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Philippe Aghion prend la parole sur les risques de l’innovation chinoise

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Dans une tribune du 1er février publiée sur le site Les Echos, l’économiste et professeur au Collège de France, Philippe Aghion, a pris la parole sur l’incroyable bond en avant de l’innovation chinoise et les risques à craindre.

 

La Chine est un pays qui a réussi son rattrapage économique

La Chine est un pays comptant un peu plus de 1,4 milliard d’habitants répartis sur la superficie du pays qui est de 9,597 millions de km2. Depuis la libéralisation de son économie par Deng Xiaoping en 1978, la Chine a connu une croissance économique soutenue (9,2% entre 1978 et 2021 selon La Banque mondiale) et n’a cessé d’investir pour rattraper son retard technologique, notamment par l’imitation.

Or, Philippe Aghion a établi dans de nombreux travaux que pour passer d’une économie d’imitation à une économie qui innove à la frontière technologique, des changements institutionnels sont nécessaires : en particulier, plus d’investissements dans les universités et la R&D, plus de concurrence sur les marchés et les services, et plus de liberté pour les chercheurs. Cependant, la Chine n’est toujours pas une démocratie, libérale ou même régressive depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, et la concurrence est toujours limitée par une corruption généralisée.

Rappelons que Philipe Aghion introduit le concept de « frontière technologique » dans son livre Repenser la croissance économique (2016). Il l’a défini de la manière suivante : « plus un pays se développe, plus c’est l’innovation « à la frontière » qui devient le moteur de la croissance et prend le relais de l’accumulation du capital et du rattrapage technologique. Imaginez qu’un jour, on fasse entrer un nouvel élève brillant dans une classe. Comment les élèves vont-ils réagir à cet accroissement de la concurrence ?  L’arrivée de ce nouvel élément brillant va inciter les meilleurs élèves de la classe à travailler plus dur pour rester les meilleurs tandis que cela va décourager les moins bons élèves pour qui rattraper ce retard devient plus difficile qu’auparavant ».

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La Chine peut-elle dépasser les économies occidentales en termes d’innovation ?

Dans cette tribune, Philippe Aghion se demande comment est-il possible que la Chine produise autant, sinon davantage, d’articles de recherche et presque autant de brevets que les Etats-Unis en 2020, et qu’elle soit aussi présente dans les technologies de pointe, en particulier la 5G, la blockchain et l’édition du génome ? Il présente trois arguments qui expliquent cette situation.

Tout d’abord, la Chine a significativement augmenté ses dépenses de R&D tout en développant une politique industrielle pro-innovation. En effet, la Chine a rattrapé les Etats-Unis en millions de dollars consacrés à la R&D en 2018, notamment en lançant un crédit d’impôt recherche en 2008, conditionné à l’intensité de l’investissement en R&D, à la part du revenu généré par les ventes de produits high-tech, et au nombre de brevets émis pour chaque entreprise.

En deuxième lieu, le professeur au Collège de France nous explique qu’il y a eu une transformation du système universitaire chinois, avec l’introduction progressive dans les années 2000 d’un système de contrats de titularisation conditionnée, et le lancement en 2008 de la « politique des 1.000 talents » pour faire revenir les chercheurs chinois de haut niveau partis à l’étranger.

Enfin, les collaborations scientifiques avec les chercheurs américains se sont largement développées : ces collaborations ont permis aux chercheurs chinois non seulement de profiter de l’excellence académique des universités américaines, mais également de bénéficier ailleurs d’une liberté qu’ils ne trouvaient pas chez eux. Cependant, les tensions croissantes entre les deux pays ont tendance à freiner ces collaborations et in fine à faire décroitre la qualité des publications chinoises.

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Pour conclure, Philippe Aghion nous enseigne que la Chine est à un carrefour primordial pour la suite de son développement. Soit Pékin fait le choix de l’innovation en libérant les énergies et les initiatives ; ou bien le Parti communiste chinois privilégie le contrôle social au détriment de la performance économique, avec le risque de tomber dans le « syndrome argentin », celui des économies qui décollent de manière très dynamique mais s’arrêtent au milieu du gué.

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Damien Copitet
Je suis étudiant à SKEMA BS après deux années de classe préparatoire au lycée Gaston Berger (Lille). Nous nous retrouvons toutes les semaines pour l'actualité en bref