En dépit de son potentiel positif, la mondialisation économique a permis un développement rapide des échanges et un accroissement de l’interdépendance internationale entre les pays. Cependant, elle a également apporté des défis particuliers. Lorsqu’il était directeur général de l’Organisation mondiale du commerce, Pascal Lamy, a réfléchi aux caractéristiques de la mondialisation et a critiqué la globalisation sous un éclairage particulier.
Parmi les idées les plus importantes, on trouve une idée de la saturation de la mondialisation économique; au-delà d’un certain point, elle devient tellement contraignante qu’elle génère plus d’inégalité qu’elle ne fournit de prospérité partagée. Après tout, la question se pose, comment un phénomène qui a été un vecteur de développement finit-il par freiner le développement équitable?
Le concept de mondialisation saturée selon Pascal Lamy
Il commence par l’hypothèse que, bien que la mondialisation économique soit en quelque sorte bénéfique dans les premiers stades de son développement, il se heurte à certaines limites liées aux déséquilibres géographiques, sectoriels et sociaux. Lamy affirme que les bénéfices de la mondialisation ne sont pas équitablement répartis : certaines économies sont mieux placées pour les obtenir tandis que d’autres sont marginalisées. De plus, la mondialisation a conduit à l’augmentation des inégalités non seulement entre, mais aussi au sein des pays. Au nombre de trois, les principales observations de ce mécanisme, souvent appelé « saturation de la mondialisation », sont les suivantes. Les trois observations clés se résument ainsi :
Les inégalités croissantes entre les nations. L’Europe, les États-Unis et les marchés émergents ont saisi la majorité des gains économiques grâce à la supériorité technologique, aux capacités de main-d’œuvre et à l’infrastructure. Simultanément, les régions subsahariennes et d’autres sont restées en marge des avantages de la mondialisation.
Les déséquilibres sectoriels. Certains secteurs, notamment la finance et les technologies de l’information, ont bénéficié de la mondialisation au détriment des secteurs agricoles et industriels. La situation a aggravé les disparités sociales et économiques entre régions.
Les externalités négatives. La mondialisation possède également plusieurs aspects négatifs, comme la désindustrialisation, le gaspillage des ressources et la perte de souveraineté de certains États.
Lamy explique ces phénomènes en des termes accessibles mais se tourne vers un langage technique lorsqu’il évoque plusieurs mécanismes économiques traditionnels, comme la théorie ricardienne. Selon lui, l’approche traditionnelle ne permet pas de comprendre la mondialisation actuelle car elle repose sur une vision linéaire du commerce international qui ne prend pas en considération les nouvelles dynamiques, telles que le protectionnisme et le questionnement de l’équité mondiale.
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Toujours avec un peu de maths
Le modèle simplifié de Lamy pour comprendre la saturation de la mondialisation peut se résumer ainsi : imaginons un modèle de production globale, où Y représente la production totale générée par la mondialisation, et C les coûts sociaux et environnementaux associés. Au début de la mondialisation, la relation entre Y et C est positive et linéaire, c’est-à-dire que plus l’économie mondiale se globalise, plus Y augmente tandis que C reste faible.
Cependant, au-delà d’un certain point Xs (seuil de saturation), les coûts C croissent de manière exponentielle tandis que Y atteint un plateau. Cela peut s’exprimer par la formule suivante :
Y = α ⋅ X – β ⋅ X2
où α , β > 0.
Ici, X représente le degré de mondialisation économique, et β représente la saturation. Quand X dépasse Xs, l’effet de la mondialisation devient contre-productif : les inégalités augmentent, la croissance économique ralentit et les externalités négatives (telles que la pollution et les migrations forcées) prennent le dessus. Ce modèle mathématique simple illustre que la mondialisation économique, comme tout processus, a des limites structurelles.
Citation punchy
« La mondialisation, si elle est mal gouvernée, devient un monstre qui échappe à tout contrôle, créant des gagnants et des perdants, là où l’on pensait trouver une prospérité commune. » – Pascal Lamy Quand la France s’éveillera (2014)
Le cas du commerce international post-COVID
Un exemple des limites de la mondialisation économique est l’interruption des échanges mondiaux qui a suivi la flambée de COVID-19. Selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, le commerce mondial a chuté de 9 % en 2020. Ce chiffre souligne combien une mondialisation économique hyperconnectée est fragile alors que dans de nombreux cas, la dépendance vis-à-vis des chaînes d’approvisionnement mondiales a renforcé la vulnérabilité des économies aux chocs externes.
En plus, cette crise a révélé les inégalités profondes entre les économies des pays développés qui ont pu réagir avec des plans de relance importants et celles des pays en développement qui se sont caractérisées par des déficits budgétaires croissants.
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