Entreprise zombie ? Un terme surprenant, n’est-ce pas ? Mais de quoi parle-t-on concrètement ? Tentons de les comprendre..
Vous connaissez sans doute les objectifs d’une entreprise à but lucratif, à savoir la rentabilité, l’utilisation efficiente du capital (humain ou autre), l’expansion. Une entreprise zombie (EZ) est une entreprise qui ne parvient à atteindre aucun de ces critères, elle est inefficace, endettée et elle bénéficie de subventions afin de ne pas mettre la clé sous la porte.
Ce dernier point est particulièrement problématique pour les pouvoirs publics, d’autant plus lorsque l’on découvre que ces EZ se multiplient à vitesse grand V, à tel point qu’une nouvelle génération émerge en France et en Europe.
La BRI (Banque des Règlements Internationaux) a réalisé un rapport fin 2018 sur le sujet : la proportion d’entreprises zombies est passée de 1 % en 1990 à 12 % en 2015, elle pourrait atteindre 16% en 2022.
Quelles sont les causes d’une telle prolifération d’entreprises « zombies »
Cette multiplication s’expliquait par la présence de taux d’intérêts très faibles et intéressant. Jusqu’à il y a encore quelques semaines, ces taux permettaient un fort taux d’endettement, c’est ce surendettement qui permettait la survie de l’entreprise zombie (qui s’endettait pour rembourser les dettes précédentes..).
De plus, le prêt garanti par l’Etat et le fameux « quoi qu’il en coûte » pourrait à court et moyen terme être dévastateur puisque l’on remarque un fait paradoxal : la crise Covid a fait diminuer le nombre d’entreprises défaillantes (de 60 000 en 2018 à 27 000 en 2021 selon l’INSEE). Cela s’explique par les aides distribuées, qui ont permis de réduire l’impact des dettes. Mais la menace de défauts de paiement dans le futur est réelle. On constate d’ores et déjà que les premières demandes de différés ont été envoyées auprès des banques commerciales.
C’est ainsi qu’un système bancaire trop complaisant, c’est-à-dire qui continue de prêter à des entreprises déficitaires afin de ne pas enregistrer de pertes, comme au Japon par exemple, rend propice l’apparition de ces entreprises fragiles, et ne permet absolument pas leur disparition, mais leur pérennité !
Cette zombification de l’économie représente en ce sens un problème, dans la mesure où les entreprises la composant monopolisent une partie du capital, bénéficient d’une part non négligeable des subventions et freinent ainsi l’innovation, et la croissance en général. Leur coût financier a été calculé en Belgique, un pays dont 10% des entreprises sont considérées comme zombies, le coût en subventions s’élève à plus de 5 milliards/an selon la BNB, soit 1% du PIB national !
Ces entreprises “zombies” nuisent ainsi à l’économie parce qu’elles freinent la croissance des sociétés plus efficaces, qui auraient fait un usage plus efficient des machines, des RH, des subventions..
Pourquoi les entreprises « zombies » sont un problème
Le concept d’entreprise zombie remet en question une thèse phare de Joseph Schumpeter, qui est de moins en moins une réalité aujourd’hui : la création destructrice. C’est le phénomène par lequel les entreprises ayant un bilan mauvais finissent par être remplacées naturellement par des entreprises plus efficientes, rentables et innovantes. Ainsi, le danger est, quand surprotégeant les EZ, les pouvoirs publics évincent les entreprises profitables source de croissance économique, qui ne pourraient donc pas bénéficier des aides de l’état, déjà captées par les EZ.
En ce sens, les dépenses publiques des états ne seraient donc pas versées dans un objectif de soutenir la croissance, mais plutôt des emplois (ceux des EZ).
Dilemme
Néanmoins, notons qu’il reste difficile pour l’état de détecter les EZ des entreprises en difficultés transitoire, surtout dans une période de reprise post crise. Il pourrait alors être pertinent de proposer la création de critères strictes permettant de différencier ces deux types de situations, un nombre d’années minimal de non-profitabilité ou un plafond de subventions perçues
C’est ce qu’a annoncé fin 2019 le ministère de l’Économie, avec le déploiement sur tout le territoire d’un outil basé sur l’intelligence artificielle qui aurait la capacité de détecter le plus tôt possible les difficultés d’une entreprise. Un outil qui n’a pas encore vu le jour trois années et une crise plus tard..
Enfin, il s’agit là pour l’état d’accepter soit un maintien d’emplois couplé à un ralentissement de la croissance (car les EZ n’innovent pas), soit privilégier la croissance en acceptant une flexibilité accrue du salarié, mesure peu populaire auprès de l’opinion publique.
Conclusion
Dans un futur proche, les entreprises zombies pourraient être plus que jamais en danger. En effet, l’annonce par la BCE d’une augmentation de son principal taux d’intérêt (de 0% à 0.5%) fait naître une nouvelle peur, celle du poids de la dette. Les EZ ne pourront plus s’endetter comme avant, puisque le coût du crédit sera plus élevé.
Ainsi, les perspectives économiques induites par cette hausse de taux intérêts nous amènent à comprendre que les EZ ne survivront plus aussi facilement qu’auparavant. Si tel est le cas, la création destructrice signerait, peut-être, son grand retour.