Le 5 août 2023, l’avocat franco-espagnol Juan Branco est arrêté puis expulsé du territoire par les autorités sénégalaises pour avoir traversé clandestinement la frontière du pays. Néanmoins, derrière une arrestation aux allures légales, semblent se cacher les signes d’un virage autoritaire, aussi bien du gouvernement sénégalais que de l’Afrique en général.
Récapitulatif des faits de l’arrestation de Juan Branco
Juan Branco, 31 ans, est un avocat franco-espagnol connu pour ses positions politiques populistes et révolutionnaires. Il s’est fait un nom en défendant plusieurs figures de la gauche mondiale, dont Julian Assange (fondateur du site WikiLeaks), Piotr Pavlenski (activiste russe connu pour avoir fait fuiter la sextape du politicien français Benjamin Griveaux) ou encore Jean-Luc Mélenchon dans l’affaire “AOS”.
Au Sénégal, ce dernier est populaire pour être l’un des principaux avocats de l’opposant au pouvoir, Ousmane Sonko. Cet homme politique est apprécié par le peuple sénégalais pour ses opinions anti-occidentales et patriotiques. Accusé de “corruption de la jeunesse” suite à une série d’émeutes ayant secoué le pays depuis 2 ans, Ousmane Sonko a été condamné à 2 ans d’emprisonnement.
À l’annonce de la condamnation, Juan Branco a décidé de saisir la Cour pénale internationale (CPI) contre le président actuel, Macky Sall, pour “crime contre l’humanité”. L’avocat se considère ainsi victime selon lui d’une “persécution politique” perpétrée par le pouvoir en place, expliquant par cela sa condamnation. D’un autre côté, le ministre de l’intérieur sénégalais, Antoine Abdoulaye Félix Diome, a annoncé que “l’avocat [Juan Branco] qui était venu ici pour dénigrer nos institutions est entre les mains de la BIP [la brigade d’intervention polyvalente, une unité de police]”. Le gouvernement sénégalais semble ainsi considérer cette arrestation comme un moyen de rétablir l’ordre dans le pays et non pas un autodafé, comme le laissent à penser les soutiens à M. Branco.
Arrestation de Juan Branco : vers un tournant autoritaire de l’Afrique ?
Avant tout, l’affaire met en évidence le tournant autoritaire du gouvernement sénégalais. Le chef d’accusation à l’encontre de l’opposant Ousmane Sonko (“corruption de la jeunesse”) est assez flou pour ne pas paraître frauduleux. On peut ainsi supposer que ceci est un moyen pour évincer le candidat de l’élection présidentielle qui est censée se tenir en 2024. Ousmane Sonko apparaît en tête de liste des candidats ayant le plus de chances d’être élu.
En outre, on peut voir de manière plus générale que ce tournant autoritaire semble se prolonger également à une large partie de l’Afrique. Dans l’actualité récente, on a par exemple eu le cas du coup d’État au Niger dans lequel le président “démocratiquement élu” Mohamed Bazoum a été renversé par un groupe militaire putschiste, dont les propositions politiques laissent craindre à une nouvelle “décennie du chaos” (Sylvie Brunel) pour le continent.
Tout ceci peut s’expliquer en partie par l’influence chinoise (et dans une mesure plus large russe) sur l’Afrique. Le modèle chinois, que Jean-Pierre Cabestan surnomme “l’équilibre autoritaire chinois” (Selon Cabestan, le PCC a 3 légitimités : sécurité, croissance et nationalisme. Il obtient dès lors la concession du peuple au détriment de ses libertés fondamentales en échange d’une prospérité commune et assurée), apparaît comme une solution aux problèmes endémiques du continent. La Chine a prouvé que son modèle lui permettait d’avoir une grande prospérité, une puissance à l’international et surtout l’adhésion de son peuple. Le gouvernement chinois réussit ainsi à s’affirmer alors que le pays était encore sous-développé. Les pays africains voient dans ce modèle une alternative viable au modèle néo-colonialiste occidental qui les empêche de se développer.
En conclusion, certes l’arrestation et l’expulsion de l’avocat Juan Branco peut apparaître comme un fait anodin et même justifié au vu du fait qu’il a pu traverser la frontière illégalement. Néanmoins, celle-ci semble en fait cacher un virage autoritaire du gouvernement sénégalais. Un tel tournant politique semble s’étendre à l’Afrique, mettant ainsi en évidence l’influence qu’a le modèle chinois sur le continent.