La crise du coronavirus a très rapidement rappelé aux hommes du monde entier la force que la nature représente et qu’un capitalisme financiarisé ne peut contrer ni vaincre. Alors que les pays commençaient à déconfiner, beaucoup de nations se sont engagés à faire mieux au niveau environnemental. Ainsi selon Michel Aglietta et Étienne Espagne dans le chapitre 5 de l’économie mondiale 2021 « Et maintenant, quel Green New Deal », les états doivent s’inspirer du New Deal de Roosevelt qui a construit les instituions de l’économie dite « fordiste » pour l’appliquer aux enjeux du moment. C’est de ce Green New Deal là que nous allons discuter, creuser les tenants et aboutissements d’un tel projet tout en mesurant les risques.
À l’heure actuelle, ce projet ne verra le jour qu’en tirant les leçons du Covid-19. Il faudra dès lors remonter aux origines environnementales du Covid-19 pour traiter les causes. Nous savons que les flambées épidémiques ne sont pas nouvelles, ni même plus nombreuses cependant leur nature a changé car elles sont largement liées au monde animal. Cela s’explique par quatre facteurs : Tout d’abord la pénétration plus profonde de l’homme dans les espaces préservés (déforestation, commerce et consommation des espèces sauvages…) induit une multiplication du nombre d’espèces impliquées lors du passage du pathogène.
Ensuite ce sont les déséquilibres des écosystèmes qui permettent l’émergence de virus ou de pathogènes car les animaux sont plus faibles et les moustiques en profitent pour proliférer leurs maladies.
De plus, il y a une réelle augmentation de la promiscuité humaine-animale lié notamment aux animaux domestiques, aux élevages industriels. Et pour finir, le climat un réel impact sur l’émergence d’un virus d’une part car à cause du changement climatique les animaux ne se déplacent plus de la même manière et ils peuvent ainsi importer ou exporter plus facilement des virus et d’autre part la fonte accélérée du permafrost peut libérer des virus congelés remontant au début de l’histoire de l’humanité et de fait des virus pour lesquels nous ne possédons aucune immunité.
Abordons le second aspect de crise sanitaire, la rapidité avec laquelle le virus s’est transmis d’une ville à l’autre, d’un pays à l’autre et surtout d’un continent à l’autre. La densification da la population et l’accélération des échanges, pourtant symbole de notre belle et chère mondialisation, ont permis l’émergence d’une pandémie mondiale. Aujourd’hui plus de la moitié de la population mondiale vit en ville, et ce chiffre pourrait monter à 70% en 2050. L’Afrique et l’Asie vont voir leur population croitre de manière importante, rendant la circulation des personnes, animaux et produits toujours plus importantes, augmentation ainsi le risque de contagion. Le risque sous-jacent est que les personnes se concentrent là ou il y a la croissance, c’est à dire en ville mais c’est aussi là où la pollution est la plus dangereuse voire la plus meurtrière. L’exemple paradigmatique est Delhi qui à l’automne 2019 fut asphyxiée par un nuage de pollution.
Intéressons-nous désormais aux changements possibles, autrement dit comment lutter contre le réchauffement climatique et quel rôle la crise sanitaire peut-elle jouer ? Michel Aglietta et Étienne Espagne dénoncent l’idée qu’il est possible de résoudre le problème climatique par une solution dite « marchande », très régulièrement préconisé. Cela présuppose que le changement climatique est une externalité négative, créant une défaillance de marché et que la « solution » c’est d’instaurer un prix du carbone et de laisser les ajustements se faire. Mais non, le changement climatique est d’une autre dimension, il fait courir un risque de crise systémique entre dégradation de la biodiversité et réactions politiques imprévisibles !
Ce qui est intéressant dans la crise du Covid-19 c’est le fait que les intérêts individuels soient relégués au second plan, la dimension collective étant plus importante or c’est exactement ce dont le changement climatique a besoin, en rajoutant évidement une justice sociale et de la démocratie. Le problème étant que ce sont les plus pauvres les plus touchés par la crise sanitaire et la crise écologique, pourtant ce sont ceux qui participent le moins à la pollution. Une étude de TACONET montre que le niveau de richesse est le premier déterminant des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial : les 10% des plus riches sont responsables de 40% des émissions de gaz à effet de serre tandis que les 40% les moins riches sont responsables de 8% des émissions. Ainsi le Green New Deal doit prendre en compte ces faits et s’atteler à l’urgence climatique mais à la réduction des inégalités.