Dans une tribune du 14 juin 2023 intitulé « Our Debt to Future Generations » publiée sur le média Project Syndicate, l’économiste américain, lauréat du prix Nobel d’économie en 2001, Joseph E. Siglitz, a pris la parole sur la dette qui sera transmise aux futures générations.
Cette dette que nous léguons à nos enfants : sortir du paradigme de l’endettement financier
Joseph E. Siglitz introduit son propos en en s’interrogeant sur le type de monde que nous allons laisser aux futures générations, en insistant légèrement sur la nécessite de ne pas se préoccuper uniquement de la dette financière. « Personne ne prétend que les décideurs politiques ne doivent pas penser aux générations futures. Mais plutôt que de se focaliser sur la dette financière, nous devrions réfléchir au type de monde que nous léguons à nos descendants, et aux politiques et engagements fiscaux actuels qui serviront le mieux leurs intérêts. »
Il continue son développement en s’appuyant sur les conservateurs américains, ces derniers s’inquiétant souvent du fardeau de la dette que nous léguons aux enfants. En effet, dans le psychodrame sur le plafond de la dette américaine des dernières semaines entre Démocrates et Républicains, ces derniers ont souvent fait part de leur inquiétude quant au poids de la dette qui sera transmis aux enfants.
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L’économiste américain estime que le bon vieux parti semble si attaché à la réduction des dépenses qu’il était prêt à prendre en otage l’économie mondiale, ainsi qu’à risquer de voir la réputation de l’Amérique définitivement mise à mal. De là, Joseph Stiglitz pose la vraie question : « quelles politiques et quels engagements budgétaires serviront les intérêts de nos enfants et petits-enfants ».
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Il est primordial de se concentrer sur l’actif plutôt que le passif
Le prix Nobel d’économie 2001 fait appel aux enseignements élémentaires de la comptabilité pour son raisonnement. En indiquant que « toute personne ayant une bonne connaissance de l’économie sait qu’il faut toujours regarder les deux côtés du bilan comptable. Ce qui compte vraiment, c’est la différence entre l’actif et le passif. Si la dette augmente mais que les actifs augmentent encore plus, le pays s’en sort mieux, et les générations futures aussi. »
De-là, ce qui vient le plus important selon lui, c’est le capital naturel, c’est-à-dire la valeur de notre environnement, des ressources en eau, de l’air que nous respirons, ainsi que des sols. Si notre air et notre eau sont pollués, et nos sols contaminés, alors nous léguons effectivement une charge plus lourde à nos enfants.
Autrement dit, la dette financière n’est qu’un montant chiffré, une somme que nous nous devons les uns aux autres, un système de morceaux de papier qui peuvent être redistribués pour ajuster les droits s’y rattachant en fonction des biens et services. Si nous faisions défaut sur notre dette, notre réputation en souffrirait, mais notre capital physique, humain et naturel demeurerait inchangé. Les créanciers obligataires finiraient moins fortunés qu’espéré, et certains contribuables pourraient finir plus riches que si la dette avait été remboursée, mais la « richesse » globale resterait la même.
Ainsi, la “dette environnementale” est différente. Il s’agit d’un fardeau qui ne peut être éliminé d’un simple trait par le tribunal de commerce. Les dommages causés aujourd’hui peuvent prendre des décennies à réparer et nécessiter de dépenser de l’argent qui aurait pu être utilisé pour enrichir le pays.
Dès lors, des dépenses judicieuses pour protéger et réhabiliter l’environnement (par exemple des investissements visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre) amélioreront la situation des générations futures, même si elles sont financées par la dette. Compte tenu des conséquences inévitables de l’inaction écologique, les investissements dans l’atténuation du dérèglement climatique doivent être considérés comme une sorte d’assurance.
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Un scénario catastrophique à long terme
Enfin, à l’issue de ce raisonnement, l’auteur se demande la valeur qu’il est possible d’associer aux générations futures. Il explique que « si nous leur attribuons la même valeur qu’à nous-mêmes (et il n’existe aucune raison éthique de ne pas le faire), nous devons tenir compte de la manière dont les dégâts causés aujourd’hui sur l’environnement impacteront leur bien-être. Dans la mesure où nous vivons de toute évidence au-dessus des limites de notre planète, nous avons pour obligation morale urgente de réduire toutes les formes de pollution.
Partout à travers le monde, les enfants et les jeunes adultes exigent des dirigeants actuels qu’ils appliquent les politiques nécessaires à la préservation de leur avenir. Nos enfants défendent leurs intérêts devant les tribunaux en attaquant certains Etats américain en matière de climat. Leurs aînés ne devraient-ils pas en faire de même ? » conclu-t-il.
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Finalement, ce que nous enseigne Joseph Stiglitz, c’est qu’il est impératif que les politiques et engagements budgétaires actuels prennent en compte les intérêts des générations futures en matière de climat, en investissant dans la préservation de l’environnement et la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Seul un engagement fort en faveur de mesures durables et une vision à long terme permettront de garantir un avenir meilleur aux enfants et petits-enfants.