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L’Inde : Croissance record, développement en suspend

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En mai 2024, en pleine période électorale, le gouvernement indien annonçait une croissance de 8,2% pour l’année fiscale 2023-2024, soit une croissance bien supérieure à celle enregistrée lors de l’année fiscale précédente et aux prévisions officielles, ce qui n’était pas sans déplaire au Premier ministre indien Narendra Modi fraîchement réélu qui a pu se servir de ces chiffres comme d’une preuve supplémentaire de l’efficacité de son gouvernement. Néanmoins, si l’économie indienne semble montrer les signes d’une économie d’un dynamisme hors norme en comparaison à une croissance moyenne mondiale s’élevant à seulement 3%, le pays parvient-il réellement à atteindre un plein développement ?

 

L’économie indienne, une étoile brillante en pleine métamorphose?

L’Inde a connu une incontestable croissance lors de ces dernières décennies, s’élevant à plus de 6% depuis 2000. Soixante ans après l’indépendance du pays, “le monde reconnaît l’économie indienne comme une étoile brillante” pour reprendre les mots prononcés en février 2023 par la ministre indienne des finances Nirmala Sitharaman. Cette incroyable croissance du pays le plus peuplé au monde s’explique par une économie nationale en pleine mutation.

En effet, Narendra Modi s’est affairé depuis 2014 à moderniser l’économie indienne à commencer par le lancement d’une démonétisation de l’économie consistant à retirer la circulation des grosses coupures de 500 et 1000 roupies dès novembre 2016 pour lutter contre le marché noir et à une uniformisation de la TVA. L’Inde met aussi l’accent sur la dimension numérique de son économie notamment depuis la mise en place du système de paiement unifié UPI en 2016 ayant permis un développement de 160% par an des paiements numériques dans le pays

La mise en place de mesures afin d’attirer les investisseurs à l’image du programme Make in India et ses incitations financières dans divers secteurs technologiques tels que l’électronique ou encore le développement d’infrastructures incluant le lancement du National Infrastructure Pipeline en 2019 avec un budget de plus de 1400 milliards de dollars ont également contribué à une croissance accélérée du pays. Ainsi, alors que la Chine semble avoir tendance à se replier sur elle-même, l’attractivité de l’Inde a quant à elle le vent en poupe et attire de nombreuses entreprises dans la lignée d’Apple qui avait décidé de transférer 10 à 15% de la production de l’iPhone 14 en Inde en 2022.

 

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L’économie indienne connaît néanmoins des faiblesses structurelles.

Néanmoins, il reste de nombreux défis à relever pour le géant asiatique à commencer par les fortes inégalités entre les États. Il y a en effet un incontestable mais inégal progrès dans les infrastructures indiennes, alors que les infrastructures issues d’acteurs privés sont des réussites, les projets d’infrastructures urbaines restent insuffisants et dépendants des problèmes de chevauchement de compétences entre État central et États fédérés.

Les tentatives de croissance initiées par Modi sont également confrontées à de nombreux blocages à commencer par les facteurs administratifs qui font de l’Inde un enfer bureaucratique pour les investisseurs étrangers. À cela s’ajoute le refus de s’adonner à des accords commerciaux régionaux comme le RCEP ou encore à des accords approfondis avec l’UE qui freine une croissance totale du pays.

De surcroît, le modèle de développement indien révèle des vulnérabilités majeures. Incapable d’absorber les 12 millions de jeunes entrant annuellement sur le marché du travail, le pays enregistre un taux de chômage chez les jeunes de 23%, selon la Banque mondiale. La corruption favorise les conglomérats privés, étouffant l’innovation et transformant le projet Make in India en un programme protectionniste. La libéralisation des années 1990 a stimulé le secteur tertiaire, mais celui-ci requiert des compétences élevées dont le pays manque cruellement. En effet, 35% des 25-64 ans n’ont pas d’instruction élémentaire, et seuls 12% sont diplômés d’un enseignement supérieur au contenu souvent daté, rendant les diplômés inemployables.

 

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L’Inde peine donc à allier croissance et développement.

L’Inde reste en réalité un pays pauvre avec un PIB par habitant s’élevant à un peu moins de 2500 $. Par ailleurs, la croissance économique ne génère pas suffisamment d’emplois : le transfert de la main-d’œuvre du secteur primaire vers des secteurs à haute productivité reste trop lent et la faible qualification de la population freine le développement des industries à haute valeur ajoutée, limitant ainsi la hausse des revenus. Qui plus est, les réglementations gouvernementales ont entravé la croissance des unités de production, affaiblissant les petites industries face à la concurrence internationale et détruisant 3,5 millions d’emplois dans le secteur manufacturier maintenant incapable d’absorber les nouvelles populations actives.

De plus, le degré de développement et d’industrialisation reste très hétérogène d’un État à l’autre. « L’Inde se trouve dans les villages » affirmait Mahatma Gandhi en son temps, ce constat est difficilement critiquable encore aujourd’hui et cela est d’autant plus préoccupant que le différentiel entre les villes et les campagnes est important selon les États dans ce pays où près de la moitié des foyers ruraux restent fortement touchés par l’illettrisme.

Le contenu de la croissance indienne n’est donc pas satisfaisant puisqu’il entretient une faible productivité, une agriculture peu rémunératrice et un sous-emploi chronique rendant donc tout réel développement économique et humain difficile. L’économie indienne fait face à un double problème : l’employabilité et le niveau de rémunération de sa très grande population couplée aux très fortes inégalités d’enseignement et de conditions de vie entre les populations.

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Alexis Accardo
Actuellement à SKEMA en Programme Grande École après une classe préparatoire ECG, j'ai à cœur de fournir aux préparationnaires des ressources qui, je l'espère, leur seront utiles.