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Le tournant vers la gauche de l’Amérique Latine

Sommaire

Je te propose de revenir sur la politique d’Amérique Latine et en particulier sur la vague d’élections présidentielles qui la marque depuis 2018, avec l’élection de López Obrador au Mexique. La dernière est celle de Gustavo Petro (Colombie) datant du 7 août 2022 qui reflète un processus important : le tournant vers une politique de gauche.

Comment expliquer que de nombreux pays d’Amérique Latine élisent, à nouveau, des gouvernements de gauche depuis peu ?

 

L’Amérique Latine : une politique en mouvement constant

L’Amérique Latine a connu un premier mouvement dans les années 2000. Il n’a duré qu’une décennie à cause des cas de corruption ou de mauvaises gestions de la politique qui ont conduit à l’émergence des partis conservateurs. Le cas le plus marquant est celui de Lula da Silva. Ce président de gauche a sorti de la pauvreté plus de 30 millions de Brésiliens pour constituer une classe moyenne. Mais à partir de 2011, lui et sa dauphine Dilma Rousseff ont été accusés de corruption, ce qui entraîna l’élection du conservateur Jair Bolsonaro en 2018.La politique d’Amérique latine est donc assez fluctuante.

En savoir plus sur les principaux chefs d’État d’Amérique Latine ici.

 

Les raisons du vote à gauche

La population a commencé à voter à gauche pour plusieurs raisons :

  • La corruption: le Pérou est l’un des pays les plus touchés par la corruption. En 2020, trois présidents se sont succédés en 10 jours car ils étaient accusés de corruption et ont été destitués. En 2021, Pedro Castillo, un candidat de gauche élu président, a promis dans son programme un pays sans corruption.
  • La crise sanitaire : le président du Brésil, Jair Bolsonaro, recense le pire bilan avec plus de 60 000 morts et une forte augmentation du taux de pauvreté, conduisant la population à se questionner sur les prochaines élections d’octobre.
  • Les violences: certaines populations subissent la violence de nouveaux groupes armés. La Colombie est l’une d’entre elles notamment avec les groupes armés s’inspirant des FARCS. Gustavo Petro, premier président de gauche colombien, lance déjà un appel à ces groupes pour faire la paix.

En savoir plus sur la violence en Amérique Latine ici

 

Le Chili, l’exemple le plus marquant de ce tournant vers la gauche

Durant sa dictature, Pinochet a mis en place une nouvelle constitution qui obligeait la privatisation des services publics.

Depuis, elle n’a pas changé et les inégalités se sont accrues car il fallait payer pour avoir une bonne éducation ou se soigner correctement. Le Chili est devenu l’un des pays les plus inégalitaires avec un coefficient de Gini de 0,46.

En 2019, le gouvernement chilien a décidé d’augmenter le prix du ticket de métro qui a entraîné de nombreuses manifestations afin de lutter pour un meilleur mode de vie, mais surtout un changement de constitution pour rendre ce pays plus égalitaire.

Accablé par la pression de la population, le président Sebastián Piñera a organisé un référendum qui a permis d’écrire une nouvelle Constitution.

 

L’année 2021 fut marquée par l’élection présidentielle remportée par le candidat de gauche, Gabriel Boric. Avec plus de 55% des voix, il représentait l’espoir d’un changement social.

 

Ce vote pour la gauche est-il un vote soutenable ?

L’insatisfaction est ce qui guide la population à voter à gauche, surtout après la pandémie. Ces candidats proposent notamment une meilleure justice sociale afin de pallier l’augmentation du taux de chômage et de pauvreté, aggravé par la crise sanitaire.

Dans quelques pays, le vote à gauche réside aussi dans le fait de voter contre la droite. C’est ce qui s’est passé au Pérou : la candidate de droite Keiko Fujimori reflétait l’image de son père, un ancien président condamné pour crime contre l’humanité et corruption. Alors que son opposant Pedro Castillo, qui a été élu, vient d’un milieu rural donc, une plus grande partie de la population était concernée par son programme.

Ce vote paraît aujourd’hui peu utile car ces présidents de gauche n’ont pas la majorité dans les institutions pour pouvoir prendre des décisions. Au Chili, le président Gabriel Boric fait face à un parlement très divisé, lui permettant que difficilement de faire passer des lois.  

 

 Des partis de gauches autoritaires

Même si ces partis de gauche représentent l’espoir d’un meilleur système, il n’en est pas moins que certains dirigeants ne sont là que pour le pouvoir.

 

Au Nicaragua, le président de gauche Daniel Ortega en est à son deuxième mandat. Lors de sa deuxième élection en 2021, il a fait emprisonner ou assigner à résidence ses opposants. De nombreux médias étrangers sont restés bloqués à la frontière le jour de l’élection et seuls les médias du gouvernement ont eu le droit de filmer, essayant de montrer des bureaux de vote pleins alors que la moitié de la population était restée chez elle. Des présidents étrangers tels que Joe Biden ont qualifié cette journée de farce électorale.

 

Pour finir

La politique d’Amérique Latine est en mouvement constant. Il est donc possible que ce tournant ne dure qu’un temps à cause de l’incapacité des présidents à passer des lois, mais aussi aux gouvernements autoritaires qui peuvent être de gauche.

Ce cycle d’élections présidentielles n’est pas encore fini. Le Brésil est le prochain et cette élection pourrait marquer un nouveau tournant dans ce processus.

 

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Jade De Biasi