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La politique agricole commune selon Alan Matthews

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La Politique Agricole Commune (PAC) de l’Union européenne est sans doute l’une des politiques publiques les plus influentes et controversées depuis sa création en 1962. Conçue pour stabiliser les marchés agricoles, garantir des revenus équitables aux agriculteurs et assurer la sécurité alimentaire en Europe, elle représente également un poids lourd dans le budget de l’Union, avec des dépenses atteignant près de 387 milliards d’euros pour la période 2021-2027.

Alan Matthews, économiste spécialisé dans les politiques agricoles européennes, a particulièrement contribué à l’analyse de cette politique en mettant en lumière les tensions entre ses objectifs initiaux et ses adaptations récentes aux enjeux environnementaux et commerciaux. Comment l’analyse d’Alan Matthews éclaire-t-elle les transformations de la PAC, et que révèle-t-elle sur ses défis économiques et sociaux actuels ?

 

Le concept clé d’Alan Matthews : la dépolitisation conditionnelle

La PAC a progressivement évolué d’un système hautement centralisé et protectionniste vers un modèle plus flexible, influencé par des conditions externes comme les négociations internationales (OMC) et les préoccupations environnementales. Il qualifie cette transformation de “dépolitisation conditionnelle” : les décisions politiques concernant la PAC ne sont plus prises exclusivement en fonction des intérêts des agriculteurs ou des États membres, mais répondent à des pressions externes (comme la compétitivité internationale ou la réduction des subventions agricoles pour respecter les règles de l’OMC).

L’un des tournants majeurs analysés par Matthews concerne le découplage des subventions agricoles. Avant les réformes de 2003, les aides directes de la PAC étaient directement liées à la production agricole, incitant les agriculteurs à produire davantage, parfois au détriment de l’équilibre des marchés et de l’environnement. Ce système protectionniste, bien qu’efficace pour garantir des excédents alimentaires, a suscité de vives critiques internationales, notamment dans le cadre des négociations du cycle de Doha de l’OMC. Pour répondre à ces critiques, les subventions ont été découplées de la production et conditionnées à des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement. Matthews souligne que cette réforme, bien qu’inspirée par des impératifs extérieurs, a également permis une meilleure allocation des ressources au sein de l’agriculture européenne.

 

Lire plus : zoom pour tout savoir sur la PAC

 

Citation punchy

“La PAC n’est pas seulement une politique agricole, mais un compromis économique et social, façonné par des forces qui transcendent le secteur agricole lui-même.” – Alan Matthews, CAP Reform Blog, 2017)

 

Les impacts du verdissement de la PAC

Matthews met en lumière les paradoxes du “verdissement” de la PAC (2013) qui représente environ 30 % des aides directes et impose des pratiques durables telles que la diversification des cultures, la préservation des prairies permanentes et la mise en place de surfaces d’intérêt écologique. Bien qu’elle représente un pas important vers une agriculture plus respectueuse de l’environnement, son efficacité a été limitée par des contrôles insuffisants et une application parfois superficielle. Néanmoins, elle illustre parfaitement la dépolitisation conditionnelle, où les subventions ne sont plus un simple outil de soutien, mais un levier pour atteindre des objectifs environnementaux globaux.

D’un côté, la PAC doit continuer à répondre aux attentes des agriculteurs, notamment en termes de stabilité des revenus dans un secteur exposé aux aléas climatiques et aux fluctuations des marchés mondiaux. De l’autre, elle est soumise à des pressions croissantes pour justifier son coût, qui représente environ 32 % du budget total de l’Union européenne, soit près de 387 milliards d’euros pour la période 2021-2027. Cette dualité, selon Matthews, reflète une contradiction inhérente : comment concilier soutien économique aux agriculteurs et exigences d’efficience budgétaire, tout en répondant aux objectifs environnementaux et commerciaux ?

Pour illustrer cette analyse, Matthews cite fréquemment l’impact des réformes de la PAC sur les pays tiers, notamment en Afrique. Les subventions agricoles européennes, bien qu’en baisse, continuent de fausser la concurrence sur les marchés mondiaux. Par exemple, les exportations de produits laitiers subventionnés ont déstabilisé les producteurs locaux dans plusieurs pays africains, réduisant leur compétitivité et accentuant leur dépendance aux importations. Ces effets secondaires soulignent l’interconnexion entre la PAC et les dynamiques économiques globales, un aspect central dans la pensée de Matthews.

 

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Aurele Tranchant