Vendredi 7 juillet 2023, les 175 pays membres de l’Organisation maritime internationale (OMI) réunis à Londres depuis quinze jours ont acté un important renforcement des objectifs de décarbonation du secteur maritime, en visant globalement la neutralité carbone au milieu du siècle.
Le secteur maritime, un important pollueur
Le secteur maritime constitue un rouage essentiel de la mondialisation : il assure plus de 80 % du commerce mondial, grâce à 100 000 navires, qui transportent 2,2 milliards de tonnes de marchandises par an. Ce secteur est responsable d’un milliard de tonnes de CO2 équivalent par an, soit 3 % des émissions mondiales. Soit l’équivalent des rejets du Japon ou de l’ensemble de l’Afrique. « Si le transport maritime était un pays, il serait le 8e plus gros émetteur de gaz à effet de serre au monde », précisait l’ancien candidat aux présidentielles américaines, John Kerry.
L’urgence est là car les volumes du commerce maritime devraient tripler d’ici à 2050, si rien n’est fait, ses émissions s’envoleront par la même occasion. Surtout qu’à l’instar du secteur aérien, le secteur maritime n’est pas un pays donc ses émissions échappent à la comptabilité nationale que doivent tenir les Etats et dont ils doivent rendre compte, comme le veut l’Accord de Paris sur le climat. De surcroît, comme le rapporte Aux Echos un bon connaisseur de l’organisation, « l’esprit c’était plutôt : le transport maritime, essentiel à l’économie planétaire, ne fait pas partie du problème, mais de la solution ».
Cependant, avec l’urgence climatique et la pression croissante des acteurs du secteur et des gouvernements, il était devenu nécessaire de prendre des mesures. Ainsi, les pays ont adopté une stratégie plus ambitieuse, visant désormais à atteindre la neutralité carbone dans le secteur maritime d’ici 2050, alors qu’auparavant ils visaient une réduction de moitié des émissions.
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La décarbonation du secteur maritime est en marche
L’objectif d’émissions nettes nulles « d’ici ou aux alentours de 2050 », adopté par l’OMI, a été salué comme « un moment historique » par son président et a reçu un large soutien des délégués présents. « Notre organisation s’engage devant 8 milliards d’habitants », a contextualisé le délégué de la France.
Toutefois, des compromis ont été nécessaires lors des négociations, notamment en ce qui concerne les objectifs à atteindre d’ici 2030 et 2040. Appelés de façon assez floue des « points de contrôle indicatifs », c’est-à-dire non contraignants – pour 2030 (-20 % d’émissions en visant -30 %) et 2040 (-70 % en visant -80 %), ces derniers ne sont pas assez ambitieux pour certains, trop pour d’autres qui redoutent un coup de frein à leurs échanges commerciaux.
En somme, si le secteur mondial veut se décarboner conformément à l’Accord de Paris, il devra aller au-delà du pétrole. Après l’Europe, un premier pas vient d’être fait, à Londres, pour inciter à adopter des technologies propres : les 175 pays membres de l’IMO se sont entendus pour qu’au moins 5 % de l’énergie utilisée pour le fret soit « zéro carbone » ou presque d’ici à 2030, et si possible 10 %.
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Certaines idées ont été écartées par des pays a priori réticents à trop d’efforts
L’idée d’une taxe sur les gaz à effet de serre, que la France soutient, si elle n’a pas été enterrée, s’est vue confinée dans un « panier » de mesures possibles. Plus de 70 pays du Nord et du Sud ont soutenu cette éventualité d’un prix mondial du carbone pour le secteur. « Il y a un risque pour les pays en développement », a craint pour sa part l’Argentine. Comme d’autres gros exportateurs, elle a estimé que : « Les pays dont les marchés sont éloignés seront affectés de façon disproportionnée et le renchérissement des coûts du fret aura un impact sur les prix alimentaires. »
La Chine et le Brésil ont compté parmi les réticents. Un prélèvement financier universel ? Pour le Brésil, ce serait une « taxe sur la distance » jusqu’à ce que les carburants zéro carbone soient largement disponibles, ce qui prendra du temps, et d’ici là il pourrait être trop tard pour certaines économies, a fait valoir son délégué dès l’ouverture des négociations. Et d’insister : l’Amérique latine et l’Afrique sont loin de leurs hubs commerciaux, c’est une conséquence de l’histoire, un résultat direct de « l’héritage colonial ».
Pour finir, les ONG, elles, sont restées sur leur faim, et certaines, très critiques sur le niveau d’ambition de l’accord. Trop faible, ont-elles jugé en l’état, pour permettre au transport maritime de s’aligner avec l’objectif le plus exigeant de l’Accord de Paris qui vise à limiter le réchauffement à 1,5 °C. Pour cela, il faudrait réduire les émissions du secteur de moitié d’ici à la fin de la décennie.
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Pour conclure, la réunion des membres de l’OMI à Londres pour activer la décarbonation du secteur maritime marque un tournant majeur dans la lutte contre le changement climatique. Cette décision historique ouvre la voie à des mesures concrètes visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur maritime et à promouvoir une transition vers des pratiques plus durables.