L’Allemagne traverse actuellement une crise du logement sans précédent avec un manque d’accès à la propriété et de logements sociaux.
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La crise du logement (Die Wohnungsnot) en Allemagne
Avec 42 %, le taux d’accession à la propriété en Allemagne relègue cette dernière à l’avant-dernier rang de l’UE (65 % pour la France, plus de 90 % pour la Roumanie). En effet, 58 % des Allemands vivent dans un appartement en location(eine Mietwohnung). Dans les grandes villes, ce chiffre comme Munich ou Hambourg par exemple atteint même 60 à 85 %.
Toutefois, surtout dans les grandes villes, de nombreuses personnes ne peuvent plus payer leur loyer qui est très cher. En 2023, Munich est la grande ville la plus chère pour ses locataires, suivie par Berlin, Francfort et Fribourg.
De plus, Dans certaines métropoles, les loyers ont plus que doublé depuis 2007. Ainsi, les studios et appartements d’une pièce sont à plus de 800 €/mois dans la plupart des capitales fédérales allemandes.
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Un ménage sur quatre doit consacrer plus de 30 % de ses revenus au loyer. Il y a environ 17 millions de personnes qui sont des ménages individuels. Ceux-ci et les familles avec enfants nombreux sont donc les plus touchés la hausse des coûts du logement. Ceci présente un risque aigu de surendettement et de pauvreté pour une grande partie de la population. La tendance à la gentrification fait également du logement un nouveau problème social. La mixité sociale des villes est en jeu car les classes les plus modestes ne peuvent pas devenir propriétaires. De plus, elles ont de moins en moins accès des logements sociaux avec des loyers plus faibles.
Trois causes de la pénurie de logements
Les trois causes de la pénurie de logements et de la hausse des prix sont :
- Le boom immobilier avec la très forte hausse des loyers
- Le faible niveau des taux d’intérêt, qui attire de nombreux investisseurs financiers étrangers,
- La privatisation du parc de logements sociaux.
En 2004, la ville de Berlin a vendu environ 65 000 appartements de sa société de logement municipale GSW aux sociétés d’investissement américaines Cerberus et Goldman Sachs. En 2013, GSW a été rachetée par Deutsche Wohnen et finalement privatisée. Ainsi, les prix de l’immobilier étant bas, des investisseurs ont racheté de nombreux appartements de l’ère soviétique et les louent à prix d’or aujourd’hui.
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La politique de loyers axée sur le rendement des foncières a généré d’importantes augmentations de loyers. Cela a notamment donné lieu à des initiatives de locataires, notamment à Berlin, où Deutsche Wohnen possède aujourd’hui environ 115 000 appartements.
Le nombre de logements sociaux a cependant également fortement diminué dans d’autres villes, comme Leipzig (-90%). À l’échelle nationale, le nombre d’appartements locatifs sociaux a diminué de moitié, passant de plus de 2 millions en 2007 à un peu plus d’un million en 2019.
Plafond des loyers en Allemagne pour pallier la crise du logement (l’exemple de Berlin)
Le frein aux loyers (Mietpreisbremse) est une loi fédérale de 2015 : dans des situations de logement tendues, le loyer ne peut pas dépasser de plus de 10 % l’indice des loyers, c’est-à-dire le loyer comparatif local.
Cependant, les loyers à Berlin ont plus que doublé en dix ans malgré le plafonnement des loyers. Le 30 janvier 2020, la coalition rouge-rouge-verte à Berlin a adopté le plafond des loyers à Berlin. Cette loi d’État controversée a donc probablement entraîné l’intervention de l’État sur le marché du logement la plus forte depuis la fin du socialisme. Un plafond de loyer a ainsi été introduit par l’État. Les loyers d’environ 1,5 million d’appartements, soit environ 80 % des appartements berlinois, ont été gelés au niveau de juin 2019 (gel des loyers).
Le 15 avril 2021, le plafond des loyers berlinois a été déclaré inconstitutionnel par la Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe. Étant donné que le gouvernement fédéral avait déjà fixé un plafond de loyer en 2015, le Land de Berlin n’a pas le pouvoir législatif pour le faire.
Zoom : « Exproprier Deutsche Wohnen & Co »
En 2018, « Deutsche Wohnen & Co enteignen » a été fondée. Son objectif : provoquer un référendum qui conduira à l’expropriation des sociétés immobilières à but lucratif telles que Deutsche Wohnen ou Vonovia. Au total, 245 000 appartements doivent être socialisés. Les entreprises doivent alors recevoir une compensation de l’ordre de plusieurs milliards.
Un référendum a été organisé le 26 septembre 2021. 59,1 % des Berlinois se sont alors prononcés en faveur de l’expropriation des sociétés de logement privées. Cependant, comme le Sénat retarde la mise en œuvre de la décision, l’Initiative d’expropriation de Berlin a déclaré en octobre 2023 qu’elle lancerait désormais un deuxième référendum au cours duquel les Berlinois voteraient immédiatement sur une loi de socialisation. En cas de succès, il suffirait que cette loi soit votée pour entrer en vigueur. La Gauche berlinoise, les Verts et les Jusos (SPD, Jeunes Socialistes) soutiennent l’initiative. La CDU berlinoise, l’AID, le FDP mais aussi le SPD s’y opposent.