Ce lundi 1er janvier 2024, les BRICS sont devenus les BRICS+, officialisant l’entrée de 5 nouveaux membres : l’Iran, l’Égypte, l’Éthiopie, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Cette décision, prise suite au 15e sommet des BRICS entre les 20 et 22 aout 2023, n’a pourtant pas fait l’unanimité : l’Argentine de Javier Milei a finalement décidé de se retirer du projet d’adhésion. C’est donc l’occasion de revenir sur l’histoire des BRICS, sur leurs forces, leurs failles et leurs perspectives d’avenir.
L’Histoire des BRICS
Jim O’Neill, alors économiste chez Goldman Sachs, invente l’acronyme BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) en 2001, en publiant son article ” Building Better Global Economic BRICs “ dans lequel il souligne le développement, la croissance rapide et le dynamisme de ces nouvelles économies émergentes. C’est qu’entre 2000 et 2008, la croissance de ces pays était alors nettement supérieure à celle des économies occidentales.
Le groupe devient formel en 2009 avec la tenue du premier sommet des BRIC. Il est ensuite rejoint par l’Afrique du Sud en 2011 et devient alors BRICS.
Aujourd’hui, ils sont un groupe incontournable de l’échiquier mondial. Ensemble (avant l’élargissement), ils représentaient 26% du PIB mondial (Produit Intérieur Brut) et 42% de la population mondiale.
De vraies forces et réalisations du groupe
Suite au sommet de 2023, Cyril Ramaphosa déclare qu’une quarantaine de pays souhaiteraient rejoindre les BRICS, dont 22 officiellement (Kazakhstan, Iran, Cuba…). L’attractivité du groupe n’est donc pas négociable, en témoigne l’élargissement de ce dernier évoqué en introduction. D’abord 4, puis 5, ils sont aujourd’hui passés à 10.
Ces élargissements témoignent de la volonté des BRICS de s’imposer sur la scène internationale en tant qu’alternative voire en tant que concurrent direct à l’Occident et aux États-Unis. Ils souhaiteraient se poser comme leaders des Suds et des émergents. Ils militent ainsi pour un ordre mondial plus équitable et une meilleure représentation des économies émergentes dans les institutions internationales.
Laurence Daziano, enseignante à Sciences Po, explique que, dans le passage des BRICS aux BRICS+, “le but est de faire un contrepoids à l’ordre mondial”
La première grande réalisation du groupe en ce sens est la fondation en 2015 de la banque des BRICS ou Nouvelle Banque de Développement, qui se veut une alternative au FMI (Fonds Monétaire International) et à la Banque Mondiale. C’est qu’à eux tous (avant élargissement), les BRICS ne représentaient que 15% des voix du FMI, alors même qu’ils comptent pour 1/4 de l’économie mondiale…
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Mais les BRICS restent un groupe hétérogène aux nombreuses failles et limites
Cependant, comme évoqué en introduction, l’Argentine a finalement décidé de revenir sur sa décision d’intégrer le groupe pourtant prise six mois plus tôt. Pourquoi les BRICS n’ont-ils pas su séduire la seconde économie latinoaméricaine ? Le nouveau président argentin, le libéral Javier Milei, justifie cela par un refus “d’encourager des contrats avec les communistes parce qu’ils ne respectent pas les bases du libre-échange, la liberté et la démocratie”. L’opposition faite par Javier Milei entre des BRICS communistes et un Occident démocratique est ici claire : les BRICS cherchent à prendre un tournant géopolitique assumé et incarnent de plus en plus l’affrontement de deux modèles opposés, ce qui freine des pays proches de l’Occident et des Etats-Unis.
Surtout, le 15 septembre 2021, dans une interview faite au Monde, Jim O’Neill revient sur sa création et déclare que selon lui, les BRICS devraient aujourd’hui être appelés IC. En effet, si ces économies émergentes faisaient toutes preuves d’un développement impressionnant entre 2000 et 2008, leur dynamisme s’est trouvé fortement impacté par la crise de 2008. Selon l’économiste, seules l’Inde et la Chine ont réussi à conserver une croissance soutenable, et méritent de continuer à représenter le groupe.
Notons aussi que les BRICS restent un groupe assez hétérogène : si les BRICS représentaient 26% du PIB mondial, la Chine y pesait pour 18% ; les Émirats Arabes Unis sont classés 26e à l’IDH tandis que l’Éthiopie occupe la 175e position du classement…
Dernier exemple, la Chine et la Russie étaient largement en faveur de l’intégration des nouveaux membres afin d’élargir leur influence. L’Inde, quant à elle, se montrait beaucoup plus méfiante de peur de voir son rayonnement sapé par celui de l’empire du milieu. Ainsi les intentions et les prétentions du groupe divergent : il n’y a pas une voix mais plusieurs voix des BRICS.
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Ainsi, quelles perspectives pour les BRICS+ ?
Dès lors, que reste-t-il des BRICS ? Si la croissance du groupe n’est plus ce qu’elle était, force est de constater que celui-ci reste très attractif et continue à faire parler de lui. Le groupe, au delà d’un ensemble de pays dans lesquels il faut investir, comme le voyait initialement Jim O’Neill est aujourd’hui avant tout devenu un forum de discussion, une voix des pays émergents, l’espoir d’une alternative à l’ordre établi.
Grâce à cet élargissement, les BRICS+ représenteront désormais 29% du PIB et 46% de la population mondiale : pourront-ils devenir une réelle puissance ? Jusqu’où l’intégration et l’approfondissement du groupe pourra-t-elle aller ? Surtout, le groupe va acquérir une puissance pétrolière significative grâce à l’arrivée de l’Arabie Saoudite, des Émirats arabes unis et de l’Iran, comment va-t-il l’utiliser ?
Le 23 aout 2023, dans un discours à l’occasion de l’ouverture du sommet, Xi Jinping déclarait “Les BRICS doivent œuvrer en faveur du multilatéralisme et ne pas créer de petits blocs. Nous devons intégrer davantage de pays dans la famille des Brics.” Reste à voir s’ils sauront réimpulser le multilatéralisme ou bien en créer un nouveau.