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La culture en philosophie : les thèses et idées à connaître

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La culture est un thème large en philosophie. Omniprésente dans notre société, elle est ce qui façonne le monde dans lequel nous vivons. C’est aussi la culture qui influence notre perception, la vision qu’on a de celui-ci. Ainsi, il semble intéressant de passer en revue certaines des idées les plus fondamentales à son sujet.

 

Traduction œcuménique de la Bible : l’homme est fait pour dominer la nature

On commence d’abord par un texte ancien. L’étude de la Bible est intéressante en philosophie sur de nombreux sujets. En effet, ce texte est fondateur de nos valeurs morales et de notre culture. Il y a beaucoup à analyser dans ces écrits. Selon eux, l’homme aurait été créé à l’image de Dieu afin de dominer toutes les créatures. L’homme est défini comme maître sur Terre (ici équivalent de Monde). “Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez-la.” est-il écrit de manière injonctive dans la Bible. Le monde a été fait pour l’homme en vue de sa domination. Ici s’observe les prémices de l’idée d’une supériorité de la culture sur la nature. 

 

FREUD, L’Avenir d’une illusion : la civilisation se dresse contre l’individu

Dans un extrait de cet ouvrage, Freud explique en quoi la culture, faite pour l’homme, doit se défendre contre lui. “La culture humaine comprend tout le savoir et le pouvoir qu’ont acquis les hommes afin de maîtriser les forces de la nature [et] toutes les dispositions nécessaires pour régler les rapports des hommes entre eux”. La culture humaine regroupe l’ensemble des moyens de maîtriser la nature et des règles régissant les rapports humains. Ces deux orientations de la culture sont interdépendantes et renvoient toutes deux à l’intérêt de l’humanité, lequel est mal supporté par l’individu. “La civilisation doit ainsi être défendue contre l’individu”, contre le naturel, le caractère primaire de l’homme.

 

LINTON, De l’Homme : la culture produit l’individu et la société

Dans ce livre, Linton s’intéresse à l’héritage social et ses modes de transmission. Selon lui, la société produit la culture, qu’elle transmet pour assurer sa survie. “Le langage et la vie sociale organisée ont fourni à l’homme des instruments pour la transmission et la préservation de la culture.” “Les sociétés humaines se maintiennent par l’apprentissage […] et sont ainsi, en elles-mêmes, un produit de la culture”. Un apprentissage réglé et organisé des individus est donc indispensable pour que la culture forme les hommes: “L’héritage social, c’est-à-dire la culture, des êtres humains a ainsi acquis une double fonction. Il contribue à adapter l’individu à la fois à sa place dans la société et à son environnement naturel.”

 

LINTON, De l’Homme : la culture, phénomène du vivant

De cette première thèse découle la suivante. “Le caractère supra-individuel de la culture est prouvé par son aptitude à se perpétuer et à survivre à la disparition des individus qui la partagent.” La culture surplombe l’individu, elle le façonne presque entièrement, et il la transmet à son tour. Chaque individualité est façonnée et donc soumise à l’influence d’une certaine culture. 

“La culture est entièrement extérieure à l’individu à sa naissance, mais au cours du développement de cet individu elle devient partie intégrante de sa personnalité.” Alors qu’elle se pose comme extérieure à notre individualité au départ, la culture devient rapidement un fondement inconscient de la personnalité. “Son transfert d’individu à individu […] ne peut se faire que par des contacts individuels”, cependant la vie d’une culture dépend de cette transmission directe. Si celle-ci est rompue, la culture meurt.

“Ces idées et valeurs sont pour toute culture l’étincelle de vie […]. Sans elles, une culture, même si son contenu est parfaitement connu, n’est qu’un sujet d’étude anatomique.” Ce qu’a voulu montrer Linton ici, c’est le caractère vivant de la culture, laquelle demeure mouvante par transmission directe d’un individu à l’autre.

