Les élections présidentielles américaines de 2024 ne se jouent pas seulement dans les urnes : elles sont aussi devenues un terrain fertile pour les parieurs en ligne. Les plateformes de paris politiques connaissent une popularité croissante, attirant de nombreux citoyens et curieux qui misent sur leurs candidats favoris ou sur des scénarios improbables. Quand la politique devient un jeu, les enjeux se transforment : la passion citoyenne se mêle à l’adrénaline des paris, et l’avenir d’une nation devient l’objet de mises audacieuses. Dès lors, comment ces paris influencent-ils la perception des électeurs, et quelles en sont les implications pour la démocratie ?
I. Les paris en ligne : un nouveau phénomène dans les élections présidentielles américaines 2024
Pourquoi en parler ?
Historiquement, parier sur des élections était illégal aux États-Unis depuis plus d’un siècle, car considéré comme un risque pour l’intégrité des processus électoraux. Cependant, en octobre 2024, la cour d’appel fédérale de Washington a décidé de lever cette interdiction. Le tribunal a permis l’établissement de paris électoraux en jugeant que ni la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), l’autorité chargée de réglementer ces marchés, ni le public ne seraient exposés à un « préjudice irréparable ».
Cette décision fait suite à un différend entre la CFTC et la plateforme de paris en ligne Kalshi, où la CFTC avait cherché à empêcher la reprise des paris de Kalshi, soutenant que cela mettrait en péril l’intégrité du processus électoral. Avec cette décision historique, plus de 2 milliards de dollars ont déjà été misés sur les élections présidentielles 2024 aux États-Unis. Steve Sanders, vice-président senior d’Interactive Brokers, explique cet engouement croissant : « Le sujet de la politique est très chaud pour beaucoup de gens. Ils ont des convictions fortes dans un sens ou dans l’autre. »
Comment cela fonctionne ?
Plusieurs plateformes ont déjà franchi le pas, telles que Kalshi, PredictIt, Interactive Brokers, et la plateforme Polymarket (illégale aux États-Unis). Le fonctionnement est simple : les parieurs répondent à la question « Selon vous, qui a le plus de probabilité de gagner l’élection présidentielle ? » Le prix d’un pari dépend des chances attribuées par les parieurs. Par exemple, si 52 % des parieurs pensent que D. Trump va gagner, le pari coûte alors 52 centimes. En cas de victoire, les parieurs reçoivent 1 dollar.
Toutefois, les cotes peuvent varier considérablement d’une plateforme à l’autre. Au 25 octobre, le site RealClearPolitics plaçait Donald Trump en tête avec une probabilité moyenne de 60 % contre 40 % pour Harris. Sur Polymarket, Donald Trump affiche une cote de 65 % contre 35 % pour Kamala Harris. Et selon le site de Kalshi, le républicain bénéficie d’une probabilité de victoire de 60 % contre 40 % pour son adversaire démocrate.
II. Impact des paris en ligne sur l’opinion publique : entre fiabilité et manipulation
En Pennsylvanie, le « Swing State » le plus crucial de l’élection, les courbes des paris sont autant scrutées que les études d’opinion. Faute de tendances claires dans les sondages, les paris deviennent un repère pour beaucoup. « Arrêtez de vous focaliser sur les sondages. Regardez les paris en ligne… et vous verrez qu’on va gagner », scande Shawn Kennedy, un jardinier paysagiste, à la sortie d’un meeting de D. Trump.
Les défenseurs des marchés de prédiction soutiennent qu’ils aident à mieux prévoir les événements politiques, car ils s’ajustent en temps réel aux nouvelles informations (débats, meetings…). Selon eux, personne n’a intérêt à perdre de l’argent en pariant sur un candidat qu’il ne voit pas gagner. C’est notamment ce qu’affirme Thomas Miller, data scientist à l’université Northwestern.
Les paris en ligne manipulent-ils l’opinion publique ?
Certains observateurs craignent que de gros parieurs, et surtout de puissants soutiens financiers trumpistes, puissent manipuler les cotes pour créer un effet de boule de neige et influencer l’opinion publique. Récemment, Elon Musk a recommandé Polymarket sur X, alors que D. Trump avait 50,1 % de chances de victoire. Dix jours plus tard, ses cotes ont grimpé à 62,2 %, boostées par un parieur anonyme français ayant misé 45 millions de dollars sur le candidat républicain. Bien que Polymarket précise qu’il s’agit d’un « trader expérimenté » agissant « selon sa propre perception de l’élection », le fait que ce parieur représente à lui seul 20 % des échanges sur la plateforme soulève des questions quant à une possible manipulation du marché.
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Les paris en ligne sont-ils fiables ?
Les marchés de paris présentent plusieurs biais. Tout comme les sondages, ils sont souvent dominés par des groupes démographiques particuliers, principalement des hommes, et beaucoup de participants ne sont pas Américains, ce qui peut fausser les résultats. De plus, tous les participants des marchés de paris ne sont pas des traders actifs ; certains placent de petits paris sans suivre régulièrement les cotes. N’oublions pas que Polymarket est illégale aux États-Unis.
Cependant, les tendances observées sur Polymarket restent globalement cohérentes avec celles d’autres plateformes légales dans le pays, ce qui est un indicateur rassurant de leur fiabilité.
Conclusion : vers la fin des sondages ?
Bien qu’ils aient longtemps été essentiels pour prévoir les résultats électoraux, les sondages sont de plus en plus remis en cause. Des problèmes tels que la baisse des taux de réponse, les erreurs d’échantillonnage, et la difficulté à atteindre certains groupes démographiques ont rendu l’exactitude des prévisions plus complexe à garantir, comme l’ont démontré les erreurs des élections américaines de 2016 et 2020.
Néanmoins, ces deux outils apportent une compréhension complémentaire du paysage politique. Ryan Waite, vice-président de la société de conseil Think Big, explique : « Les sondages nous aident à comprendre ce que les différents segments d’électeurs pensent des candidats ou des questions, tandis que les marchés de prédiction peuvent fournir une vision dynamique de la manière dont le grand public pense que les choses vont se dérouler. Ensemble, ils donnent une image plus complète du paysage politique. »
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