La « Future Investment Initiative » est un évènement organisé par l’Arabie Saoudite qui regroupe pendant deux jours les milieux d’affaires des grandes puissances. Surnommée le « Davos du désert », cette conférence est une vitrine pour le prince héritier Mohammed ben Salmane.
La « Future Investment Initiative »
Ce forum économique a été lancée en 2017 par le prince héritier Mohammed ben Salmane pour diversifier l’économie saoudienne. Cette nouvelle édition regroupe 500 intervenants parmi quelque 6 000 participants. Parmi les participants figurent nombreux chefs d’entreprise de pays d’Amérique du Sud ainsi qu'”une énorme délégation chinoise”, comprenant plus de 80 PDG, ainsi que des entreprises comme Blackstone, Engie ou Goldam Sachs.
Lire plus : Les banques centrales sont-elles à cours de réserve de change ?
Des relations tendues entre les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite
Proches partenaires, les Etats-Unis et l’Arabie saoudite entretiennent des relations glaciales en raison de la répression implacable contre la dissidence politique dans le royaume. Ces dernières semaines, les relations se sont encore envenimées en raison de la décision des pays exportateurs de pétrole, Arabie saoudite et Russie en tête, de réduire la production pour soutenir les prix qui étaient en train de baisser. De plus, aucun responsable politique américain n’a été invité cette année, contrairement aux éditions précédentes.
Néanmoins, ces tensions ont été reléguées au second plan et jusqu’à 400 PDG américains ont assisté au forum. Le Wall Street Journal note que « les chefs d’entreprise du monde font fi du désaccord diplomatique entre les Etats-Unis et l’Arabie saoudite ».
Lire plus : L’augmentation des taux d’intérêts directeurs des banques centrales, bonne ou mauvaise solution ?
Sous-investissements dans les hydrocarbures
Lors d’une table ronde « sur le nouvel ordre » mondial, un consensus est apparu sur le manque d’investissements dans les infrastructures énergétiques au cours des dernières années. C’est déjà ce qu’expliquait Thomas Grjebine dans le chapitre 3 (Le retour de l’inflation et des dilemmes macroéconomiques qui vont avec) de l’Economie mondiale 2023 CEPII. Les investissements dans les énergies polluantes ont été freinés, notamment en Allemagne avec la sortie programmée du charbon. Les investissements pétroliers et gaziers mondiaux ont baissé de 26 % entre la première et la seconde moitié de la décennie 2010, selon l’Agence internationale de l’énergie. Ce ralentissement des investissements s’est fait sans que des alternatives aient pu prendre le relais. Dans l’Union européenne, les énergies renouvelables ne représentent actuellement qu’environ 20 % de la consommation d’énergie, et l’augmentation de cette part prendra du temps. C’est ce qui explique que la hausse de la facture énergétique pourrait non seulement ne pas être transitoire, mais même s’aggraver avec l’intensification de la lutte contre le changement climatique.
Les investissements sont encore plus faibles dans le gaz. De nombreux investissements dans le gaz naturel liquéfié ont été suspendus au Moyen-Orient ces dernières années. En Europe, aucune politique d’infrastructures de réception n’a été mise en œuvre, le blocage actuel des navires méthaniers en est la parfaite illustration. Durant la semaine du 24 octobre, au moins sept navires transportant du gaz naturel liquéfié attendaient au large de la côte sud-ouest de l’Espagne. Tandis que deux autres étaient ancrés près du terminal de Milford Haven, au Royaume-Uni, pis encore, une trentaine de méthaniers tourneraient au ralenti ou navigueraient lentement aux abords de l’Europe, en attendant de pouvoir décharger leur gaz. L’Europe compte une trentaine de terminaux de regazéification mais mal répartis. Les terminaux sont abondants au Royaume-Uni, au Portugal par exemple mais inexistants en Allemagne, le pays le plus dépendant du gaz russe.
Lire plus : Que s’est-il vraiment passé avec les fonds de pension britannique ?
Pour conclure, la sixième édition du « Davos du désert » a eu lieu du 25 au 27 octobre 2022. Deux points sont à retenir de ce forum. Premièrement les milieux d’affaires n’ont pas l’intention de suivre l’escalade diplomatique entre Joe Biden et Mohammed ben Salmane. Deuxièmement, le sous-investissement dans les hydrocarbures est une explication importante des difficultés rencontrées par les grandes puissances à réagir à la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine.