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Analyse de « la France périphérique »

Sommaire

 La France périphérique : comment on a sacrifié les classes populaires, est un essai du géographe français Christophe Guilluy. Ses ouvrages sur la société française et leurs lignes de fractures font autorité et sont des références incontournables à placer dans un sujet sur la France. Dans son essai, Guilluy présente la mondialisation comme un phénomène ayant entraîné un processus de métropolisation du territoire français. Les métropoles françaises génèrent en effet aujourd’hui la majorité des richesses au niveau national. Cette dynamique met cependant à l’écart une grande partie du territoire où les populations n’ont pas la même perception de la mondialisation, qu’ils considèrent davantage comme une menace. Cette partie du territoire et de la population constitue la « France périphérique ». Elle est décrite comme le constat de l’exode des classes populaires vers le rural et le périurbain profond, à l’écart des banlieues et des grandes métropoles, lieux de résidence des classes dirigeantes. 

Le tableau d’une France divisée en trois ensembles socioculturels et les caractéristiques de la France périphérique

Les 25 aires urbaines les plus peuplées représentent la France des métropoles. Elles comptent 40% de la population et engendrent près des 2/3 du Produit National Brut (PNB). Les métropoles sont peuplées par les catégories supérieures bénéficiant de logements privés et, en périphérie, par des populations mobiles d’immigrés récents, au sein des banlieues ou des logements sociaux : c’est la « mondialisation par le bas ». Mais la gentrification importante qui se crée dans ces espaces pousse les classes populaires  à s’éloigner et s’installer dans la « France périphérique ». Ils payent toutefois cet éloignement en frais et temps de transport individuel. Cette population a donc quitté les centres les plus attractifs en matière d’emploi pour suivre le mouvement de délocalisation de l’industrie à l’écart des villes, à cause du prix du logement, mais également pour contourner les quartiers populaires rattachés aux grandes métropoles parce qu’elles ont fait face à l’échec de la cohabitation avec les populations immigrées. 

La création des richesses et le marché de l’emploi se concentrent de plus en plus au sein des métropoles les plus dynamiques. Cette spécialisation du territoire a chassé les classes populaires, ouvriers et employés, hors des métropoles. Répartis dans les villes petites et moyennes, les couronnes périurbaines et les campagnes, cette « France périphérique » regroupe près de 3400 communes (sur 36000) et rassemble 61,3% de la population, dont les trois quarts sont des catégories populaires. Elle dessine la France des « fragilités sociales », définie par de nombreux indicateurs : revenus bas, part des chômeurs importante, emplois précaires, etc. La France que présente l’auteur connaît donc une « fracture sociale », qui se répercute en une « fracture spatiale ».

Les conséquences structurelles de l’émergence de la France périphérique:

Les analyses de l’auteur ont montré que la France périphérique vote Rassemblement national, quand elle ne s’abstient pas. En effet, le vote RN vient du sentiment d’être abandonné par l’Etat-providence. Or, les territoires de la France périphérique sont ceux où la contestation de l’État-providence est la plus forte et où le sentiment d’abandon par rapport aux banlieues est le plus aigu. Par exemple, au Nord de la France, le vote RN est celui de jeunes actifs, menacés par la précarité et le licenciement au sein d’usines anciennement productives. Au Sud, il résulte d’une réaction identitaire, de la part de populations plus âgées, qui craignent de devenir minoritaires face à l’immigration.

On assiste de fait à l’émergence d’un populisme, jugée comme un danger par la classe supérieure au pouvoir. Celle-ci discrédite les catégories populaires en citant de « populisme » toutes les idées et tous les débats qui pourraient servir à les rassembler : l’immigration massive, le multiculturalisme, ou la mondialisation par exemple.

Les catégories modestes se sont donc construit leur « village », selon les termes de l’auteur. C’est une démarche de protection, et non de fermeture. Les classes populaires ont fui les banlieues pour éviter de devenir minoritaires dans leur lieu de vie face à l’émergence des populations immigrées: le séparatisme territorial est ainsi une solution pacifique, face à des causes de tensions inévitables.

 

Une nouvelle organisation sociale et géographique inégalitaire représentant un équilibre instable, qui fait débat:

Ainsi, l’analyse de l’auteur présente les trois nouveaux grands espaces de la société française à travers leurs conséquences structurelles.

  • La France périphérique dont l’existence se traduit par un vote pour des partis contestataires ou un affranchissement du projet politique des classes dirigeantes, et se caractérise par des problèmes en commun, dont la vulnérabilité et la fragilité économique et sociale. Elle n’est cependant pas une classe sociale. Ce sont des populations diverses qui ont un sentiment en commun, celui de faire partie des « perdants de la mondialisation ».
  • Des banlieues, dans lesquelles vivent une majorité d’immigrés qui bénéficient d’un milieu urbain métropolitain et communautaire.
  • Des métropoles gentrifiées, entre la banlieue qui abrite les immigrés récents, et les classes supérieures y vivent aisément.

L’opposition entre deux France que décrit Guilluy, sans jamais la citer, peut toutefois être perçue comme trop schématique et réductrice. Par ailleurs, les thèses de Christophe Guilly ont pu être réutilisées à mauvais escient par les partis d’extrême droite pour dénoncer l’immigration comme un problème structurel alors que C. Guilly cherche à montrer un manque d’intégration qui a des conséquences intrinsèques.

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Laura Riffaut