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LEIRIS, Race et civilisation :  l’homme est d’abord culture = “être doué de culture

Seul l’homme peut créer une culture, par sa capacité à symboliser et accumuler. La culture est propre à notre espèce. C’est par la tradition que se perpétue la culture, sous toutes ses formes : “Alors que la race est strictement affaire d’hérédité, la culture est essentiellement affaire de tradition”. La culture transmet (par la voie du langage, de l’image ou simplement de l’exemple) une façon de vivre, elle est “caractéristique de la façon de vivre d’un certain milieu d’une certaine société pour une époque d’une durée plus ou moins longue”. On observe en effet différents types de cultures : la culture humaine mais aussi celle d’un milieu social particulier par exemple. Pour faire simple, Leiris considère la culture comme l’âme de la société, elle comprend tout ce qui est socialement hérité ou transmis.” 

 

LEIRIS, Race et civilisation : la puissance de la culture

“Si forte est, d’une manière générale, l’emprise de la culture sur l’individu” constate Leiris. La culture donne forme à la satisfaction des besoins les plus élémentaires : la nutrition, les vêtements, les relations sexuelles, le rêve lui-même. “La culture intervient donc à tous les niveaux de l’existence individuelle et se manifeste aussi bien dans la façon dont l’homme satisfait ses besoins physiques que dans sa vie intellectuelle et dans ses impératifs moraux.” Rien, dans l’existence humaine, ne peut échapper à la culture.

 

LEIRIS, Race et civilisation : la culture, un système temporaire d’une grande plasticité

Dans tous les domaines, les inventions se succèdent par modification de la culture existante. Il peut s’agir de la religion; la réflexion morale, les œuvres artistiques, les relations sociales, etc. La culture “résulte d’une coopération” et non du génie.  C’est toute la société qui participe à l’évolution culturelle. Il n’y a de culture que vivante, cette dernière est donc par essence évolutive.

HOBBES, Le Citoyen : le monde à l’état de nature

Tout d’abord, il convient de savoir que l’état de nature est une hypothèse permettant de penser le statut de l’homme hors de la société, de l’état de société. Hobbes distingue les deux et constate. Hors de la société civile, la liberté humaine est très entière mais infructueuse, chacun empiète sur celle de l’autre. En revanche, ”dans le gouvernement d’un État bien établi, chaque particulier ne se réserve qu’autant de liberté qu’il lui en faut pour vivre commodément”. De même, hors de la société, « chacun a tellement de droit sur toute choses qu’il ne s’en peut prévaloir et n’a la possession d’aucune; mais dans la république, chacun jouit paisiblement de son droit particulier” 

Hors de la société règne un continuel brigandage, une exposition continue à la violence, “mais dans l’État, cette puissance n’appartient qu’à un seul”. Hors de la société, “les passions règnent”, “dans l’ordre du gouvernement, la raison exerce son empire, la paix revient au monde,la sûreté publique est rétablie, les richesses abondent”. Après cette énumération, les bienfaits et avantages de la société civile apparaissent évidents. La raison assure une liberté réelle. En entrant dans la société, l’individu acquiert une réelle sécurité et intègre une civilisation.

 

ROUSSEAU, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes : l’homme à l’état de nature

A l’image de Hobbes, Rousseau s’intéresse à l’état de nature, en particulier la condition de l’homme. Contrairement à lui, Rousseau regrette l’état de nature, état d’insouciance et de paix selon lui. L’homme, à l’état de nature, vit sans liens sociaux: “l’homme sauvage, sujet à peu de passions et se suffisant à lui-même, n’avait que les sentiments et les lumières propres à cet état; qu’il ne sentait que ses vrais besoins.” Sans éducation, histoire, ni évolution, l’homme à l’état de nature ne vit que pour lui-même. Ses seuls besoins étaient naturels (se nourrir, boire, dormir, se reproduire). Rousseau attribue ainsi aux progrès sociaux la cause du malheur des hommes, et leur impossibilité à vivre heureux et en paix. La culture n’a donc pas toujours belle allure aux yeux de certains philosophes.

 

KANT, Idée d’une histoire universelle du point de vue cosmopolitique : l’insociable sociabilité

Dans cet extrait bien connu, Kant dresse un constat fondamental de la psychologie humaine. D’après lui, deux principes antagonistes assurent le développement de la société. Ce sont deux penchants humains : s’associer et rechercher son intérêt privé. Dès lors apparaît “l’insociable sociabilité des hommes, c’est-à-dire leur inclination à entrer en société, inclination qui est cependant doublée d’une répulsion générale à le faire”.

