Le thème de cet article porte sur l’Europe et plus précisément sur le sujet « Politique migratoire Européenne : vers une Europe forteresse ? ». Il s’agit d’un sujet vaste susceptible de tomber dans l’optique des concours, tant en ce qui concerne l’actualité migratoire que la position adoptée par l’Europe.
L’Histoire de L’Aquarius : en juin 2018, un cargo affrété par l’ONG humanitaire, parcourt la Méditerranée Occidentale pour débarquer 630 migrants récupérés en pleine mer et parfois sauvés de la noyade dans les ports qui, l’un après l’autre, refusent de les recevoir avant que Valence puis Marseille pour quelque uns ne les acceptent.
Dans leur relation complexe aux migrants des pays tiers, les pays de l’Europe communautaire sont désunis. Cependant, il semblerait qu’ils ne s’opposent plus lorsqu’il s’agit d’éviter sur le long terme que des migrants non désirés ne pénètrent sur le sol de l’Union Européenne.
Au-delà des déclarations humanitaires qui surgissent lors des grandes émotions collectives, il est permis de se demander si un consensus en creux des gouvernants européens ne ferait pas mener à l’Union une géopolitique dirigée contre les migrants, à rebours de la déclaration de Copenhague (1973) qui affirmait que l’unification n’était dirigée contre personne ou de l’analyse positive de Tzvetan Todorov sur l’Union dans « La peur des Barbares » en 2008. Mais alors l’Union Européenne mènerait-elle une politique de puissance vis à vis des ressortissants du reste du monde, soit une géopolitique migratoire communautaire qui viserait essentiellement à faire de l’Europe une forteresse ?
Établir une politique migratoire communautaire est la suite logique de l’ouverture intérieure
L’espace Schengen est le résultat d’un contexte où de faibles migrations internationales accompagnent une croissance soutenue. L’émergence de l’espace Schengen est influencée par un contexte de faibles migrations internationales dans les années 1970 et 1980, avec une augmentation de la main-d’œuvre qualifiée. En France, les plus de 25 ans nés à l’étranger sont passés de 3 millions en 1975 à 3,6 millions en 1995, avec 12,5% hautement qualifiés. En Allemagne, le nombre a doublé de 2,1 à 4,3 millions en 20 ans, avec une augmentation à 18,5% des effectifs hautement qualifiés. Le taux moyen d’immigration en Europe était alors de 1,5% en 1995. Les années 1990s accouchent aussi de politiques de « voisinage » aux effets mitigés. Cependant, la croissance démographique décline en Europe de l’Ouest, avec un âge médian passant de 34,2 ans en 1985 à 36,4 ans en 1995. Quant aux politiques de voisinage, elles ont des effets mitigés, notamment en raison de la montée des périls tels que le djihadisme et les vagues migratoires.
Une politique « communautaire de sécurisation » émerge également à la fin des années 1990. Dés 1995, la France supprime l’immigration de travail, tandis que l’UE adopte une géopolitique migratoire avec le Traité d’Amsterdam de 1997. Les Accords de Dublin I (1990) donne quant à eux lieu à Dublin II (2003) et Dublin III (2013), accentuant les pressions migratoires sur les pays méditerranéens. La transformation de l’UE en forteresse contre les migrations est donc lancée.
Trouver une géopolitique communautaire est une gageure qui exige la fermeture des frontières extérieures
En effet, même les politiques de voisinage avec de futurs membres ont prouvé leurs avantages et leurs limites. Les PECO (Pays d’Europe Centrale et Orientale) ont bénéficié des programmes PHARE et ISPA pour amortir leur transition économique. En Roumanie, les accroissements naturels négatifs atteignent -4,5% et -5% combinés en 2004. Quant à La Pologne, elle pratique en 2021 le rejet sélectif des migrants du Moyen-Orient. Le choc des civilisations sert donc de justification pour fermer les frontières au Sud. En 2015, la crise migratoire, liée aux “printemps arabes“, met en évidence l’échec des politiques communautaires. FRONTEX ne peut stopper le flux, et en 2013, l’opération Triton remplace “Mare Nostrum”, réduisant alors les actions humanitaires.
Mais comment pourrait-il en être autrement puisque les peuples refusent de plus en plus l’arrivée de nouveaux migrants ? 2008 en est un parfait exemple avec la “directive de la honte“, qui allonge jusqu’à 18 mois la rétention des illégaux, suscitant alors de vives critiques. En 1995, l’Italie ne peut entrer dans Schengen devant l’arrivée massive d’Albanais à Bari, illustrant la montée xénophobe. Enfin, la résistance des partis au pouvoir contre les mouvements populistes entraîne des politiques restrictives de plus en plus généralisées.
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De fait, comment écarter la géopolitique migratoire de débats trop explosifs ?
Dans un premier temps par des initiatives d’externalisation lancées dès le début des années 2000 pour ménager pro et anti-immigration tout en fermant l’Europe. Les politiques migratoires européennes ont de plus en plus évolué vers l’externalisation, abandonnant les régularisations massives pour des accords, comme avec la Libye et l’UE-Turquie. Le HCR et l’OIM sont des acteurs clés dans cette double externalisation technocratique, visant à minimiser l’impact médiatique des mouvements migratoires. En parallèle, la géopolitique migratoire de l’Union procède à une double externalisation technocratique.
Plus globalement, l’avenir de l’immigration européenne est défini par une résistance à une immigration structurelle. Les débats persistent autour de l’intégration des migrants, mettant en lumière des préoccupations de sécurité et d’identité. Quant au langage, influençant les discussions, il reflète la complexité des politiques migratoires face à des enjeux socio-économiques, politiques et humanitaires. L’Europe s’écarte désormais du présent pour envisager le futur et déjà nous constatons l’irruption langagière du terme « migrant » sur le territoire. Malgré l’émergence du terme “migrant“, les populations européennes restent réticentes. Les débats sur les statuts, comme “réfugié” ou “migrant économique“, perdurent et l’externalisation, orchestrée par le HCR et l’OIM, soulève des défis futurs qui nécessitent une refonte des politiques migratoires.
Pour conclure, la géopolitique migratoire de l’UE se trouve à la croisée des chemins. La question migratoire, devenue centrale dans les politiques intérieures européennes, divise les opinions nationales. Les enjeux communautaires, accentués par Schengen et les transferts de compétence à Bruxelles, limitent la marge de manœuvre de l’UE face à des oppositions structurelles. Ainsi, l’Europe, qui adopte une posture de forteresse, externalise la gestion migratoire via des accords et des organisations internationales, tout en adoucissant le langage communautaire. Cependant, les changements prévus sous la Commission Von Der Leyen indiquent une évolution imminente. Le défi consiste à aborder cette question explosive de manière pédagogique, en développant des moyens d’intégration pour les futurs migrants dans une Europe vieillissante, dépourvue des budgets et des structures nécessaires.
Pour aller plus loin : L’Europe, une “forteresse” ? La gestion des politiques migratoires. Des lieux entre mobilités et immobilisations. objectifs et activités de l’agence Frontex.