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Les paradis fiscaux (partie #1)

Sommaire

La très vaste enquête des Pandora Papers, menée par le Consortium International des Journalistes d’Investigation (ICIJ), révèle à nouveau l’ampleur des pratiques d’évasion fiscale dans le monde. Alors, profitons de ce nouveau scandale pour donner quelques explications sur les paradis fiscaux.

 

Lire plus : Pandora Papers : le nouveau scandale fiscal révélé au grand jour

Qu’est-ce qu’un paradis fiscal ?

Tout d’abord, il est important de noter qu’il n’existe aucune définition officielle pour un paradis fiscal. Néanmoins, un paradis fiscal répond à un ensemble de critères qui démontrent que ce pays ou territoire a adopté des politiques fiscales qui permettent à des particuliers ou à des entreprises de réduire au maximum leurs impôts. 

Les paradis fiscaux ont ainsi souvent pour caractéristiques communes de proposer:

  • Des avantages fiscaux à des particuliers ou à des entreprises, sans exiger une réelle activité sur place ;
  • Un taux d’imposition insignifiant voire inexistant ;
  • L’absence de transparence et l’opacité des échanges d’informations entre les administrations des Etats ;
  • Des dispositions légales, administratives ou judiciaires qui assurent le secret sur l’identité des détenteurs réels des entreprises, trust, etc. ;
  • Des conditions d’installation de sociétés et d’ouverture de comptes peu contraignantes.

De plus, souvent, les paradis fiscaux sont des pays ou territoires stables sur les plans économiques et politiques, pour rassurer les investisseurs. Et le secteur financier y est surdéveloppé par rapport à la taille du pays et à la dimension de son économie.

 

Quelle différence y a-t-il entre l’optimisation fiscale et la fraude fiscale ?

L’optimisation fiscale est légale et consiste à utiliser les failles des réglementations pour réduire son imposition. De nombreuses entreprises, comme Google ou Amazon, localisent leur siège dans des paradis fiscaux comme l’Irlande ou le Luxembourg, où les taux d’impositions sur les sociétés sont particulièrement faibles. C’est ce que l’on peut appeler aussi la pratique du « dumping » fiscal.

Par contre, la fraude fiscale est un délit, car les entreprises ou les particuliers vont placer leurs revenus ou leurs capitaux via, par exemple, des sociétés offshore dans des pays qui disposent d’une législation suffisamment opaque pour empêcher la communication de l’information vers l’Etat de résidence. 

Notion importante : société offshore : Une société offshore est une société qui n’a aucune activité économique et qui se situe dans un autre pays que celui où on paie ses impôts. On entend habituellement par ce terme une société enregistrée dans un pays qui pratique une fiscalité avantageuse et qui préserve l’anonymat de ses détenteurs – ie un paradis fiscal, pour beaucoup de spécialistes. Ainsi une société offshore peut être un moyen pour blanchir de l’argent ou frauder le fisc. Et c’est cette possibilité qui rend suspects tous les détenteurs de sociétés offshore alors que la pratique n’est pas illégale en elle-même.

 

Quels Etats sont considérés comme des paradis fiscaux ?

À partir de 2009, l’OCDE classe les paradis fiscaux en trois listes :

  • la liste noire : les États qui ne coopèrent pas fiscalement. ;
  • la liste grise : les États « qui ont promis de se conformer aux nouvelles règles sans les appliquer et ceux qui s’y conforment substantiellement » ;
  • la liste blanche : les États qui ont fait un effort réel et dont les règles sont « conformes aux standards internationaux de l’OCDE ».

La France, par exemple, a mis à jour sa liste noire des Paradis Fiscaux en 2021. 13 pays y sont inscrits :

  • Anguilla
  • Dominique
  • les Fidji
  • Guam
  • les Iles Vierges américaines
  • les Iles Vierges britanniques
  • Palaos
  • Panama (après avoir été retiré de cette liste en 2012, le Panama l’a réintégrée en avril 2016 suite à l’affaire des « Panama Papers ».)
  • les Samoa américaines
  • Samoa
  • les Seychelles
  • Trinidad et Tobago
  • Vanuatu

Bahamas et Oman on été retirés de cette liste.