“L’homme a un penchant à s’associer […] mais il manifeste aussi une grande propension à se détacher (s’isoler)”. “C’est cette résistance qui éveille toutes les forces de l’homme.” Loin d’être mauvaise, l’opposition à autrui éveille les forces humaines qui conduiront à la culture et à la moralité. Au fil du temps “commence à se fonder une forme de pensée qui peut, avec le temps, transformer la grossière disposition naturelle au discernement moral en des principes pratiques déterminés.” Contre-intuitivement, la recherche égoïste des intérêts privés stimule et développe les dispositions de l’homme.

 

MERLEAU-PONTY, Phénoménologie de la perception : tout est fabriqué et est naturel chez l’homme

Chez l’homme, tout est construit : “Il est impossible de superposer chez l’homme une première couche de comportements que l’on appellerait “naturels” et un monde culturel ou spirituel fabriqué. Tout est fabriqué et tout est naturel chez l’homme.” Cette réflexion nous rapproche de ce qu’est le propre de l’homme et tente de résoudre un conflit interne. Il n’y aurait pas d’un côté un caractère naturel, instinctif, et d’autre part une facette culturelle qui entrerait en conflit. La culture ne serait pas une opposition à notre nature, mais bien une part de notre nature elle-même. En d’autres termes, c’est dans la nature de l’homme que d’être cultivé.

Pour ceux qui le voudrait, il est possible d’approfondir encore cette pensée, à la manière de Philippe Descola (Par-delà nature et culture) qui parvient même à dépasser cette dualité. En somme, l’homme est en même temps nature et culture.

 

LÉVI-STRAUSS, Tristes Tropiques : comment connaître l’homme naturel ?

Grand anthropologue, Lévi-Strauss a mené de nombreuses études sur des peuples primitifs en vue d’en apprendre davantage sur les sociétés modernes. “L’étude de ces sauvages apporte autre chose que la révélation d’un état de nature utopique ou la découverte de la société parfaite au cœur des forêts; elle nous aide à bâtir un modèle théorique de la société humaine”. l’anthropologie doit “parvenir à démêler “ce qu’il y a d’originaire et d’artificiel dans la nature actuelle de l’homme.” L’étude des peuples primitifs, loin de s’attarder uniquement sur l’homme naturel, nous permet de penser la condition humaine.

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MONTAIGNE, Essais, Livre I : civilisation et barbarie

Nous appelons barbares les mœurs des étrangers en les comparant à celles “parfaites” de notre pays: “chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage.” De même disons-nous sauvages les produits naturels alors que nous devrions le dire de nos produits artificiels. En réalité, la barbarie est un préjugé de la coutume.Nous appelons barbarie ce qui ne correspond pas à nos mœurs. 

 

LÉVI-STRAUSS, Race et histoire : la racine de l’inhumanité

L’on s’est beaucoup interrogé sur ce qui nous rend humain (la culture), mais peut-être faut-il prendre la question à revers pour mieux comprendre. Lévi-Strauss tente donc ici de définir l’inhumanité. On voit bien que les groupes humains se rejettent les uns les autres, c’est “l’attitude la plus marquante et la plus distinctive de ces sauvages mêmes”. En réalité, la notion d’humanité est apparue tardivement. Les hommes se pensent d’abord contre les autres, contre les voisins ou les étrangers.

C’est là tout le paradoxe du relativisme culturel : “c’est dans la mesure même où l’on prétend établir une discrimination entre les cultures et les coutumes que l’on s’identifie le plus complètement avec celle qu’on essaye de nier.” Lévi-Strauss conclut ainsi parfaitement : “Le barbare, c’est d’abord l’homme qui croît à la barbarie.”, c’est celui qui n’est pas capable de reconnaître l’humanité de l’autre

Concernant la barbarie, vous pourrez approfondir avec l’ouvrage de Tzvetan Todorov, La peur des barbares. Au-delà du choc des civilisations. Ces thèses peuvent également être mises en relief avec les problématiques actuelles d’appropriation culturelle, voire celles moins modernes sur le mouvement tiers-mondiste par exemple.

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Gabin Bernard