Alors que la France importe à l’heure actuelle 100 % du lithium qu’elle utilise, le leader mondial de la production et transformation des minéraux industriels Imerys ambitionne d’ouvrir une exploitation dans l’Allier au travers du projet Emili.
Revenons sur cette annonce du géant Imerys.
Qu’est-ce que le lithium ? À quoi sert-il ?
Le lithium est un métal alcalin au cœur du processus de fabrication des batteries à ions. On le retrouve dans les smartphones, les ordinateurs ou encore dans les voitures électriques.
La consommation mondiale de lithium ne cesse de croître. D’après l’Agence internationale de l’énergie, d’ici 2040 sa demande sera multipliée par 40.
En effet, la démocratisation de la voiture électrique risque d’influencer fortement la demande mondiale. Par exemple, une Tesla model S contient 63 kg, c’est-à-dire l’équivalent de 10 000 téléphones.
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Qui produit ce minerai ?
À ce jour, les plus gros producteurs de lithium sont les Etats-Unis, l’Australie, la Chine, le Chili et l’Argentine. Plus récemment la Bolivie a découvert l’existence de lithium dans le désert de sel nommé Salar de Uyuni où se trouve près de 17 % du lithium mondial. Avec près de la moitié des réserves mondiales, le Chili, l’Argentine et la Bolivie forment ce que l’on nomme le « triangle du lithium ».
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Quel est l’objectif de l’exploitation dans l’Allier ? Réponse face à la demande mondiale ?
La société française Imerys souhaite ouvrir une des plus grandes exploitation d’Europe dans la perspective de produire suffisamment de batteries pour fournir 700 000 voitures électriques chaque année à partir de 2028. La transition vers l’électrique est réelle et rapide. Le constructeur automobile français Renault a annoncé vouloir produire 100 % de ses modèles en électriques en Europe en 2030.
La production de lithium dans l’Allier, qui va coûter près d’un milliard d’euros, permettra de créer des milliers d’emplois directs et indirects dans la région Auvergne-Rhône-Alpes. Ce site d’exploitation deviendra à terme le deuxième plus important du continent européen après celui de Vulcan en Allemagne.
L’enjeu est donc de taille puisque qu’il n’y a quasiment aucune exploitation de lithium en Europe malgré des réserves connues en Serbie, au Portugal, en France ou encore en Allemagne et des projets d’exploitation comme celui de la Mina du Barroso au nord du Portugal. D’autant que l’UE s’est fixée des objectifs contraignants… Bruxelles interdira la vente de véhicules neufs non électriques dès 2035 !
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Que dire du point de vue économique et géopolitique ?
Objet de toutes les convoitises, le lithium est en train de devenir une denrée rare. Pour certains, il sera plus précieux que le pétrole dans les années à venir. On parle d’or blanc !
L’Union européenne est si dépendante des importations qu’en janvier 2022, après la pénurie mondiale des semi-conducteurs, Bruxelles a inclut le lithium dans sa liste des métaux critiques.
L’augmentation de la demande place ainsi les pays producteurs dans une position de force aussi bien sur le plan économique que géopolitique. La dépendance envers l’industrie chinoise est telle que Pékin raffine près de 60 % du lithium mondial. Au niveau financier, la tonne de lithium avoisine les 50 000 dollars en 2022 contre seulement 6 000 en 2020.
En réalité, la dépendance vis-à-vis de l’empire du milieu ne concerne pas spécifiquement l’extraction du lithium puisque ce sont l’Australie et les pays d’Amérique latine qui dominent ce marché… En revanche, Pékin domine la production de batteries !! Il ne faut donc pas négliger cet aspect. Pour réellement se défaire de la dépendance internationale et obtenir une certaine souveraineté, l’Europe doit être capable d’extraire et traiter le lithium elle-même pour produire les batteries directement sur son sol.
Le projet Imerys a reçu le soutien du gouvernement français notamment par la voix de Bruno Lemaire.
Quelles sont les remises en cause de cette exploitation ?
Les conséquences environnementales de l’exploitation du lithium sont encore peu connues. Pour extraire du lithium, il faut deux éléments essentiels : de l’eau et de l’énergie. L’eau consommée n’est plus utilisable pour la consommation domestique et agricole… L’énergie provient pour le moment essentiellement des énergies fossiles… C’est ce qu’a par exemple dénoncé Antoine Gavet, le vice-président de France Nature Environnement, au micro de l’AFP en parlant de « mythe de la mine propre ». Il a aussi souligné les énormes quantités d’eau utilisées et les déchets générés dont on ne sait pas encore recycler.
Par ailleurs, l’Europe est un continent fortement urbanisé. Or, les projets tels que celui d’Imerys sont souvent dénoncés par les populations locales. L’entreprise anglo-australienne Rio Tinto a par exemple été contrainte de renoncer à son projet en Serbie face au poids des oppositions.
Cependant, le géant Imerys a d’ores et déjà souligné l’importance du respect de l’environnement dans son projet. Il estime les émissions à 8 kg de dioxyde de carbone par tonne de lithium exploitée alors qu’en Australie, les émissions sont plus proches des 20 kg. Il précise aussi que toute l’exploitation sera souterraine de sorte à ne pas émettre de poussières ou de nuisances sonores.
Comme on l’a vu, le lithium est au cœur d’enjeux économiques, géopolitiques et environnementaux. Ainsi, malgré les risques, le projet Emili permettra en partie de se soustraire à la dépendance mondiale en placant la France parmi les premiers producteurs.