Sans doute que cette expression, dont une traduction possible pourrait être « l’Occident contre le reste du monde », est devenue la source d’un débat clef de la géopolitique contemporaine. En effet, représentant un clivage conséquent entre un Occident n’ayant plus le monopole de la puissance et un reste du monde qui favorise ses intérêts nationaux afin d’accélérer son développement, « The West versus the Rest » mérite une réelle réflexion quant à sa légitimité au sein d’une copie de géopolitique.
Il semblerait, dans un premier temps, qu’il s’agisse du résultat de l’histoire, une histoire à travers laquelle l’Occident s’est efforcé trop souvent de jouer les premiers rôles. Entre la colonisation européenne, l’impérialisme américain, le pouvoir économique, la suprématie militaire ou encore la diffusion de sa culture, aucun individu rationnel ne peut contester le caractère dominateur de l’Occident sur le monde depuis plus de 4 siècles.
« The West versus the Rest » : une expression qui prend sens à la suite des recompositions géopolitiques et géoéconomiques
Le tournant n’est autre que l’accélération du processus de mondialisation durant les années 90, qui a été favorisé par le tournant néolibéral ainsi que par le progrès technique. Sans entrer dans les détails de cette période incontournable pour les préparationnaires, nous allons concentrer notre réflexion sur les conséquences de cet enrichissement rapide d’une partie du monde, différente de l’Occident. Certes, l’exemple chinois semble être favorisé pour décrire ce basculement du monde mais en réalité, l’Inde, le Vietnam, une partie de l’Afrique et bien d’autres pays se sont retrouvés dans une position économique beaucoup plus forte qu’avant et tentent alors d’occuper un nouveau rôle sur l’échiquier géopolitique.
Mais jouer un nouveau rôle dans la géopolitique contemporaine signifie-t-il être contre l’Occident ? Se présente alors tout le paradoxe de cette expression : quelles ont été les raisons qui ont permis d’évoquer un tel clivage entre l’Occident et ces nouveaux venus ? Il est alors intéressant de rechercher des éléments d’oppositions entre les deux camps.
Le premier semble être un agacement profond envers une certaine hégémonie américaine. Ainsi, en étant plus influents économiquement et militairement, ces Etats se sont retrouvés en position de refuser les différents désirs américains, un fait inédit. L’un des exemples récents et pertinents a eu lieu avec l’Arabie Saoudite. En effet, lors de l’été 2022, le président Biden a fait l’effort de se rendre directement à Riyad afin de demander à son homologue Mohamed Ben Salman d’augmenter la production de pétrole afin de baisser le prix du baril qui montait d’une façon exponentielle. Alors, en guise de réponse, l’Arabie Saoudite a décidé de baisser la production de pétrole. Défendre l’intérêt national sans devoir obéir à un impérial américain semble aussi être devenu une priorité pour le Royaume Wahhabite.
Le deuxième élément d’opposition, localisé surtout sur le continent africain, n’est autre qu’un ressentiment profond d’une partie de la population. Il s’agit du résultat d’un sentiment douloureux des populations africaines envers l’Occident en raison de l’histoire coloniale et de ses conséquences, telles que l’exploitation, la domination, la discrimination et l’appauvrissement qui ont souvent été associés à la colonisation et au paternalisme occidental. Ce ressentiment se traduit aujourd’hui par la colère et la méfiance… Les exemples qui illustrent nos propos ne manquent pas ces dernières années, en effet, que ce soit au Mali, au Tchad ou au Burkina Faso, une opposition “aux colons occidentaux” apparait. Dès lors, l’Occident semble être exclue de toute alliance ou coopération possible.
Un camp uni face au rival occidental : réalité ou naïveté ?
Par définition, une opposition est le résultat d’une confrontation entre deux camps. Or, il est fondamental de questionner la notion de « camp » définissant « The Rest » face à l’Occident. Bien des arguments nous montrent la fragilité de ce dernier où des divisions internes compromettent la légitimité de notre expression faisant office de sujet. Dans notre société actuelle, aucun pays ne semble capable de se passer totalement de l’Occident (et inversement), ni même le rival chinois qui entretient des relations économiques clefs avec son homologue américain. Dès lors, la nouvelle tendance diplomatique semble être le fait de prioriser les intérêts nationaux. Certes, l’Occident n’est plus privilégié et un des objectifs demeure le retrait de son influence, mais lorsque “The West” permet d’accélérer le développement de “The Rest”, alors nous passons de la confrontation au partenariat.
Evoquons un exemple pertinent. D’un côté l’Etat indien est aujourd’hui proche du Kremlin et du voisin chinois en étant intégré au sein d’une alliance commune nommée OCS (coopération de Shangaï) dont l’objectif premier est de contrer l’influence occidentale. D’un autre côté, New Delhi semble entretenir une relation privilégiée avec le rival américain comme l’atteste la visite du premier ministre Narendra Modi à Washington en juin dernier actant un nouveau partenariat stratégique. L’exemple indien illustre alors parfaitement notre réflexion mêlant opposition stratégique aux Etats-Unis ainsi que partenariat dans une pensée économique rationnelle.
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Alors, que doit-on retenir de cette expression ?
Au terme de cette analyse, il est à considérer que la formule souvent entendue dans le débat public « the West versus the Rest » demeure être une expression manquant d’analyse profonde et fait naître une certaine forme de naïveté. La géopolitique ne peut s’expliquer par une vision manichéenne qui limite largement la réalité de l’échiquier géopolitique actuel. Certes, des éléments illustrent une réelle opposition entre The West et The Rest, mais ces dernières restent partielles et ne reflètent pas le véritable jeu des puissances.