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Vers un déclin prématuré du pétrole ?

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« L’âge de pierre ne s’est pas arrêté faute de pierres et l’ère du pétrole ne se terminera pas faute de pétrole »

La déclaration de Cheikh Ahmed Zaki Yamani, Ministre du pétrole en Arabie Saoudite pendant les années 1970 fait aujourd’hui fortement écho à la situation qui caractérise actuellement l’industrie du pétrole. Avec plus de 100 millions de barils consommés par jour dans le monde en 2019, le pétrole, élément clé de l’économie mondiale, avait franchi un seuil encore jamais atteint. Pourtant, en seulement quelques mois, la pandémie mondiale du Covid-19 a su balayer les prévisions en provoquant un effondrement inédit de la demande mondiale qui a, d’une part, créé une offre démesurément excédentaire et a appelé, d’autre part, à la réunion des principaux acteurs de l’offre.

Le confinement généralisé de quelques milliards d’habitants sur la planète et les restrictions de déplacement entre les pays qui ont, entre autres, rendu atone l’aviation internationale et la consommation de kérosène, ont fini par avoir raison des différents marchés du pétrole. Testant d’abord des limites encore jamais atteintes en termes de capacités mondiales de stockage du pétrole, certains acteurs de l’offre ont même pratiqué à un moment donné le principe des prix négatifs (pétrole West Texas Intermediate), en estimant qu’il était plus rentable de payer pour se libérer d’un pétrole devenu trop cher à stocker.

En mars dernier, la Russie et l’Arabie Saoudite se sont d’abord livrées à une guerre des prix en augmentant de façon substantielle leur production. Le but de l’opération était de faire chuter à leur avantage les prix du pétrole et gagner des parts de marché. L’ensemble des pays producteurs (incluant l’OPEP, l’OPEP+ et des pays qui n’appartiennent à aucun des deux groupes, à l’image des États-Unis) se sont finalement accordés à créer une coopération pour la baisse de la production mondiale en suivant le schéma économique de la théorie des jeux. Néanmoins, la chute historique de l’ensemble des cours du pétrole aura tout de même, outre les faillites d’un certain nombre d’exploitants, d’importantes incidences sur l’investissement dans la filière pétrolière qui envisage et se prépare déjà « l’après-pétrole ».

Si le prix du baril de pétrole est désormais fixé aux alentours de 40 dollars, le spectre d’une stagnation à long terme de la demande est aujourd’hui fortement à craindre. En effet, la suspension de l’activité économique a touché d’importants débouchés de l’industrie pétrolière, à l’instar du secteur aérien et celui de l’automobile. De plus, la reprise économique a tendance à dépendre de la restauration des prix sur le marché du pétrole. En ce sens, la restauration des cours renvoie un signal positif à l’ensemble des marchés qui influence par conséquent le niveau de l’investissement général dans l’économie.

À l’heure où l’ensemble des mesures sanitaires n’ont pas toutes encore été levées et connaissent même un prolongement de leur application dans certaines régions du monde, on peut désormais s’attendre à une transformation structurelle de la demande de pétrole. Celle-ci pourrait amorcer voire confirmer un déclin prématuré de l’exploitation pétrolière qui ne pouvait pas prévoir un choc de demande négatif d’une telle envergure. De plus, la démocratisation du télétravail, des réunions à distance dans de nombreuses activités et la restriction de nombreux voyages aériens peuvent modifier, à plus ou moins long terme, des habitudes de consommation déjà fortement bouleversées pendant la pandémie.

Enfin, certaines estimations (notamment celles de British Petroleum dans son rapport BP Energy Outlook 2020) prêtent déjà à penser que l’économie mondiale ne reviendra certainement pas au pic mondial des 100 millions de barils consommés par jour atteint en 2019. Dès lors, s’il s’avère que la transition énergétique est en théorie davantage favorable à un prix fort du pétrole pour faire des avancées majeures, les chocs négatifs de la demande sont toujours l’occasion de réintroduire le débat de la dépendance énergétique vis-à-vis du pétrole et des pays qui en sont les exportateurs, et ce, au profit d’autres énergies.

Si l’économie n’en est pas encore ou se trouve même loin du stade de « l’après-pétrole », il semblerait que son échéance s’en soit tout de même significativement avancée. En définitive, l’ère du pétrole s’achèvera bien avant que l’on en ait épuisé toutes les ressources.

 

Auriane Barthère membre de Pourparlers

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Dorian Zerroudi
Co-fondateur d'elevenact (Mister Prépa, Planète Grandes Ecoles...), j'ai à coeur d'accompagner un maximum d'étudiants vers la réussite !