La mondialisation, entendue comme l’intégration économique croissante à l’échelle mondiale, a suscité une multitude de critiques et contestations depuis les années 1990.
Ces contestations sont particulièrement centrées sur les effets inégalitaires, les crises financières récurrentes, la dégradation environnementale et l’uniformisation culturelle qu’elle engendre. Bien que les effets néfastes soient souvent reconnus, les réformes de grande ampleur n’ont pas suivi, renforçant le sentiment d’absence d’alternatives viables au modèle actuel.
Critiques des inégalités et de la dérégulation
La mondialisation libérale, fondée sur la dérégulation économique et commerciale depuis les années 1980, a été dès le début marquée par des inégalités croissantes, accentuées par les crises économiques. La « courbe en éléphant » de Branko Milanovic illustre cette distribution inégalitaire des richesses : si les pays émergents en ont bénéficié, les classes moyennes des pays développés ont vu leur niveau de vie stagner ou décliner, tandis que le 1 % le plus riche concentre 40 % de la richesse mondiale.
En parallèle, la dérégulation accrue a favorisé l’instabilité du système financier mondial, conduisant à des crises coûteuses, notamment celle de 2008, qui a eu de lourdes répercussions sociales et économiques pour les populations. Cette hypermondialisation, souvent perçue comme incontrôlable, est accusée de mettre en péril les fondements mêmes de la démocratie.
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Destruction environnementale et uniformisation culturelle
La critique écologique est devenue centrale avec l’accélération de la déforestation, le changement climatique et la pollution générée par une production mondialisée. En outre, la mondialisation est souvent vue comme une force uniformisatrice, nuisant à la diversité culturelle. Selon Sylvie Brunel, la « disneylandisation » du monde se manifeste par l’exploitation de la nature pour le tourisme, aux dépens des intérêts locaux. L’essor d’un tourisme de masse et la création de parcs naturels pour les touristes étrangers, dénoncée comme une forme de « colonialisme vert » par Guillaume Blanc, alimentent l’image d’une mondialisation détruisant autant l’environnement que les cultures locales.
Mouvements de contestation idéologique : de l’antimondialisme à l’altermondialisme
Les premières contestations idéologiques de la mondialisation libérale se sont cristallisées dès les années 1980 et ont évolué vers le mouvement altermondialiste dans les années 1990. Ces militants revendiquent une « autre mondialisation », plus équitable et démocratique, soucieuse des biens communs et des droits humains. La formation de forums sociaux mondiaux, tels que celui de Porto Alegre, a mis en avant des alternatives politiques, même si ce mouvement a perdu de son influence à partir des années 2010, malgré une force de proposition indéniable.
Contestation sociale et populisme
Dans les années 2010, la critique de la mondialisation s’est élargie pour inclure des mouvements populistes et souverainistes, qui rejettent une mondialisation perçue comme menaçante pour les identités nationales et l’autonomie économique. En Europe et aux États-Unis, ces mouvements politiques expriment la désillusion vis-à-vis du libre-échange, vu comme favorable aux grandes entreprises au détriment des citoyens.
Par ailleurs, les inégalités engendrées par la mondialisation ont également conduit à des protestations sociales massives, illustrées par le mouvement des « gilets jaunes » en France, le « hirak » en Algérie, et d’autres manifestations dans le monde. Bertrand Badie a qualifié ces mobilisations d’« acte II de la mondialisation », signalant une rupture dans la confiance envers les élites politiques et économiques.
La réponse des États : protectionnisme et souveraineté
Les États eux-mêmes, promoteurs de la mondialisation depuis les années 1980, perçoivent désormais celle-ci comme une menace pour leur souveraineté. Cette remise en question s’exprime dans les nouveaux enjeux de la négociation commerciale, la concurrence internationale dans des secteurs stratégiques, la dépendance énergétique et alimentaire, ainsi que la désorganisation des chaînes d’approvisionnement.
La pandémie de Covid-19 a souligné les risques sanitaires et économiques de la mondialisation, incitant les gouvernements à adopter des mesures protectionnistes et à relocaliser certaines industries. Par conséquent, un discours favorisant un « État protecteur » s’est imposé, visant une autonomie accrue des pays en matière de biens stratégiques et une régulation renforcée des échanges.
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Une mondialisation partiellement transformée
Face aux critiques, la mondialisation actuelle est davantage régulée qu’auparavant. Des initiatives pour une mondialisation plus inclusive et durable ont vu le jour, avec la participation accrue d’organisations internationales et d’ONG. Par exemple, l’UE a proposé en 2021 d’interdire les produits favorisant la déforestation, illustrant un effort pour protéger les populations locales et l’environnement. Dans le domaine financier, des régulations post-crise de 2008 visent à prévenir de futures crises économiques. La crise du Covid-19 a aussi entraîné un retour de l’intervention étatique, avec des politiques d’aide financière comme le plan Biden aux États-Unis et le « quoi qu’il en coûte » d’Emmanuel Macron.
Mondialisation libérale et dépendance des pays en développement
Malgré les critiques, la mondialisation reste bénéfique pour les pays en développement, permettant à des millions de personnes de sortir de la pauvreté. L’Inde, la Chine et le Brésil, entre autres, ont amélioré leurs conditions de vie et réduit la faim grâce aux échanges mondiaux. Toutefois, l’idée de revenir à une souveraineté totale est souvent perçue comme irréaliste : certaines importations sont irremplaçables, et leur substitution par une production nationale pourrait pénaliser la compétitivité et nuire aux consommateurs.
Conclusion
Bien que la mondialisation ait subi des ajustements et une régulation accrue, ses fondements libéraux restent inchangés, surtout dans le secteur financier. Le surendettement et les bulles financières persistent, et peu d’actions globales concrètes sont entreprises pour contrer le réchauffement climatique, en partie à cause de l’influence des lobbys et des priorités de croissance des pays émergents. Ainsi, une remise en question majeure du modèle libéral de la mondialisation semble nécessiter une nouvelle crise d’envergure, qui pourrait accélérer des réformes structurelles plus profondes.
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