L’Union européenne a également créé sa liste, mais celle-ci ne fait pas l’unanimité, notamment du côté des ONG qui considèrent que certains pays de l’Union européenne – comme la Suisse ou encore le Luxembourg – sont des paradis fiscaux.

De plus, le groupe Tax Justice Network, grâce à son indice The Corporate Tax Haven Index, identifie régulièrement les 10 principaux paradis fiscaux. En 2021, il s’agissait des territoires suivants : les Îles Vierges britanniques, les Îles Caïmans, les Bermudes, les Pays-Bas, la Suisse, le Luxembourg, Hong-Kong, Jersey, Singapour et les Émirats Arabes Unis.

Et puis, certains Etats des Etats-Unis, comme le Delaware ou encore le Dakota du sud, peuvent aussi être considérés comme des paradis fiscaux.

 

Pourquoi être un paradis fiscal ?

L’économie de certains pays repose principalement sur leur fiscalité avantageuse et leur opacité financière. C’est un moyen pour eux d’attirer des capitaux, des investisseurs, et de créer des emplois. C’est le cas par exemple des Îles Vierges britanniques, ou de certains Etats européens pour faire face à la concurrence.

 

Les conséquences néfastes des paradis fiscaux

Il peut être intéressant, déjà, de prendre en considération les montants qui transitent par les paradis fiscaux. On peut s’en douter, du fait de l’opacité du système : ces montants sont très difficiles à chiffrer. Pour autant, une étude menée par le Tax Justice Network estime le montant des actifs financiers dissimulés dans les paradis entre 21 000- 32 000 milliards de dollars. Cela pourrait représenter entre 30 % et 45 % du PIB mondial. Et puis, selon le FMI, 50 % des transactions internationales transiteraient par des paradis fiscaux.

Outre ces chiffres impressionnants, les paradis fiscaux ont des conséquences à plusieurs niveaux :

  • La dégradation des finances publiques : car c’est un manque à gagner pour les États ;

  • L’injustice : car ce sont les entreprises et les contribuables les plus riches qui se soustraient à l’impôt.

Au bilan de ces deux points, nous pouvons mentionner la vision d’Oxfam France sur le sujet. En effet, selon cette organisation, les paradis fiscaux participent à l’aggravation des inégalités en favorisant l’évasion fiscale pour les grandes entreprises et les grandes fortunes. Pour Oxfam France notamment, nous vivons une crise mondiale des inégalités : par exemple, en 2019, les 1 % les plus riches du monde possédaient  plus du double de la richesse de 6,9 milliards de personnes. Et la pandémie de Covid-19 a creusé encore davantage l’écart entre les plus riches et les plus pauvres : les 1 000 personnes les plus riches du monde ont retrouvé leur niveau de richesse d’avant la pandémie en seulement 9 mois alors qu’il pourrait falloir plus de dix ans aux personnes les plus pauvres pour se relever des impacts économiques de la pandémie. En parallèle, les paradis fiscaux aggraveraient cela puisque, lorsque les grandes entreprises ou les grandes fortunes derniers ne payent pas leur juste part d’impôt, cela priverait les Etats de ressources essentielles pour financer les services publics indispensables pour lutter contre la pauvreté et les inégalités, comme les soins de santé et l’éducation.

Et puis, comme autres conséquences, il y a aussi :

  • Une perte d’autonomie des politiques fiscales : car les États sont poussés à s’aligner sur les taux d’imposition les plus faibles pour limiter l’évasion fiscale ;

  • La criminalité : car un paradis fiscal permet aussi de réaliser des activités interdites avec discrétion. C’est notamment l’évasion fiscale qui permet le financement du terrorisme ou encore du trafic de drogue.

                                                                                                  

Dans la partie 2, tu auras l’occasion de revenir sur les Panama Papers et les Paradise Papers. Et puis nous verrons quelles sont ou peuvent être les solutions envisagées pour lutter contre les paradis fiscaux.

 

Lire plus : Les paradis fiscaux (partie #2)                                                                                                                          

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Clara Delozière
Etudiante à l'ESCP et à jamais reconnaissante de tout ce que la prépa m'a apporté, j'ai à coeur de vous accompagner à mon tour vers la réussite. Soyez fier de vous après vos années de prépa !