Après avoir gouverné la BCE, Mario Draghi, surnommé super Mario pour avoir sauvé l’Europe lors de la crise des dettes souveraines, est appelé à Rome. Sa mission est claire : redresser économiquement l’Italie. Or, les problèmes structurels rencontrés par l’Italie rendent cette mission tentaculaire.
Mario Draghi : L’homme providentiel
Le 2 février 2021, c’est avec l’ancien gouverneur de la Banque d’Italie et ancien président de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi que le président Sergio Mattarella a chargé de constituer un gouvernement.
Avec ses devanciers, Mario Draghi, diplômé du Massachusetts Institute of Technology (MIT), partage un profil d’économiste de haute volée et une solide légitimité aux yeux des milieux d’affaires, y compris à l’international. Mais les comparaisons s’arrêtent là. Car les circonstances sont tout autres. Là où ses prédécesseurs avaient pour mission première de rassurer les investisseurs et de contrôler les déficits, l’ancien banquier central a été choisi pour sa capacité supposée à répondre au défi inverse : celui de dépenser de la façon la plus efficace qui soit la manne de 191,5 milliards d’euros affectée au pays au titre du plan de relance européen décidé à l’été 2020, après l’éclatement de la pandémie de Covid-19.
Après trois décennies de sous-investissement public causé par les cures d’austérité à répétition, l’Italie voit arriver une occasion en or d’inverser la tendance, et il s’agit de ne surtout pas passer à côté. Voici le challenge de Mario Draghi pour son mandat.
Mario Draghi souhaite aller vite voire très vite
Depuis son arrivée, Mario Draghi a un objectif : aller vite. Très vite. Il agit par décret ministériel, afin d’éviter de longs débats parlementaires et mettre en œuvre son Piano Nazionale di Ripresa e Resilienza (PNRR). Celui-ci prévoit, dans sa première phrase, 134 investissements et 63 réformes visant à moderniser la Péninsule avec les 191,5 milliards de l’Europe.
En juillet 2012, en s’affirmant prêt à faire « tout ce qu’il faudra » pour protéger la monnaie unique, Mario Draghi, alors président de la BCE, avait mis un terme à la spéculation se déchaînant sur les dettes publiques européennes. Dans la foulée, il a déployé une série de mesures inédites qui ont consolidé l’union monétaire. Celui que l’on surnomme, depuis, « le sauveur de l’euro » saura-t-il en faire de même avec l’Italie ? Sa nomination a soulevé un espoir immense.
Draghi connaît l’ampleur de l’urgence. En dépit du rebond de 2,6 % enregistré par le produit intérieur brut (PIB) au troisième trimestre, essentiellement lié au rattrapage après la récession de 2020 (− 8,9 %), l’économie ne va pas bien. Les chiffres illustrent la profondeur du problème : si, en 2000, le PIB par habitant de la Péninsule était proche de ceux de la France et de l’Allemagne, il est désormais inférieur de respectivement 15 % et 25 %.
Ces décennies de stagnation sont le résultat d’une série de maux structurels : faiblesse de la productivité, dette publique élevée (155,6 % du PIB) ou fossé entre le Nord et le Mezzogiorno du Sud. Les grosses PME industrielles de Lombardie et de Vénétie ont su encaisser le choc de la concurrence chinoise, au début des années 2000, mais le tissu industriel du Sud s’est délité, après la privatisation des grandes entreprises d’Etat, laissant le champ libre aux Mafias. En Sicile et en Campanie, le taux de pauvreté dépasse aujourd’hui les 40 %, le double de la moyenne nationale.
S’ajoutent à cela les dysfonctionnements de l’appareil éducatif. Les formations existantes sont trop éloignées du besoin des entreprises. Le problème est plus marqué encore dans le Sud, où le niveau d’éducation général est, en outre, nettement plus bas. Un phénomène encore aggravé par l’émigration massive des jeunes diplômés. Ces deux problèmes, faiblesse de l’éducation et déclin démographique, sont sans doute les plus préoccupants.
Conclusion
Ainsi, la question de la réussite du plan de relance est d’autant plus cruciale que les enjeux dépassent ceux du seul cadre national. Le succès de ce plan est aussi déterminant pour le futur de l’Union européenne. Les pays frugaux scruteront de près la capacité de Rome à bien utiliser l’argent versé par Bruxelles. Si Rome échoue, il sera difficile de convaincre l’Allemagne et les Nordiques qu’il faut pérenniser les mécanismes de solidarité en Europe et assouplir des règles budgétaires.