L’Afrique du Sud occupe aujourd’hui une place centrale sur la scène africaine et internationale. En tant que membre des BRICS, ce pays joue un rôle majeur dans les échanges économiques mondiaux, tout en s’imposant comme une puissance diplomatique incontournable sur le continent. Cependant, ce statut enviable contraste fortement avec son passé tumultueux. L’histoire sud-africaine a été marquée par des conflits violents, des inégalités raciales institutionnalisées et un isolement prolongé dû à l’apartheid.
De la guerre des Boers à la fin du XXe siècle, le pays a traversé des périodes de domination coloniale, d’instabilité politique et d’exclusion internationale avant d’opérer une transition spectaculaire vers la démocratie en 1994. Comment l’Afrique du Sud est-elle passée d’un espace contesté et fragmenté, soumis à l’opprobre mondial, à une puissance régionale respectée et influente ?
Pour répondre à cette question, nous analyserons dans un premier temps les bases historiques posées entre la guerre des Boers et la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ensuite, nous étudierons la radicalisation politique de l’après-guerre et l’impact de l’apartheid. Enfin, nous examinerons la transition démocratique amorcée à la fin de la Guerre froide et les défis contemporains auxquels le pays fait face.
De la guerre des Boers à 1947 : Les fondations d’un espace stratégique et inégalitaire
L’Afrique du Sud s’impose rapidement comme un espace économique stratégique grâce à ses richesses naturelles. La découverte de mines d’or et de diamants, particulièrement dans la région de Johannesburg, attire les convoitises internationales. Le pays dispose également de vastes ressources en charbon et d’une agriculture structurée, héritage des Boers, descendants des colons néerlandais.
Située au carrefour des routes maritimes, l’Afrique du Sud est un point de ravitaillement clé. Le port du Cap devient une étape essentielle pour les navires empruntant la route des Indes avant l’ouverture du canal de Suez en 1869. Initialement conçu comme un simple comptoir par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, le Cap acquiert une importance croissante, attisant les rivalités coloniales.
L’arrivée des Britanniques provoque des affrontements avec les Boers, qui refusent leur domination. Deux guerres éclatent, notamment celle de 1899-1902, après la découverte d’importants gisements d’or. Ces conflits aboutissent à la victoire britannique et à la création de l’Union sud-africaine en 1910, un dominion sous contrôle britannique. L’Afrique du Sud accède à l’indépendance complète en 1961, rompant avec la monarchie.
Durant la Première Guerre mondiale, le pays soutient l’Empire britannique, malgré l’opposition de certains Boers. Les tensions sociales s’accentuent également. Gandhi, qui étudie le droit en Afrique du Sud, y prend conscience des inégalités raciales, entre Noirs, Blancs et métis, qui structurent déjà la société.
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Après 1945 : Radicalisation et isolement international
En 1948, l’instauration officielle de l’apartheid, un système ségrégationniste institutionnalisé, plonge le pays dans l’opprobre international. Bien que critiquée par l’ONU et d’autres nations, l’Afrique du Sud bénéficie d’une certaine tolérance liée au contexte de la Guerre froide.
Le régime sud-africain soutient activement les mouvements anti-marxistes dans la région, renforçant son rôle de “gendarme” en Afrique australe. Parallèlement, la création des bantoustans, des zones réservées aux populations noires, permet au gouvernement de maintenir un contrôle strict sur la majorité noire tout en minimisant les pressions internationales. Malgré son isolement croissant, l’Afrique du Sud bénéficie de soutiens, notamment celui de Margaret Thatcher au Royaume-Uni. Ce soutien, combiné à des alliances stratégiques, comme avec la Rhodésie du Sud, permet au régime de perdurer.
Depuis la fin de la Guerre froide : Réconciliation et nouveaux défis
La fin de la Guerre froide marque un tournant majeur. Sous la présidence de Frederik de Klerk, des négociations avec l’ANC aboutissent à la fin de l’apartheid en 1989. Nelson Mandela, figure emblématique de la lutte contre le régime, est libéré après 27 ans de prison. Desmond Tutu, archevêque du Cap, joue également un rôle clé dans la mobilisation pour la réconciliation nationale. En 1994, Nelson Mandela devient le premier président noir de l’Afrique du Sud, marquant la transition vers une démocratie multiraciale. Pour favoriser la réconciliation, la Commission vérité et réconciliation, dirigée par Desmond Tutu, est créée en 1995. Ses travaux, fondés sur l’écoute des victimes et des bourreaux, deviennent un modèle international pour la gestion des traumatismes collectifs. Malgré cette transition, l’Afrique du Sud reste confrontée à de nombreux défis. L’épidémie de sida, d’abord minimisée par les autorités, touche durement la population. Les violences et les inégalités économiques persistent, faisant de l’Afrique du Sud l’un des pays les plus inégalitaires au monde.
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Conclusion
L’histoire de l’Afrique du Sud, de la guerre des Boers à l’élection de Mandela, illustre une transformation profonde, ce qui rend ce pays unique en son genre. Marquée par les luttes coloniales comme l’apartheid et une transition démocratique unique, elle s’affirme aujourd’hui comme une puissance régionale. Cependant, le pays reste confronté à de nombreux défis, notamment économiques et sociaux, qui témoignent de l’héritage complexe de son passé.