En 1970, les Américains les plus riches payaient, tous prélèvements compris, plus de 50% de leurs revenus en impôts soit deux fois plus que les contribuables modestes. En 2018, pour la première fois depuis un siècle de par de nombreuses politiques fiscales de Donald Trump, les milliardaires ont été moins taxés que les classes moyennes et populaires avec un taux d’imposition de 23%, soit le taux de 1910 où les dépenses publiques étaient 5 fois moins chères. Cela engendre un réel problème notamment sur la légitimité de l’impôt. Nous verrons dans cet article le cas des inégalités grandissantes aux États-Unis :
L’engrenage des inégalités
Le revenu moyen des Américains est de 75000 dollars. Pourtant, le revenu moyen des classes populaires, soit 40% de la population, y est seulement de 18500 dollars. Cet écart est très bien montré par Branko Milanovic et sa « courbe éléphant ». En effet, depuis plusieurs années aux États-Unis et plus particulièrement dans les pays occidentaux, la part des revenus des plus riches n’a cessé d’augmenter de façon exponentielle alors que dans le même temps, celui des déciles inférieurs a stagné ou dans certains cas augmentés, mais de façon bien moins net. Pourquoi un tel phénomène ? Les Américains paient en moyenne 28% de leur revenu en impôt mais ce taux change en fonction là aussi des classes : les classes populaires ont un taux d’imposition de 25% puis ce taux monte jusqu’à 28% mais retombe à 23% pour les 400 plus grandes fortunes. Cela s’explique par une différence dans les taxes. En effet, une des taxes les plus connues, la TVA, est une taxe dite « régressive » c’est-à-dire un impôt dont le taux est plus élevé pour les plus modestes et moins élevé pour les plus riches. Ainsi, la taxe sur la consommation absorbe plus de 10% des revenus des déciles inférieurs contre 1 à 2% pour les plus aisés. De plus, depuis 2003, les dividendes bénéficient de taux d’imposition réduits qui s’élèvent au maximum à 20%. Or, ce sont les fortunes les plus importantes qui ont principalement ces sources de revenus. Ainsi, si les Américains les plus riches possèdent de plus en plus de richesses, c’est en partie lié à des taux d’imposition réduits sur leurs sources de revenus.
Un cas justifié ?
Beaucoup de politiques fiscales dont celles de Donald Trump se fondaient sur un principe assez simple : moins d’impôts = plus d’investissement = croissance. C’est ainsi qu’en 2018, pour la première fois dans l’histoire moderne des États-Unis, le capital a été moins taxé que le travail. Dans les théories libérales ce même principe possède un effet positif extrêmement important sur le long-terme : c’est la théorie du ruissellement. Néanmoins il faut être conscient sur ce point de vue. D’une part, d’un point de vue théorique, de telles idées ont été démontré comme fausses. Il est quasiment impossible de trouver un économiste qui, depuis les années 1990, ait pu prouver l’existence d’effets bénéfiques d’une baisse d’impôts pour les plus riches sur la croissance. En réalité, les arguments de la baisse des impôts aux États-Unis ont d’autres motivations. Par exemple, en 2018, lors de la campagne des élections de mi-mandat aux États-Unis, les lobbies financés par les frères Koch qui pèsent environ 50 milliard de dollars chacun ont dépensé 20m de dollars pour convaincre les électeurs que la baisse de l’impôt sur les sociétés décidée par le président Trump allait se traduire par des hausses de salaire. Ainsi, le phénomène se déroulant aux États-Unis est le fruit de quelques lobbyistes avides de richesses, et cela est grave tant d’un point de vue démocratique que d’un point de vue financement de l’État social.
Financer l’État social
Aux États-Unis, augmenter de 4 points le taux de prélèvement des plus riches permettrait de financer à des millions d’Américains une assurance-maladie. En effet, faire passer le taux d’imposition des 0,001% les plus riches à 50% permettrait une rentré fiscale de 100 milliards de dollars. Le droit à un niveau de vie suffisant est reconnu comme un droit fondamental or en pratique sans éducation, soins médicaux et prestations de retraite financé par l’État cela n’est pas possible. C’est une énorme lacune des États-Unis sur ce point de vue-là. Il y a une absence quasi-complète de politique familiale, pas de congé parental rémunéré ni d’école/crèche publique pour les moins de 5 ans. De telles sources d’approvisionnements pour l’État permettraient ainsi de garantir ces besoins essentiels. De plus, cela semble nécessaire pour Stiglitz si les États-Unis veulent garantir pour les années à suivre une paix sociale. Selon ce dernier, les inégalités sont à l’origine d’instabilité économique, d’une diminution de la croissance et de la subversion de la démocratie. Elles perturbent la croissance de par une diminution du capital humain et sapent les progrès futurs. Ainsi, favoriser cette égalité sur le plan fiscal permet in fine d’éviter l’ensemble des problèmes évoqués par Stiglitz et par la même occasion, potentiellement financer une transition écologique qui a besoin de telles sources d’approvisionnement.