Avec l’apparition du conteneur dans les années 1970 grâce aux travaux de Malcolm McLean, la mondialisation s’est rapidement accélérée, propulsée par la croissance exponentielle des échanges commerciaux. Leurs capacités ont démultiplié tandis que leurs coûts ont largement diminué, tout comme la durée des transports. Néanmoins, de nouveaux défis économiques et géopolitiques ont vu le jour et les compagnies maritimes font désormais face à des risques accrus.
Reflet des rapports de force géoéconomiques et géopolitiques dans le monde
La conteneurisation a engendré un changement profond des chaînes de logistiques. Présentant de nombreux atouts comme un format standardisé pour les EVP (20 pieds), un contenu diversifié (du brut au manufacturé) et une mobilité efficace au déchargement, le conteneur est dès lors devenu l’unité fondamentale du transport intermodal.
Depuis 1990, le trafic de conteneurs croît de 10% par an en moyenne pour atteindre 11 milliards de tonnes de marchandises en 2021. Ces chiffres représentent 85% du commerce mondial, d’où l’appellation « d’épine dorsale » de la mondialisation par Antoine Frémont (Le monde en boîtes – Conteneurisation et mondialisation, 2007). En quête de toujours plus d’optimisation, les navires se sont donc spécialisés pour s’adapter à la demande et rentabiliser les trajets : vraquiers, supertankers et porte-conteneurs capables de transporter jusqu’à 200 000 tonnes de marchandises. En 2021, la compagnie Evergreen Line présente Ever Ace capable de transporter 24 000 EVP.
Ainsi, on observe une course au gigantisme pour dominer le commerce maritime mondial. Par exemple, 70% du marché mondial du transport de conteneurs est géré par sept compagnies. On retrouve historiquement des armateurs européens dans ce top 7 (en parts de marché) même si les compagnies asiatiques fleurissent rapidement : MSC (italo-suisse), Maersk (danois), CMA-CGM (français), COSCO (chinois), Hapag-Lloyd (allemand) et Evergreen Line (taïwanais). Paradoxalement si la conteneurisation a permis de faciliter la DIPP (Division Internationale des Processus Productifs) et par conséquent l’industrialisation de l’Asie orientale, les besoins en produits manufacturés entre les continents se sont accentués depuis 1990, exacerbant la concurrence entre les compagnies.
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Dès lors, on observe de nouveaux rapports de force géopolitiques et géoéconomiques. Face à la mainmise européenne (60% des navires), les pays d’Asie du SudEst montent fortement en puissance et viennent concurrencer les géants historiques du secteur. Vient alors l’échiquier géoéconomique des fusions entre ces géants pour maintenir une taille critique. C’est le cas en 2016 avec les compagnies chinoises COSCO et China Shipping, une fusion historique symbole de l’expansion du « collier de perles ». À cela s’ajoute des investissements massifs, principalement dans les ports européens : du Pirée à Hambourg, les contrats se multiplient et COSCO détient aujourd’hui 35% du terminal à conteneurs du port de Rotterdam par exemple.
Des risques accrus et des défis renouvelés
Premièrement, les progrès en ingénierie navale et la croissance des navires représentent un défi technique majeur pour les ports. Afin d’accueillir des immeubles de 400 mètres de long pour 14 mètres de tirant d’eau, des travaux de modernisation sont nécessaires. Par exemple en Égypte, le président Sissi a lancé un programme d’élargissement de la partie Sud du canal du Suez en 2021 à la suite du blocage de ce dernier par le porte-conteneurs Ever Given. Aussi en 2022, le port de Hambourg achève l’élargissement de l’Elbe sur 130km séparant le port de la mer du Nord pour un coût estimé à 850 millions d’euros.
Inévitablement, l’importance du trafic engendre un fort impact environnemental : la pollution du transport maritime représente 3% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, sans oublier les risques de marées noires. Face à ce constat, des actions voient le jour péniblement. Les armateurs français ont lancé en 2020 la charte SAILS (Sustainable Actions for Innovative and Low-Impact Shipping), tandis que l’Organisation maritime internationale (OMI) préconise la décarbonisation du secteur et le passage au GNL.
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Enfin, la piraterie constitue un risque difficilement évitable pour les compagnies, notamment dans cinq zones : les Caraïbes, les golfes de Guinée et d’Aden et les détroits d’Ormuz et de Malacca. Par exemple en 2019, deux pétroliers norvégien et japonais ont été ciblés par des tirs dans le golfe d’Oman dont les origines restent à déterminer.
Conclusion
Le transport maritime reste le principal moyen de transport de marchandises au vue de ces nombreuses qualités, ce qui ne cesse d’attirer la convoitise des grands investisseurs. Néanmoins, dans un contexte de changement climatique et de transition énergétique, des réflexions émergent quant à la durabilité de son mode d’utilisation.