« Notre monde change comme jamais auparavant, l’essor collectif des pays en développement est irréversible. L’avènement d’un siècle asiatique et africain n’est pas un rêve distant ». Ces paroles, prononcées par le ministre des Affaires Étrangères chinois lors d’un déplacement sur le continent africain en 2023, sont le reflet d’un nouvel afro-optimisme, qui semble saisir de nombreux acteurs économiques de notre société actuelle. L’Afrique, si souvent assimilée au continent de la pauvreté, de la corruption et de la guerre, apparaît aujourd’hui comme un nouvel eldorado dans de multiples domaines.
Alors que l’attention actuelle en géopolitique semble être principalement focalisée sur le conflit ukrainien et l’escalade des violences au Moyen-Orient, nous allons explorer une tendance moins médiatisée : le décollage d’un continent au sein duquel la possibilité d’une panne de carburant n’est pas écartée.
Une ruée vers l’Afrique justifiée dans le contexte actuel
Il fut un temps où les grandes puissances s’affrontaient dans l’optique de posséder des territoires entiers sur le continent africain. Presque 2 siècles plus tard, dans une société ayant évolué à travers une géopolitique devenue la source de mutations profondes, ces mêmes puissances se retrouvent au cœur de véritables luttes d’influences pour séduire et convaincre les 54 Etats composant le territoire africain. Il s’agit d’une évolution flagrante du rapport entre les Etats avec un unique point commun : les grandes puissances veulent toutes « leur place au soleil » pour reprendre les mots énoncés par Guillaume II.
De Gaulle et sa mythique formulation « Les Etats n’ont pas d’amis mais que des intérêts » paraît comme un fondement des relations unissant actuellement les Etats africains et leurs candidats. En effet, les intérêts sont aujourd’hui multiples : économique, démographique, sécuritaire et même écologique… Il faut dire qu’une rapide analyse du climat africain fait état d’une majorité de zones chaudes, traduisant un immense potentiel d’utilisation des panneaux solaires et donc d’investissements possibles. Illustrons ces propos à l’aide de l’avènement du Plan solaire marocain ayant entraîné des investissements qui se chiffrent en plusieurs milliards de dirhams. Ces derniers ont été réalisés par des investisseurs nationaux et internationaux.
De surcroît, il paraît pertinent de s’intéresser à l’intérêt économique grandissant. Au-delà des matières premières et stratégiques présentes en masse au sein des terres africaines, nous allons porter une réflexion particulière afin de déterminer les causes d’une hausse de l’intérêt économique pour les Etats demeurant actuellement dans un processus de remontée de filière.
Pour comprendre ce fléau, il est primordial replonger dans le passé. En effet, l’accélération du processus de mondialisation après la guerre froide a laissé place à une hausse des investissements et partenariats économiques avec les pays d’indopacifique. Or, cette tendance se trouve être en pleine mutation. Dans un contexte où la hausse des salaires en Chine n’est plus un simple mythe, les investisseurs sont en quête de nouvelles alternatives. C’est donc, en ce sens, que le continent africain entre dans l’équation avec, évidemment, des destinations plus attrayantes que d’autres : l’Ethiopie semble répondre aux attentes par l’intermédiaire d’un plan ayant pour objectif de devenir un leader du textile. Il est à constater aujourd’hui que la main-d’œuvre éthiopienne est six fois moins chère que celle en provenance de l’Empire du Milieu. Dans une pure rationalité économique, le choix des agents se porte donc naturellement vers le continent africain.
Un afro-optimisme trop optimiste ? Lorsque les conflits sapent le décollage…
En parallèle d’une formation soudaine de cet eldorado, la fameuse image de l’Afrique assimilée à la violence, la guerre et la corruption, ne s’est néanmoins pas effacée. Alors, réside un paradoxe saisissant.
Pour mieux interpréter ce fait, intéressons-nous au cas éthiopien abordé brièvement lors de l’explication d’un intérêt économique grandissant. D’un côté, l’Etat Ethiopien voit son PIB augmenter et réalise des partenariats avec les Etats Unis afin d’exporter, sans frais, son textile sur le continent américain. D’un autre côté, la guerre au Tigré, ses centaines de milliers de victimes, 600 000 selon l’Union africaine (UA) et les crimes contre l’humanité qui auraient été commis dans cette région du nord de l’Ethiopie. Ce conflit est le résultat des ambitions de son premier ministre Abiy Ahmed, décidé, dès son arrivée au pouvoir, à mener une guerre sanglante face à la région du Tigré imprégnée par le désir assouvi de mener une véritable sécession.
Cette situation paradoxale n’est pas un cas isolé, au contraire. Il est fondamental d’évoquer un climat de crainte et de violence : dans au moins 15 conflits armés, notamment en République démocratique du Congo, au Cameroun, en Éthiopie, au Mozambique, au Mali, au Burkina Faso et au Soudan du Sud, les forces gouvernementales ou des groupes armés non-étatiques ont été impliqués dans des abus à l’encontre de civils. Nous pourrions aussi évoquer la présence de fausses transitions démocratiques car l’Afrique possède un triste record : celui du plus grand nombre de constitutions modifiées afin d’augmenter le nombre de mandats possible pouvant être effectués par le président au pouvoir.
Les situations évoquées sont-elles vraiment compatibles avec le récit d’un continent en plein décollage ? Cela ne risque-t-il pas, au contraire, de repousser les investissements et les intérêts profonds des Etats du monde entier ? Aujourd’hui, aucun individu ne peut se vanter d’avoir les réponses à ces questionnements. L’Afrique avance dans le flou, au rythme de ses ambitions…
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