Il y a quelques mois, en septembre 2023, le Mexique a dépénalisé l’avortement dans tout le pays. La « marea verde » (nom donné aux manifestations en faveur de l’avortement initiées par l’argentine en 2020) poursuit sa course en en Amérique latine. L’occasion de faire un point sur les avancées et les contestations de l’IVG dans le monde hispanique.
L’avortement en Espagne
L’avortement a été légalisé une première fois en 1936 en Catalogne durant la seconde république. Cependant, Francisco Franco l’interdit rapidement, dès 1939. Il faudra ensuite attendre 1985 pour que ce droit soit redonné aux espagnoles, sous certaines conditions : viol, mise en danger de la vie de la mère et malformation du fœtus.
C’est plus tard, en 2010, que l’accès au droit à avorter est facilité. José Luis Rodriguez Zapatero, ancien chef du gouvernement espagnol et fervent défenseur de l’avortement, accorde alors le droit aux femmes de mettre librement un terme à leur grossesse et ce jusqu’à la 14e semaine, (22 en cas de viol, malformation du fœtus ou mise en danger de la mère).
Cependant, l’abandon de la grossesse fait l’objet de nombreuses contestations dans le pays. Dès 2013, Mariano Rajoy alors président du gouvernement propose un projet de loi pour revenir aux conditions de 1985. Ce plan a été abandonné car faute de consensus, mais témoigne bien de la division espagnole sur la question.
Aujourd’hui, les dénommés « providas » luttent encore pour le faire interdire dans le pays. En effet 90% des espagnoles ayant voulu avorter se disent s’être senties harcelées et 66% menacées. Plus loin encore, le leader de Vox en Castille-et-Léon Juan García-Gallardo a fait polémique début 2023 en proposant un plan pour freiner l’avortement dans la région. Il souhaitait par exemple obliger les femmes désirant avorter à écouter les battements de cœur du fœtus tout en visualisant une échographie en 4D de ce dernier. Elles auraient aussi dû en parler avec un professionnel de la santé mentale. Encore une fois, si cette proposition a provoqué un tollé, elle illustre parfaitement les réticences d’une partie de l’Espagne à l’IVG.
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L’avortement en Amérique latine
En Amérique latine, la vague verte progresse mais le recours à l’avortement reste interdit ou extrêmement limité dans de nombreux pays :
- Pays dans lesquels l’avortement est illégal : Salvador, Nicaragua, République Dominicaine, Honduras, Guatemala
- pays dans lesquels l’avortement est légal : Cuba (1965), Uruguay (2012), Argentine (2020), Colombie (2022), Mexique (2023).
- Pays dans lesquels l’avortement est possible seulement en cas de viol, malformation fœtus ou danger pour la vie de la mère : Vénézuela, Pérou, Paraguay, Panama, Équateur, Costa Rica, Chili, Bolivie, Brésil.
Malgré ces avancées, on observe de nombreuses contestations voire régressions dans certains États où l’avortement est pourtant possible (libre ou limité). Dans la dernière proposition de constitution que les chiliens ont rejeté fin 2023, il y avait notamment un article visant à « protéger la vie de toute personne à naitre » approuvé par le conseil rédigeant la constitution (dominé par l’extrême droite). Autre exemple en Argentine : alors même que ce pays est vu comme l’initiateur de la récente vague verte, le nouveau président ultralibéral Javier Milei a assuré début mars que ceux qui avaient soutenu la dépénalisation de l’avortement en 2020 étaient « des assassins » et qu’avorter était « un meurtre ».
Dans d’autres États, où l’IVG est interdite, les sanctions s’alourdissent. Le Guatemala a par exemple voté une loi « pour la protection de la vie et de la famille » en 2022 qui punit de 10 ans de prison toute femme réalisant son propre avortement. Au Salvador, les peines peuvent s’élever jusqu’à 50 ans de prison.
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Comment expliquer ces oppositions ?
La première raison est la religion. En effet, la plupart des latinoaméricains sont catholiques et évangéliques et l’Église condamne fermement l’avortement. Dans certains pays, les politiques gouvernementales et les établissements scolaires peuvent alors être influencés par les institutions religieuses et ainsi restreindre l’accès à l’éducation sexuelle. Deuxièmement, les sociétés latinoaméricaines sont encore très patriarcales et avorter entre souvent en contradiction avec une vision de la femme qui reste très archaïque.
Ainsi, malgré de beaux progrès réalisés depuis quelques années dans certains pays, la lutte pour la dépénalisation de l’avortement reste très complexe dans d’autres. Pourtant, chaque jour, 3 des 4 avortements réalisés en Amérique latine le sont de manière clandestine selon l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé). Les besoins sont donc réels, reste à voir si la « marea verde » saura se diffuser sur l’ensemble du continent.