alarme, parlant même d’“ethnocide”. Ainsi, se pose la question cruciale de la reconnaissance sociale des populations indigènes dans cette région aux multiples facettes.
Problématique générale : les populations indigènes ont-elles obtenu une quelconque reconnaissance en Amérique Latine ?
I- Il est indéniable que des avancées significatives ont été réalisées dans la reconnaissance des peuples indigènes
A) Reconnaissance politique
- Sur le plan politique, l’émergence de leaders d’origine indigène a marqué une transformation importante. En 1992, la leader indigène guatémaltèque Rigoberta Menchú a reçu le prix Nobel de la paix pour son engagement en faveur des droits de l’homme. Depuis lors, d’autres dirigeants indigènes tels que Evo Morales en Bolivie, Ollanta Humala au Pérou et Hugo Chávez (il était métis) au Venezuela, ont occupé le devant de la scène politique.
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- Chávez, par exemple, a officialisé l’identité indigène au Venezuela en ajoutant des symboles tels que l’arc et la flèche au drapeau national. Au Chili, la rédaction d’une nouvelle constitution vise à résoudre l’exclusion politique du peuple Mapuche. De même, au Mexique en 1994, l’Armée de libération zapatiste, dirigée par Marcos, a gagné en notoriété pour sa défense des particularités indigènes et sa lutte politique contre les conséquences du néolibéralisme, symbolisée par le slogan “Terre et liberté” dans un pays comptant 9,5 millions d’indigènes.
B) Reconnaissance internationale de leurs droits
- D’un point de vue international, les droits des peuples autochtones ont connu une reconnaissance significative, notamment avec l’approbation par l’ONU en 2007 de la Déclaration sur les peuples autochtones. Cette déclaration représente un jalon important, symbolisant la volonté mondiale de reconnaître et défendre les droits des autochtones, tout en fournissant un cadre pour canaliser leurs revendications.
- Néanmoins, les décennies précédentes ont été entachées par des épisodes tragiques tels que le génocide des indigènes mayas orchestré par Montt et Víctores dans les années 1980. En réponse à ces violations, des actions juridiques internationales ont été entreprises, avec Menchú obtenant un mandat d’arrêt international contre les responsables et la saisie de leurs biens.
- Malgré ces sombres événements, une évolution positive s’est opérée avec la reconnaissance croissante du caractère multiculturel des nations, accordant aux peuples indigènes le statut de citoyens à part entière et renforçant ainsi leur position dans la quête de leurs droits à l’échelle mondiale.
C) Reconnaissance culturelle
- Sur le plan de la reconnaissance culturelle, des avancées significatives ont été réalisées dans divers pays. Au Paraguay, une étape marquante a été franchie en 1992 avec la reconnaissance officielle de la langue guarani, adoptée comme langue officielle du pays. Aujourd’hui, plus de 88% (d’après Wikipedia) de la population paraguayenne parle cette langue, la considérant non seulement comme un élément clé de leur identité, mais aussi comme un facteur essentiel d’intégration nationale. Cette démarche reflète un engagement en faveur de la préservation et de la valorisation des cultures indigènes.
- Parallèlement, des initiatives culturelles ont émergé pour promouvoir les langues indigènes, telles que la création de l’Ateneo de Lengua y Cultura Guaraní, la traduction de Don Quichotte en Quechua, ainsi que la multiplication des versions Internet dans les langues indigènes. Ces efforts contribuent à reconnaître et à célébrer la richesse culturelle des populations indigènes, renforçant ainsi leur place dans la société et favorisant la préservation de leurs traditions linguistiques et culturelles.
II- Cependant, plusieurs questions cruciales demeurent en suspens
A) Les défis persistants de la pauvreté, l’éducation et de la pandémie
- En premier lieu, des défis socio-économiques persistants affectent durement les communautés indigènes. Les propos de Daniel Ortega mettent en lumière la précarité de la situation au Guatemala, où 80% des indigènes vivent dans la pauvreté et 40% sont analphabètes. Il souligne que cette pauvreté découle en grande partie des atteintes portées à leurs valeurs et leur économie, considérant que la richesse, pour eux, réside dans un environnement familial et humain varié plutôt que dans l’accumulation matérielle.
- De plus, la pandémie mondiale a exacerbé les inégalités existantes, frappant de manière disproportionnée les communautés indigènes. Au Pérou, par exemple, douze leaders indigènes ont perdu la vie en raison de l’exploitation minière et forestière illégale, du trafic de drogue, et d’autres facteurs liés à la crise sanitaire. Ces défis persistants soulignent la nécessité de politiques et d’actions concrètes visant à améliorer les conditions de vie, l’éducation, et à adresser les conséquences sociales de la pandémie au sein des populations indigènes.
B) Conflit pour la récupération et la protection des terres ancestrales
- Pour les populations indigènes, la connexion spirituelle à leurs terres est profonde, et la perte de celles-ci est ressentie comme une amputation spirituelle, compromettant leur capacité à nourrir leurs familles. Cependant, cette quête est souvent entravée par les réalités économiques des nations latino-américaines, dont les économies reposent largement sur l’exportation de matières premières. Malheureusement, cette extraction a des conséquences dévastatrices sur des écosystèmes entiers, affectant en premier lieu les populations indigènes qui en sont les principales victimes.
- Selon les chiffres d’Oxfam, au Paraguay, plus de 900 000 paysans ont été expulsés de leurs terres au cours de la dernière décennie, illustrant la magnitude du problème. En Équateur en 2018, les indigènes ont dû recourir à des moyens tels que la lutte armée et les tribunaux pour s’opposer à l’exploitation minière et pétrolière menée par des entreprises chinoises, notamment Sinopec, tout en dénonçant la pollution des rivières traversant leurs territoires. Ces conflits révèlent la nécessité d’une attention internationale soutenue pour la protection des droits fonciers des peuples indigènes et la préservation de leurs terres ancestrales face aux pressions économiques et environnementales croissantes.
C) Discrimination sociale
La discrimination sociale demeure un défi significatif pour les peuples indigènes, illustré par la situation des Mapuches. Actuellement, des milliers d’entre eux font face à des pressions sociales, abandonnant leurs noms d’origine, sources de moqueries et d’insultes, au profit de noms européens, et évitant de parler Mapudungun en public. Cette forme de discrimination se trouve exacerbée par des lois héritées du passé, telles que la loi antiterroriste instaurée pendant le régime de Pinochet, qui demeure en vigueur et est utilisée de manière abusive depuis 2001 pour arrêter et condamner des Mapuches participant à des manifestations pour leurs droits. Cette législation crée une atmosphère de répression, accentuée par une double poursuite judiciaire, engagée tant par la justice ordinaire que par l’armée.
Conclusion
Bien que les revendications des ethnies indigènes aient trouvé des échos au niveau national, continental et global, de nombreuses aspirations demeurent étouffées par la répression ou le silence. Toutefois, des lueurs d’espoir émergent, offrant des perspectives positives. Un exemple éclairant provient du Mexique, où le modèle novateur de l’“ejido” a été mis en place. Ce système de propriétés rurales à usage collectif confie la gestion des terres aux indigènes et aux agriculteurs, garantissant ainsi un droit à la terre essentiel. Cet exemple inspire à envisager des solutions novatrices et durables pour la reconnaissance et la protection des droits des peuples indigènes.
Pour aller plus loin
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