L’Espagne est un pays confronté à une sécheresse exceptionnelle depuis 2021. Des mesures audacieuses sont prises pour remédier au manque d’eau chronique exacerbé par le réchauffement climatique. Un investissement massif de près de 12 milliards d’euros d’ici 2027 est prévu. Il sera principalement dirigé vers le développement d’infrastructures de désalinisation et de réutilisation des eaux usées.
Vers une révolution hydrique espagnole ?
Les ministères de la Transition écologique et de l’Agriculture mettent en avant l’investissement public comme un élément clé pour faire face à cette crise. Outre les 12 milliards d’euros déjà alloués, un montant supplémentaire de 3 milliards d’euros sera mis en place. Ce montant est destiné à encourager l’adoption des nouvelles technologies, du “big data” et de l’intelligence artificielle dans la gestion de l’eau.
Ces initiatives, dévoilées dans un rapport gouvernemental, visent à améliorer le système de canalisations pour réduire les déperditions. Les autorités espagnoles reconnaissent la gravité de la situation. Elles soulignent que le pays est dans une position de plus grande vulnérabilité par rapport à d’autres États membres de l’UE en raison de l’urgence climatique.
Depuis 2021, en été, environ 27% du territoire espagnol est en état d’alerte en raison du manque d’eau, affectant significativement la production agricole. Le ministre de l’Agriculture, Luis Planas, prévoit une chute de la production cette année en raison du déficit de précipitations.
L’ambition de la gestion hydrique positionne l’Espagne en tant que pays pionnier dans la gestion de la crise hydrique liée au changement climatique. Elle souligne la nécessité d’une réponse ferme et efficace des autorités. Un investissement substantiel dans des solutions innovantes est attendu pour garantir l’approvisionnement en eau et atténuer les conséquences sur l’agriculture et d’autres secteurs critiques.
Lire plus : L’eau, nouveau nerf de la guerre ?
L’épineuse quête d’une gestion hydrique durable
En mai 2023, l’Espagne est en période d’élections (municipales et régionales) et confrontée à une sécheresse historique. Les tensions autour de l’accès à l’eau, une ressource de plus en plus précieuse, parfois appelée « or bleu » persistent. Les prévisions indiquent une augmentation de la chaleur et une diminution des ressources en eau. Il y a un réel risque de désertification pour les 3/4 du territoire espagnol.
Malgré ces défis, les programmes politiques ne semblent pas prêts à aborder sérieusement la nécessité de transformer le système espagnol face à cette crise climatique. Les grands partis continuent de privilégier les grandes infrastructures telles que barrages, et usines de désalinisation. Ces projets évitent le débat crucial sur la nécessité de réduire la consommation d’eau dans un contexte de ressources en diminution.
Le gouvernement de gauche a, cette année, débloqué un plan de 2,19 milliards d’euros, orientant une part importante vers la construction d’infrastructures pour augmenter la réutilisation des eaux usées ou désaliniser l’eau de mer. Cependant, des experts soulignent que cette approche pourrait ne pas suffire à compenser la baisse attendue des ressources hydriques.
Cette inertie politique persistante contraste avec une prise de conscience croissante de l’urgence climatique. Bien que les plans hydrologiques reconnaissent l’impact du changement climatique, le défi de réduire la demande d’eau n’est pas abordé.
L’agriculture au cœur des débats
L’agriculture, qui consomme 80 % de l’eau en Espagne, est au cœur de cette réticence politique. Remettre en question le modèle agricole espagnol, premier producteur et exportateur de fruits et légumes de l’UE, serait politiquement risqué.
Les partis de droite, tels que le Parti populaire, se positionnent comme défenseurs du monde agricole. L’extrême droite, représentée par le parti Vox, minimise quant-à elle les problèmes liés au changement climatique.
Cette tension politique se manifeste également dans des initiatives telles que le projet de loi controversé autour du parc national de Doñana en Andalousie. Menacé par la surexploitation de la nappe phréatique pour l’irrigation intensive des cultures, ce site classé au patrimoine mondial de l’Unesco est au centre d’un débat politique polarisé entre gauche et droite, illustrant les défis de concilier intérêts économiques et environnementaux.
Pour conclure, le défi pour les dirigeants espagnols est de concilier la nécessité d’actions immédiates avec une vision à long terme pour une gestion durable de l’eau. Face à la sécheresse, des solutions à court terme sont pourtant privilégiées.
Lire plus : En Italie, l’eau, un bien précieux gaspillé ?