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Zoom sur la théorie du « Winner Takes All »

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Winner Takes All

La théorie du « Winner Takes All » n’est pas attribuée à un théoricien spécifique. Pour autant, elle trouve une application frappante dans le domaine de l’économie. Patrick Artus, célèbre économiste français, directeur de la recherche et des études de Natixis, l’explique par une situation dans laquelle il y a rendements croissants ou coûts fixes, et les entreprises de plus grande taille ont des prix plus bas que les autres et finissent pas prendre tout le marché.

 

La théorie du « Winner Takes All » trouve son application depuis plusieurs siècles.

L’article « The Economics of Superstars » de Sherwin Rosen paru en 1981 est considéré comme l’une des contributions clés à la théorie du « Winner Takes All ». Rosen introduit le concept de « superstars », faisant référence à des individus exceptionnellement talentueux ou reconnus dans un domaine spécifique, tels que les artistes, les athlètes, les auteurs ou les acteurs. Selon Rosen, les superstars ont une capacité unique à attirer l’attention et à générer des revenus beaucoup plus importants que les autres participants.

Il explique que dans un marché compétitif, où les consommateurs ont une préférence marquée pour les meilleurs, les superstars ont un avantage considérable. Les consommateurs sont prêts à payer une prime pour accéder aux produits ou services offerts par les superstars, créant ainsi un phénomène de concentration des revenus autour d’un petit nombre d’acteurs dominants. D’une part, les superstars bénéficient d’une part disproportionnée des récompenses, tandis que les autres participants luttent pour obtenir une reconnaissance et des revenus similaires. D’autre part, cela peut conduire à une concentration excessive du pouvoir économique entre les mains de quelques acteurs dominants, limitant ainsi la concurrence et l’innovation.

Un exemple empirique et classique de la théorie du « Winner Takes All » est celui de John D. Rockefeller et son entreprise Standard Oil au XIXe siècle. Rockefeller a utilisé des pratiques commerciales agressives, telles que le contrôle vertical de la chaîne d’approvisionnement et la consolidation des concurrents, pour dominer l’industrie du pétrole aux États-Unis. Sa stratégie lui a permis de devenir le plus grand producteur de pétrole et de contrôler plus de 90% du marché.

Une citation de John D. Rockefeller lui-même résume l’esprit de la théorie du « Winner Takes All »: « Le but de toute entreprise est de dominer son marché. L’écraser, le contrôler, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de concurrence. »

Lire plus : Patrick Artus, l’économie post-covid : Les huit ruptures qui nous feront sortir de la crise

 

Les GAFAM et leur emprise sur le numérique, symbole du « Winner Takes All »

Dans le monde contemporain, les GAFAM sont des exemples concrets de la théorie du « Winner Takes All ». Ces géants technologiques ont réussi à consolider leur domination dans leurs domaines respectifs en utilisant diverses stratégies, notamment l’innovation, les acquisitions et l’exploitation des données massives.

Prenons l’exemple de Facebook, qui a émergé comme le réseau social dominant et a acquis Instagram et WhatsApp pour renforcer sa position. Mark Zuckerberg, PDG de Facebook, a exprimé cette mentalité de domination en déclarant : « Dans une entreprise, si vous ne faites pas partie des premiers, vous êtes en train de perdre votre temps. » Cette déclaration souligne l’importance de prendre une longueur d’avance et de dominer le marché pour réussir dans le monde numérique.

De même, Amazon a révolutionné l’industrie de la vente au détail en ligne et s’est rapidement imposé comme le leader incontesté. Jeff Bezos, fondateur d’Amazon, a déclaré : « Votre marge est ma nouvelle opportunité. » Cette approche agressive montre comment Amazon a utilisé sa position dominante pour perturber d’autres industries et élargir son emprise.

Lire plus : GAFA : Reprenons le pouvoir, Joëlle Toledano, 2020

 

Une politique de concurrence, un moyen de faire face à ce phénomène

Dans une tribune du 18 mai publiée sur le site Les Echos, l’économiste et professeur au Collège de France, Philippe Aghion, a pris la parole sur la révolution que représente l’intelligence artificielle (IA) et l’opportunité en termes d’emploi et de croissance qu’elle représente. P.Aghion affirme qu’il faut reformer la politique de concurrence pour bénéficier de cette révolution numérique. En effet, des études récentes ont montré qu’aux Etats-Unis, quelques méga-entreprises (les Gafam), ont profité de la révolution numérique pour acquérir des positions dominantes dans la plupart des secteurs de l’économie grâce à des fusions-acquisitions non régulées. Cette situation a fini par décourager l’entrée de nouvelles firmes innovantes, ce qui a entraîné un déclin de la croissance américaine.

Les autorités de la concurrence peuvent intervenir pour empêcher la création de monopoles et de positions dominantes en appliquant des règles antitrust plus strictes. La Standard Oil de Rockefeller n’a pu être démantelée uniquement grâce à des régulations anti-trust. Cela peut inclure des enquêtes sur les pratiques anticoncurrentielles, des restrictions sur les fusions et acquisitions qui pourraient conduire à une concentration excessive du pouvoir, et des amendes ou des sanctions pour les entreprises qui enfreignent les règles.

Ensuite il est nécessaire de promouvoir l’innovation. Les gouvernements peuvent soutenir les start-ups et les petites entreprises en offrant des incitations fiscales, des subventions et un accès facilité au financement. De plus, promouvoir un environnement concurrentiel sain en encourageant l’entrée de nouveaux acteurs sur le marché peut limiter la domination d’un seul joueur.

Lire plus : Concurrence pure et parfaite : La déconstruction d’un mythe

 

Pour conclure, la théorie du « Winner Takes All » est une réalité persistante depuis des siècles. Des exemples historiques tels que Rockefeller et la Standard Oil, ou l’émergence des GAFAM, illustrent comment certains acteurs parviennent à dominer leurs marchés et à en tirer tous les bénéfices.

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Damien Copitet
Je suis étudiant à SKEMA BS après deux années de classe préparatoire au lycée Gaston Berger (Lille). Nous nous retrouvons toutes les semaines pour l'actualité en bref