Après un rapide passage à vide au plus fort de la crise sanitaire, les grandes entreprises cotées se remettent à racheter massivement leurs propres actions. Aux Etats-Unis, les multinationales ont ainsi dépensé en 2021 plus de 850 milliards de dollars (750 milliards d’euros).Par définition, la procédure de rachat d’actions est généralement actée par les dirigeants d’une société. Lorsque qu’une société dispose d’une trésorerie conséquente, elle peut envisager des plans de rachats d’actions dans le cadre où ses opérations de croissance organique atteignent leurs limites ou sont trop peu rentables.
Pourtant Il ne faudrait jamais oublier que le but du capitalisme actionnarial consiste avant tout à stimuler la croissance et l’innovation, et non à se répartir un butin. Le retour en force des rachats d’actions donne l’impression d’un capitalisme en panne de perspectives.
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Un mécanisme simple et une opportunité pour les actionnaires
Une société A génère un bénéfice de 1 000 000 € par an et dispose de 100 000 d’actions à son capital. Son Bénéfice Par Action (BPA) est donc de 10 € par action (1 000 000 € / 100 000 actions au capital). Cette société A procède à un plan de rachat d’actions de 5 % du total de ses actions soit 5 000 actions. Le nouveau dénominateur passe donc de 100 000 actions à 95 000 actions. Ainsi le nouveau Bénéfice Par Action (BPA) est de 10,53 €.Cette logique est la même pour les dividendes : la baisse du nombre d’actions au capital augmente son rendement, ainsi que les cash flows par action.
En d’autres termes, « moins de personnes se partagent les bénéficies, les dividendes, et les cash flows ». Cela est donc mécaniquement positif pour l’actionnaire en place. En règle générale, les marchés financiers apprécient les hausses de BPA et de dividendes, car cela impacte à la hausse, le cours de l’action. L’avantage est donc double : l’actionnaire voit les BPA de ses actions ainsi que ses dividendes augmenter. Parallèlement, le cours de Bourse de ses actions a de fortes chances de s’apprécier.
Pourtant, le comble est que certaines entreprises vont même parfois jusqu’à s’endetter pour financer ces plans de rachats d’actions. L’objectif n’est donc plus seulement d’accumuler du capital productif, mais surtout de faire monter par tous les moyens les cours de Bourse dans le but de distribuer du cash aux actionnaires.
Le rachat d’actions, parfois décrié
Ce type de pratique a aussi tendance à soutenir artificiellement les cours des titres en particulier aux Etats-Unis où elles sont à l’origine d’une grande partie de la hausse ces dernières années. Elle traduit aussi et surtout pour l’actionnaire, un manque de perspectives voire une absence de stratégie de la part des entreprises. Pour croître, les entreprises doivent investir dans leur appareil de production, dans les talents voire acquérir des concurrents. Et si les cibles sont rares ou si leurs marchés sont matures, elles doivent remettre à plat leur stratégie afin de trouver de nouvelles opportunités. Les rachats d’actions sont intéressants à court terme et s’ils ne sont pas répétitifs car ils ne doivent pas se faire au détriment de l’investissement. A long terme, les actionnaires sont exposés à la croissance d’une entreprise et à sa capacité à se développer de façon réelle et non artificielle.
Les dirigeants d’entreprise sont d’autant plus incités à recourir à ces pratiques qu’ils en sont les premiers bénéficiaires, dans la mesure où leur rémunération variable est souvent indexée sur la hausse du titre en Bourse. Dès lors, pour atteindre leurs objectifs, ils sont tentés de multiplier les rachats d’actions au détriment de projets d’investissement à long terme.
Pour conclure, il ne faudrait jamais oublier que le but du capitalisme actionnarial consiste avant tout à stimuler la croissance et l’innovation, et non à se répartir un butin. Le retour en force des rachats d’actions donne l’impression d’un capitalisme à bout de souffle, en panne d’idées et de perspectives. Redéfinir un partage de la valeur ajoutée moins favorable au capital, au profit des salariés, et redonner la priorité aux investissements d’avenir doit permettre de sortir de cette impasse.
Pourtant ce phénomène de rachat d’actions est actuel, dangereux et en pleine expansion comme le prouve le nouveau programme de LVMH de rachat d’actions, portant sur l’acquisition de ses propres actions pour un montant maximum de 300 millions d’euros sur une période débutant le 21 décembre 2021 et pouvant s’étendre jusqu’au 15 février 2022
Des ouvrages sur le thème du capitalisme :
Quand le Capitalisme perd la tête, Joseph Stiglitz, 2003
La dernière chance du capitalisme, Patrick Artus, 2021
Capitalisme : Le temps des ruptures, Michel Aglietta, 2019
Sujets récents en lien avec le capitalisme :
Toute destruction est-elle créatrice ? HEC, 2021
Le capitalisme est-il soutenable ? HEC, 2020
Sources capitalisme :
https://www.cafedelabourse.com/rachat-actions-societes-cotees-bourse