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La croissance oui, mais à quel prix ?

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La croissance oui, mais à quel prix ?

La rentrée arrive à grands pas et il faut s’y préparer. Dans cet article, nous aborderons un chapitre pouvant être travaillé par tout le monde : la croissance. Un thème étant au programme de première année mais comme les derniers concours nous l’ont démontré, les sujets peuvent très bien puiser leurs problématiques dans des thèmes traités en première année de classe préparatoire (Sujet ESCP 2022 et Ecricome 2022). Que vous soyez bachelier, bizuth, carré ou cube, il est primordial de maîtriser le thème de la croissance et ses enjeux. Cet article vous montrera des pistes à approfondir quant aux limites de la recherche d’une croissance de plus en plus forte.

 

Définitions :

La définition utilisée communément pour la croissance est celle de François Perroux (L’économie du XXème siècle, 1966) : « augmentation soutenue pendant une ou plusieurs longues périodes d’un indicateur de dimension : pour une nation son produit global net en termes réels ».

Au sein de la croissance, on distingue plusieurs types de croissance : la croissance extensive (croissance par l’augmentation des facteurs de production), la croissance intensive (croissance par l’augmentation de l’efficacité de la combinaison productive), la croissance effective (celle observée par la mesure du PIB), la croissance potentielle (celle qui résulterait d’une utilisation complète et optimale des facteurs de production)…

 

Lire plus : Les dates incontournables de la croissance économique 

 

Contexte : Pourquoi la croissance poserait-elle un problème ?

Promise par les personnalités politiques lors des élections, vénérée par les entreprises qui la recherche sans cesse, la croissance économique semble être la solution à tous les maux de la société. Cependant, les externalités négatives qui en découlent sont de plus en plus critiquées : destruction de l’environnement, non-respect des droits des travailleurs… Ainsi bien plus que la solution, la croissance économique peut se révéler être un problème majeur pour la société.

En effet, pour stimuler la croissance tout en préservant les parties prenantes (salariés, environnement…), les Etats et institutions supranationales multiplient les rencontres avec leurs homologues étrangers, les patrons des grandes industries pour trouver un compromis qui satisfera tout le monde.

Revenons maintenant aux problèmes qu’une recherche infatigable de croissance peut entrainer à travers trois axes principaux : les effets néfastes de la croissance sur elle-même (problème économique), sur l’environnement (problème écologique) et sur les travailleurs (problème social).

 

Analyse : En quoi la croissance peut-elle s’autolimiter ?

Tout d’abord, s’il s’agit d’une croissance extensive menée par une augmentation du facteur capital au détriment du facteur travail, la croissance peut provoquer des problèmes pour les individus. En effet, si les entreprises décident de favoriser le capital alors certains salariés peuvent se retrouver au chômage. D’un point de vue économique, ces pertes de revenus endommagent la consommation, donc la demande et ainsi fait basculer la croissance dans une situation délicate. D’un point de vue sociologique et long-termiste, une société qui pousse inlassablement vers une croissance en augmentant le facteur capital diminuera les revenus de certaines catégories, diminuant leurs possibilités de formation et celles des générations futures (théories de la croissance endogène, capital humain de Lucas).

 

Ensuite, la croissance est certes une bonne chose en soi car elle permet d’améliorer le niveau de vie des populations, en démontrent les Trente Glorieuses (1945-1975), néanmoins, cette croissance a un prix : un prix environnemental que l’on doit maintenant payer. Pour qu’il y ait de la croissance, il faut qu’il y ait une augmentation de la production et le problème réside dans ce schéma. Les modèles de production passés et actuels sont majoritairement nocifs pour préserver l’environnement et, à terme, une croissance pérenne pour les générations futures. Le Pacte de Glasgow (2021) signé par près de 200 pays, ratifie la volonté des Etats de s’engager dans la neutralité carbone (GES responsable du réchauffement climatique) et de changer les anciens modes de production trop polluants. Pourtant certains pays en développement accusent les PDEM ayant bénéficié d’une croissance tirée par des polluants (charbon, plastique, pétrole…) de vouloir les empêcher de connaître à leur tour une croissance plus importante.

