Les terres rares sont un groupe de 17 métaux présents dans la croûte terrestre. Leur enjeu est stratégique, car elles sont utilisées dans des secteurs clés de l’industrie, comme le numérique, l’énergie, le médical et l’armement. Ces métaux sont donc très convoités, mais il n’existe que quelques pays qui concentrent leur production. Parmi les cinq premiers producteurs de terres rares, aucun pays européen n’est présent. De fait, l’Union européenne se retrouve parfois en difficulté pour s’approvisionner. Ainsi, l’Union européenne se livre-t-elle à une course sur les terres rares ?
I. Les terres rares, un enjeu vital pour les Etats
On estime que les besoins en métaux rares vont être multipliés par 7 d’ici 2040. En effet, ils sont très prisés pour les innovations technologiques. Ils sont utilisés entre autres dans les innovations touchant à la décarbonation et aux énergies renouvelables, comme les éoliennes ou les véhicules électriques. Ils servent aussi à la conception de semi-conducteurs.
L’accès aux terres rares est donc primordial. Cependant, leur extraction demande de déployer beaucoup de moyens et cela participe à la pollution de l’eau et des sols. L’impact environnemental de l’exploitation des terres rares doit, de fait, également être pris en compte. Au-delà de la difficulté d’accéder à ces métaux, il s’agirait ainsi de trouver des solutions pour que cela soit fait de manière durable.
Certaines entreprises se spécialisent dans le recyclage des terres rares. C’est le cas de Carester, une entreprise lyonnaise. Cette dernière contribue à la recherche scientifique pour trouver des solutions de recyclage innovantes. Elle a ouvert une usine, Caremag, qui a pour but de produire des terres rares en utilisant des aimants recyclés.
Néanmoins, le recyclage ne concerne qu’1% de la production. En effet, le processus est particulièrement complexe et coûteux.
L’enjeu autour des terres rares est donc double : elles sont nécessaires au fonctionnement d’industries stratégiques, mais leur empreinte environnementale est importante.
II. L’Union européenne en difficulté pour s’approvisionner face aux pays producteurs
Les Etats de l’Union européenne ne représentent qu’une faible part de la production des terres rares. En effet, le marché est très concentré dans certains Etats. La Chine produit 60% des terres rares au niveau mondial. L’un des plus grands gisements est celui de Bayan Obo. Il accumule à lui seul 45% de la production mondiale. Les Etats-Unis, deuxième sur le marché, représentent 15% de la production. L’Union européenne se voit donc obligée d’avoir recours aux importations. En 2021, 98% de la consommation de l’UE provenait de Chine. Ceci maintient une dépendance, qui peut se révéler problématique.
Dans La guerre des métaux rares (2018), Guillaume Pitron estime que les pays occidentaux font une impasse sur la stratégie d’indépendance quant à ces métaux. Or, ceci peut mener à des problèmes d’approvisionnement. En effet, la Chine manipule les prix pour essayer de faire disparaître la concurrence. Il arrive qu’elle impose des taxes ainsi que des quotas d’exportations sur ces produits. Par exemple, en 2010, la Chine a suspendu ses exportations de terres rares vers le Japon à la suite de tensions entre les deux pays. Le principal fournisseur de l’UE peut donc prendre des décisions imprévisibles, qui peuvent affecter les importations européennes.
L’exemple du gisement de Bayan Obo est assez parlant quant aux diverses stratégies que met en place la Chine afin de maintenir sa domination sur le marché. L’Etat a interdit l’entrée d’entreprises étrangères sur le gisement. Il entreprend également des baisses de taxe à l’exportation afin de mettre en valeur les firmes nationales face aux firmes étrangères. De plus, Pékin lutte activement contre les extractions et les trafics illégaux.
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III. Des initiatives européennes pour réduire la dépendance aux importations
L’incertitude quant à ses fournisseurs et l’enjeu vital derrière les terres rares poussent l’Union européenne à réduire sa dépendance. En 2023, la Commission européenne a voté le Critical Raw Material Act. Cette mesure vise à améliorer l’approvisionnement en matières premières critiques pour limiter sa dépendance aux importations étrangères. La Commission européenne a fixé un objectif pour rendre ces actions concrètes. D’ici 2030, l’extraction en UE doit permettre de fournir au moins 10% de sa consommation annuelle.
De plus, l’Union européenne a pour ambition de devenir un producteur important de semi-conducteurs. Thierry Breton, commissaire européen, a déclaré que l’UE devrait produire 20% des semi-conducteurs dans le monde d’ici 2030. Ces ambitions nécessitent donc des ressources fiables en terres rares.
L’Union européenne possède des réservoirs de terres rares, ce qui lui permettrait d’être indépendante dans ses approvisionnements. Par exemple, des gisements ont été découverts en Laponie. On estime qu’ils représentent environ 1% des réserves mondiales. L’Arctique est également un réservoir important et très convoité. On retrouve même des gisements en France. Ils sont notamment présents en Bretagne et en Guyane. Cependant, les règles d’exploitation sont assez strictes, au vu des nouvelles législations environnementales. Il est donc difficile d’obtenir des autorisations pour les exploiter.
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