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Dette publique et déficit public en France : les défis d’une économie sous pression

Sommaire
Illustration montrant le poids de la dette

Cet article au sujet du déficit public et de la dette publique en France se trouve en plein cœur de l’actualité économique (inquiétante) du pays.

 

Déficit public et dette publique : définitions des concepts clés

Le déficit public est le solde annuel négatif (les dépenses supérieures aux ressources) du budget des administrations publiques (État, collectivités territoriales et organismes de Sécurité sociale).

La dette publique, elle, correspond au total des emprunts contractés par ces mêmes administrations publiques. Et comme la dette est un stock (et le déficit un flux), elle correspond à une accumulation de déficits sur plusieurs années. Généralement, nous pouvons affirmer que la dette résulte de trois facteurs : le poids du passé (dette et charge d’intérêts), les décisions budgétaires et les données macroéconomiques du moment.

 

 

État des lieux de la situation économique actuelle en France

En 2023, la dette publique dépasse les 110 % du PIB (elle était de 97,9% du PIB en 2019 avant la pandémie du Covid-19), et le déficit s’est établi à 5,5% du PIB et il pourrait dépasser les 6% cette année. 

La France est le troisième pays européen le plus endetté (après la Grèce et l’Italie) et affiche le deuxième déficit le plus élevé (après l’Italie). Ainsi, la Commission européenne a lancé une procédure pour déficit excessif à l’encontre de la France. Elle doit rapidement redresser ses comptes mais c’est le seul pays qui ne prévoit pas un retour sous les 3% du PIB d’ici à 2026… C’est également la raison pour laquelle l’agence de notation américaine Standard & Poor’s a dégradé la notation de la dette française de « AA » à « AA- ».

Lire plus : Quelle est l’influence des agences de notation sur les dettes souveraines ?

 

 

Quelles sont les causes de cette situation ?

Les niveaux de déficits et de dette atteints s’expliquent à la fois par des raisons structurelles et conjoncturelles.

 

Des dépenses publiques historiquement élevées 

Premièrement, la France a historiquement un haut niveau de dépenses publiques, représentant une part significative de son PIB. En 2023, ces dépenses représentaient 57,3% du PIB, bien au-dessus de la moyenne européenne. Ses investissements ont dû croître avec le niveau de vie (loi de Wagner) et ne pouvaient pas baisser par la suite (effet cliquet). Mais ils ont même dû augmenter pour financer par exemple la transition énergétique ou faire face aux conséquences du vieillissement de la population (soins de santé, arrêts maladie, investissements dans des infrastructures, etc.).

 

L’accroissement de la dette à travers les crises 

Le passé influence le présent aussi en matière de déficit. En effet, les déficits publics se sont accumulés au fil des années, donc chaque année, le déficit devient plus difficile à gérer et cela alourdit la dette ainsi que le service de la dette (c’est-à-dire le coût de remboursement de la dette). Cela s’explique surtout par les crises économiques et des ralentissements de la croissance. En effet, avec la crise de 2008, puis celle du Covid-19 et la crise énergétique, l’État a adopté une stratégie de « quoi qu’il en coûte » et ses dépenses ont bondi afin de soutenir les entreprises en difficulté, aider les ménages et investir dans la santé.

 

Les réductions d’impôts et la baisse des recettes

Mais parallèlement, les recettes publiques (51,9% du PIB en 2023) ne suffisent pas à couvrir les dépenses. Selon la Cour des comptes, les baisses d’impôts depuis le début du quinquennat d’E. Macron en 2017, ont grevé les recettes publiques de 62 milliards d’euros. Et les manquements de recettes fiscales qui, s’expliquent, selon l’ancien Ministre de l’Économie et des finances, Bruno Le Maire, par le ralentissement rapide de l’inflation, qui, en plus d’alourdir mécaniquement le poids de la dette, amoindrit les recettes de TVA ainsi que les cotisations salariales et l’impôt sur le revenu (car le SMIC qui est indexé sur l’inflation, et la moyenne des salaires qui suit l’évolution du SMICaugmentent plus lentement également). Et d’autres taxes, telles que l’impôt sur les sociétés, ont rapporté moins que prévu. A tout cela s’ajoute une croissance bien trop faible (0,2% au premier trimestre 2024) pour endosser cette situation.