 

Troisième et dernier aspect de ce problème : les droits et la volonté des travailleurs. Il n’échappe à personne que les conditions de travail, la rémunération et le rythme de production causés par une production de plus en plus forte dans certains pays ne sont guère satisfaisants. Toutefois, les entreprises productrices ne font que répondre à une demande de plus en plus grande, qu’importe les conséquences pour les travailleurs. Par exemple à Leicester, en Angleterre, l’épidémie a remis en lumière un scandale déjà dénoncé à plusieurs reprises ces dernières années, mais contre lequel très peu de sanctions ont jusqu’à présent été prises : des milliers de personnes travaillent pour l’industrie textile locale, avec des salaires d’environ 3,50 livres sterling l’heure (3,86 euros), bien moins que le minimum légal (8,72 livres sterling pour les salariés âgés de 25 ans et plus). Ainsi, derrière l’image d’une croissance économique aux bénéfices de tous se trouve une réalité plus morose.

 

Bilan :

Aussi étrange que cela puisse paraître, la recherche inexorable de la croissance économique peut avoir des effets pervers sur la société. La croissance est bonne pour l’économie selon les arguments classiques de Rostow, Barro, Lucas… mais peut se révéler pernicieuse si ses externalités ne sont pas gérées correctement. La croissance est évidemment nécessaire mais la situation actuelle met un nouveau défi en lumière : comment concilier croissance économique suffisante et respect des parties prenantes ?

Attention, en aucun cas la croissance n’est mauvaise en tout point de vue pour l’économie, que ce soit pour les entreprises, les ménages ou la collectivité (il ne faudrait pas conclure une dissertation sur ce bilan, la conclusion se révèlerait être maladroite). Néanmoins, il peut être intéressant au fil d’une dissertation ou en conclusion, de questionner l’importance de la croissance ou du moins la mesure de celle-ci (le PIB est-il une mesure efficace ? par exemple).

NB : Les exemples et arguments de cet article sont non-exhaustifs, il en existe beaucoup d’autres pouvant être creusés à leur tour.

 

Lire plus : Croissance, critères ESG et développement durable 

 

Les défis du capitalisme, Arnaud PAUTET : une ressource à utiliser en dissertation sur l’avenir de la croissance

Dans son ouvrage Les défis du capitalisme, publié aux Editions Dunod en mars 2021, Arnaud Pautet revient sur la croissance et la façon de la concevoir comme un facteur de prospérité. Dans son texte “La croissance économique a-t-elle pour objectif l’abondance ou la prospérité ?”, Arnaud Pautet se penche sur la prospérité de la croissance que nous connaissons actuellement :

Repenser la prospérité et le bien-être pour fonder un modèle de développement soutenable du point de vue sociétal et environnemental implique trois découplages.

Premièrement, la dissociation de l’opulence et de l’épanouissement individuel. L’opulence fonde la mystique de la croissance parce que cette dernière promet à tous, par la production à un coût marginal sans cesse décroissant, une démocratisation des biens initialement réservés à une minorité (à chacun son smartphone, sa piscine, etc.).

Secondement, le divorce entre capitalisme et démocratie. Les beaux succès enregistrés par les démocratures illibérales (Chine, Turquie, Russie, etc.), tout acquises au capitalisme, montrent que la croissance n’est pas à court terme un gage de démocratisation de la vie politique, et d’égalisation des conditions, au sens de Tocqueville. Et que la croissance peut exister dans des contrées dépourvues de règles démocratiques (pluripartisme, démocratie représentative, contrôle sur les élections et les élus, sanctuarisation de l’État de droit, etc.).

Troisièmement, le découplage entre une croissance autoentretenue et une stabilité économique et sociale. Cette idée centrale du libéralisme, mise en lumière par Polanyi dans La grande transformation, a fonctionné tant que la promesse d’une mobilité sociale ascendante pour les enfants des classes moyennes prévalait. Le ralentissement de cette mobilité, la compétition croissante pour les « places », les peurs générées par le choc technologique de l’intelligence artificielle qui menace même les plus qualifiés, menacent nos sociétés d’un renversement des valeurs.

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Dorian Zerroudi
Co-fondateur d'elevenact (Mister Prépa, Planète Grandes Ecoles...), j'ai à coeur d'accompagner un maximum d'étudiants vers la réussite !