L’économiste américain Gary Becker est le théoricien du capital humain (Human Capital, 1993), à savoir l’« ensemble des capacités productives qu’un individu acquiert par accumulation de connaissances générales ou spécifiques, de savoir-faire, etc.” issues de dons personnels, innés, de sa formation.
Le capital humain, une forme singulière de capital
L’investissement en capital humain peut faire l’objet d’un calcul d’un taux de rendement marginal, lié à une dépense ou une année d’études supplémentaire. Ce rendement peut s’évaluer comme le rapport entre le supplément des revenus du travail que cet investissement permettra d’obtenir sur le restant de la vie active et l’ensemble des coûts occasionnés par cet investissement. Le coût d’un investissement en capital humain comprend les coûts de la formation (frais de scolarités), les coûts entraînés par ce choix (logement, matériel) et le coût d’opportunité (les revenus que la personne ne touchera pas pendant le temps de ses études, ou autrement dit, le coût de renoncement à ce qu’aurait apporté le choix inverse d’entrer directement sur le marché du travail). L’individu fait donc un arbitrage entre travailler et suivre une formation qui lui permettra d’avoir des revenus futurs plus élevés qu’aujourd’hui.
Le préservation de son capital physique (santé, nourriture, etc.) est également prise en considération. L’individu optimise ses capacités en évitant qu’elles ne se déprécient trop à cause de la dévalorisation de ses connaissances ou de la dégradation de sa santé physique et morale. Il investit de manière à augmenter sa productivité future et ses revenus. Dans la théorie du capital humain, la connaissance accumulée et la santé sont donc des investissements comme les autres.
Selon Becker, le capital humain est un actif, un patrimoine, un stock de connaissances et d’expériences accumulé par son détenteur tout au long de sa vie par des investissements susceptibles d’accroître sa productivité future et donc son salaire. Le salaire correspond au rendement du capital humain, à la rémunération de l’investissement dans l’éducation.
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Des agents économiques rationnels
La théorie de Becker fait l’hypothèse d’une rationalité des agents économiques investissant dans le capital humain : tout investissement implique un choix et ainsi des coûts d’opportunité. L’investissement ou non dans le capital humain est le résultat d’un calcul coût-avantage réalisé par l’agent économique (en supposant qu’il dispose de l’ensemble des informations nécessaires et qu’il ne se trompe pas dans les anticipations). L’agent économique se comporte tel un homo œconomicus dans le domaine de l’éducation.
Un individu peut accepter de retarder son entrée sur le marché du travail et de changer son arbitrage entre travail et loisirs, car le salaire qu’il attend dans l’avenir est supérieur à celui qu’il aurait eu sans formation. L’investissement en capital humain est rentable s’il permet d’obtenir un salaire plus élevé qui rembourse les frais d’investissement initiaux.
Cependant, contrairement au capital physique ou financier, la personne qui se forme n’est pas en mesure de se démultiplier (comme une entreprise pourrait démultiplier ses unités de production), elle est notamment contrainte par son capital intellectuel et de mémorisation et évidemment, contrainte par le temps. Becker justifie de cette façon que l’éducation présente des rendements décroissants puisque chaque année supplémentaire passée en formation, même si elle augmente le revenu futur, rapporte moins que la précédente.
Néanmoins, Becker identifie des divergences dans l’intérêt qu’ont les individus à investir ou non dans leur formation. Il souligne le poids des contraintes financières mais aussi l’influence de la famille dans les choix individuels. Enfin, les différences de capacité d’apprentissage d’un individu à l’autre expliquent aussi que des individus présentant un profil socio-économique proche, n’effectuent pas les mêmes choix : le «talent » diminue le coût de la poursuite d’étude (avec le système des bourses aux Etats-Unis notamment). D’autre part, la majorité des études empiriques mettent en lumière une corrélation entre le statut socioéconomique des parents et le niveau scolaire atteint par leur enfant.
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