 

Le manque de réformes structurelles

Enfin, le premier Président de la Cour des comptes, P. Moscovici regrette que la France n’ait engagé aucune mesure d’économie structurelle, en particulier en 2023, alors que pour la première fois depuis l’émergence du Covid – puis les chocs externes liés au conflit russo-ukrainien et aux difficultés d’approvisionnement énergétique – aucun choc externe n’est venu perturber l’économie par la suite.

 

 

Quels risques pour l’économie et la société ?

La situation alarmante de la dette et du déficit en France comporte des risques significatifs, tant pour sa stabilité économique que pour sa position sur la scène internationale.

 

Une crédibilité économique fragilisée

Nous entrevoyons un premier problème avec ce que nous venons de dire : la crédibilité de la France est détériorée. Cela a pour conséquence une baisse de confiance de la part des investisseurs, donc une réduction des investissements en France ou une hausse des intérêts pour compenser cette inquiétude. La charge de la dette est alors d’autant plus lourde et la dette d’autant plus insoutenable (effet boule de neige). Ce qui est sûr c’est que la situation n’est pas tenable pour la France qui doit rapidement retrouver une situation qui respecte davantage les règles européennes.

 

Des répercussions économiques et sociales imminentes

De ce fait, il faudra pour le pays redoubler d’efforts pour favoriser les recettes et / ou diminuer les dépenses. Ces actions ne seront pas sans conséquences sur la croissance économique et la situation sociale dans le pays. Il faut le sortir de la paralysie en le désendettant. Une montagne d’investissements l’attend, notamment en matière de transition écologique. En effet, le réchauffement climatique risque de peser aussi sur la dette publique car le nombre d’heures travaillées risque de chuter sous l’effet de la hausse des arrêts de travail liés à la hausse de problèmes de santé, et la productivité des heures travaillées va, elle aussi, décliner. Les événements climatiques percutent la production des exploitations agricoles, ou encore le bon fonctionnement des infrastructures de transport. Les arrêts d’activité imposés, ou du moins les ralentissements, pourraient se multiplier, avec en outre des tensions sur les approvisionnements.

Lire plus : Joseph Stiglitz prend la parole sur la dette des futures générations ! 

 

Quelles stratégies sont envisageables pour la France ?

Il paraît maintenant clair que les leviers à activer sont l’augmentation des recettes et la diminution des dépenses.

 

L’augmentation des recettes par une hausse de la fiscalité

Pour certains, il faudrait augmenter les impôts ou tourner la fiscalité vers d’autres groupes afin qu’il y ait une fiscalité plus juste. C’est ce que Michel Barnier a déclaré vouloir mettre en place dans la période à venir. Il ne faut tout de même pas oublier que la France a déjà l’un des taux les plus élevés en Europe en matière de prélèvements obligatoires et qu’une hausse supplémentaire serait difficilement acceptée, surtout par la classe moyenne. Mais le nouveau Premier ministre assure qu’il ne va pas « alourdir encore l’impôt sur l’ensemble des Français », que seules les « très grandes sociétés » et les « personnes les plus fortunées » seront concernées. 21 milliards d’euros de recettes seraient attendues mais cela suffira-t-il à rassurer les Français, les investisseurs et la Commission européenne ?

 

La baisse des dépenses

Pour d’autres, tels que le ministre sortant de l’Économie Bruno Le Maire, le principal levier à actionner demeure la baisse des dépenses. La France prévoit déjà des coupes budgétaires, de 20 milliards en 2024 et de 27 milliards en 2025. Toutefois, il ne faut pas réduire indistinctement l’ensemble des dépenses car cela pourrait s’avérer inefficace économiquement et socialement à long terme. Mais aussi, il ne faudrait pas réduire les dépenses trop rapidement. Il faut trouver un juste milieu car un temps d’attente trop long nuirait à la crédibilité mais un temps trop court nuirait à la croissance.

 

Conclusion 

Les besoins d’investissements, la crédibilité du pays et le respect des engagements européens obligent la France à s’attaquer rapidement au problème du déficit et de la dette publique. De ce fait, même si le futur reste incertain, le plan qui se dessine peu à peu semble aller vers une réduction des dépenses couplée à une hausse des impôts. Quoi qu’il en soit, les solutions doivent être faisables politiquement, acceptables socialement et cohérentes économiquement.

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Natyra Kabashi