Une semaine après le coup d’État survenu au Niger le 26 juillet 2023, les manifestants favorables au putsch militaire continuaient de scander « à bas la France » devant l’ambassade de France à Niamey. Ces évènements s’inscrivent dans un certain rejet de la présence et de l’influence françaises en Afrique.
Constatant l’ampleur de ce recul, quel est alors l’état actuel des relations entre la France et ses anciennes colonies d’Afrique ?
La Françafrique : définition et origine
La Françafrique désigne l’ensemble des relations entre la France et ses anciennes colonies africaines pour en dénoncer le caractère ambigu et opaque. Si le processus de décolonisation est inéluctable au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’enjeu pour de Gaulle en 1958 est de régir les nouvelles relations avec ces pays devenus indépendants. Dans la perspective d’une « Communauté française », il charge Jacques Foccart des « affaires africaines et malgaches » pour assurer la diplomatie et la présence françaises en Afrique.
Économiquement, une présence dans l’espace françafricain confère à la France des avantages évidents : débouchés aux entreprises, accès privilégié à certains marchés ou encore l’exploitation de ressources naturelles comme l’uranium au Niger. Elle se manifeste aussi culturellement à travers la francophonie ou encore la multitude de lycées français en Afrique. Enfin, elle lui vaut également des atouts géostratégiques favorisant l’installation de bases militaires pour une projection de l’armée tricolore. Ainsi, l’Afrique était pour Paris un moyen de démutliplier sa puissance d’où des liens évidents jusque les années 1990.
Pourtant, les liens entre la France et l’Afrique semblent s’être distendus
Désormais, la France semble perdre du terrain, notamment car sa présence est rejetée ou dénoncée. Ce qui ressort davantage, c’est le crépuscule de la Françafrique, d’où de vives critiques émergent, transparaissant notamment dans La Françafrique, le plus long scandale de la République de François-Xavier Verschave paru en 1998 : l’économiste y pointe les différents mécanismes mis en place par la France afin de garder la mainmise, une certaine domination sur ses anciennes colonies.
Tout d’abord, l’ingérence politique française a remis en cause le bien-fondé de ce système. En effet, sous VGE, la France est intervenue dans la politique intérieure de la République centrafricaine en soutenant Bokassa arrivé au pouvoir en 1966 puis en le renversant en vertu de l’opération Caban en septembre 1979. Plusieurs affaires ternissant l’image de la France dans ces pays ont fait l’actualité, parmi lesquelles on retrouve l’Angolagate en 1990 ou encore l’affaire Elf en 1994. C’est pourquoi les interférences françaises en politique intérieure ont été dénoncées à la fois en France et en Afrique.
De surcroit, la présence économique française est rejetée quand elle est identifiée à du pillage ou à une atteinte de la souveraineté des États. Elle est alors perçue comme du néocolonialisme, notamment au Gabon, État pétrolier où TotalEnergies – anciennement Elf – occupe une place prépondérante dans l’économie nationale. De plus, la France émet moins de 5% de ses IDE vers l’Afrique, ce qui est faible face à la dynamique d’autres États comme les États-Unis ou la Chine qui font de l’Afrique un nouveau terrain de compétition, ce que met en exergue adroitement Clément Nguyen dans Le dragon et l’aigle : lutte d’influence en Afrique subsaharienne en 2019.
Enfin, la présence militaire en Afrique s’amoindrit après les échecs des différentes opérations françaises. En janvier 2023, les autorités burkinabées avaient officiellement demandé le retrait des troupes françaises présentes depuis 2010 sous l’égide de l’opération Sabre, un scénario qui rappelle l’opération Barkhane et le départ de l’armée française du Mali en 2022, avec en toile de fond le même constat pointé : unéchec français dans sa lutte contre la menace djihadiste au Sahel accompagné du développement d’une certaine rhétorique – confirmée une nouvelle fois au Niger – dans un nombre croissant d’État dans laquelle on retrouve Moscou et la milice Wagner.
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Vers la fin de la Françafrique ?
Pour l’heure, la diplomatie française persiste tant la France nécessite de rayonner à nouveau dans cet espace : « cet âge de la Françafrique est bien révolu » avait déclaré Macron lors d’un discours à Libreville en mars 2023. Ce faisant, l’objectif est bien de tisser de nouvelles relations débarrassées des vestiges du passé colonial. La disparition du franc CFA au profit de l’Eco reflète cette approche car, dans le même temps, Paris demeure garant de cette nouvelle monnaie.
Nonobstant ces efforts, l’image de la France continue de se dégrader, en témoigne à l’évidence les récentes déclarations du roi Mohammed VI rétorquant à Macron, qui avait déclaré que les relations avec l’empire chérifien étaient « bonnes », qu’ elles n’étaient « ni bonnes, ni amicales » – le Maroc ayant d’ailleurs conclu de nouveaux accords avec l’Espagne. Toutefois, une présence en Afrique lui est vitale pour affirmer sa puissance selon François Mitterrand qui écrivait dans Présence et abandon en 1957: « sans l’Afrique, pas d’histoire de France au XXIème siècle ».
Pour approfondir vos réflexions, voici un podcast pertinent sur le thème de la Françafrique.