Voici tout ce qu’il faut retenir de l’élection du mardi 5 novembre qui a consacré Donald Trump une seconde fois : résumé du fonctionnement politique américain, résultats et analyse des enjeux à venir pour les Etats-Unis et le monde entier !
Dans cette journée du mardi 5 novembre 2024, plus de 150 millions d’électeurs étaient appelés aux urnes dans les 50 Etats américains et le District de Columbia pour élire leur prochain président ainsi que le nouveau Congrès des Etats-Unis. De l’avis de beaucoup, il s’agissait d’un des scrutins outre-Atlantique les plus décisifs pour l’avenir du monde, et également l’un des plus indécis, depuis de très nombreuses années. On t’aide ici à comprendre le fonctionnement du système politique fédéral américain, les résultats pour la présidence et le Congrès, ainsi que tous les enjeux qu’il faut retenir pour étoffer tes connaissances à la fois géopolitiques et sur le monde anglophone.
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Le fonctionnement des élections américaines et du système politique fédéral
Etant donné que les Etats-Unis sont un pays fédéral, le Congrès a été, dès le départ, façonné pour représenter les Etats qui composent cette union. Ce même Congrès est composé de deux chambres, à savoir la Chambre des Représentants, chambre basse, et le Sénat, chambre haute.
Tous les deux ans, les électeurs américains sont appelés à renouveler l’ensemble des 435 représentants (élus dans des districts) répartis dans les 50 Etats proportionnellement au poids démographique de chacun d’entre eux. La seule exception à cette règle est que chaque Etat doit disposer d’au moins un représentant. C’est le cas par exemple du Wyoming ou de l’Alaska qui font partie des Etats les moins peuplés. Les Etats les plus peuplés sont la Californie (52 représentants), le Texas (38 représentants), la Floride (28 représentants) ou encore l’Etat de New York (28 représentants). Le fait que le nombre de représentants n’ait pas augmenté depuis le début du XXème siècle alors que la population a considérablement augmenté pendant ce temps fait l’objet de nombreuses critiques, notamment sur l’éloignement progressif des élus vis-à-vis de leurs constituants (747 000 habitants par représentant), et sur le poids disproportionné des petits Etats vis-à-vis des gros.
Les sénateurs, quant à eux, sont au nombre de 100. Ceux-ci sont élus pour 6 ans et un tiers d’entre eux voit son mandat remis en jeu tous les 2 ans. Contrairement à la première chambre du Congrès, les sièges sénatoriaux ne sont pas distribués proportionnellement, puisque dans l’objectif de protéger les Etats contre la “tyrannie de la majorité”, il a été décidé d’accorder deux sénateurs à chacun des 50 Etats, ce qui pose ici aussi pour certains un problème démocratique. Par exemple, un sénateur du Wyoming représente environ 300 000 citoyens, tandis qu’un sénateur californien en représente 18 millions, soit 60 fois plus.
L’élection présidentielle, enfin, se base sur un système unique au monde, le Collège électoral, et non le principe de la majorité du vote populaire comme dans la plupart des démocraties du monde. En effet, le candidat arrivé en tête, même d’une seule voix, dans un Etat donné, remporte la totalité des grands électeurs alloués à ce dit Etat. Cela explique des situations où le vainqueur du collège électoral n’a pas remporté la majorité du vote populaire, à l’instar de George W. Bush en 2000 ou de Donald Trump en 2016. Les grands électeurs, au nombre de 538, sont alloués selon la somme, dans chaque Etat, de ses représentants à la Chambre et de ses deux sénateurs. Le vainqueur doit donc en remporter au moins 270.
Dans le congrès sortant, les républicains détenaient une courte majorité à la Chambre des représentants (220 contre 212 démocrates) tandis que les démocrates jouissaient d’une majorité de 51 sénateurs contre 49 républicains dans la chambre haute, avec bien sûr le tandem Joe Biden-Kamala Harris à la Maison Blanche.
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Quels résultats dans ces élections américaines et comment les interpréter ?
Alors que l’immense majorité des sondeurs et des pronostiqueurs pariaient sur un scrutin très serré, en particulier dans les sept swing states (Pennsylvanie, Michigan, Wisconsin, Caroline du Nord, Géorgie, Arizona, Nevada), Donald Trump a une fois de plus défié toutes les attentes en remportant une victoire nette sur sa concurrente démocrate Kamala Harris. Si la tendance du vote se maintient dans les Etats qui restent à dépouiller, il est en course pour remporter 312 grands électeurs contre 226 pour la vice-présidente sortante, ce qui serait supérieur à son total de 2016. De plus, le candidat républicain semble en bonne posture pour remporter une majorité du vote populaire, ce qui serait une première pour son parti depuis l’élection de George W. Bush en 2004, il y a vingt ans.
Si beaucoup pensaient que sa rhétorique outrancière et ses choix de campagne douteux comme le meeting à Madison Square Garden le fragiliseraient, il apparait que l’économie, et en particulier les inquiétudes de très nombreux américains sur l’inflation, qui a connu un pic durant le mandat de Joe Biden, a été le facteur décisif et indiscutable de sa large victoire. En effet, beaucoup d’américains, à tort ou à raison, semblent avoir la nostalgie d’une période pré-Covid où l’inflation était basse et où l’économie était en pleine santé, qu’ils associent au premier mandat du milliardaire de 78 ans, et ce en dépit des excès qu’y compris une partie de ses électeurs dit regretter.
Du côté démocrate, il semble que l’on ait surestimé la mobilisation des électeurs sur des sujets comme la protection de la démocratie ou l’avortement, sujets sur lesquels Kamala Harris a fortement fait campagne.
Plus surprenant encore, les données par genre et par ethnicité semblent indiquer que Donald Trump a fait d’énormes progrès chez les minorités raciales. Pour s’en convaincre, il suffit de constater que ce dernier a remporté 45% du vote hispanique et 20% du vote afro-américain, contre respectivement 30% et 10% en 2020, des chiffres complètement inédits pour un candidat républicain depuis que les statistiques ethniques. Chez les hommes hispaniques, Trump remporte même la majorité, ce qui aurait été inimaginable il y a une décennie. Si les femmes ont de leur côté majoritairement soutenu Harris, leur mobilisation n’a pas compensé la surmobilisation inattendue des hommes, majoritairement acquis à Trump. Cette élection a donc semble-t-il été l’occasion d’un réalignement politique profond aux Etats-Unis qui chamboule les coalitions électorales traditionnelles entre les deux partis et pose de nombreuses questions sur l’avenir du parti démocrate.
Du côté du Congrès, les républicains ont réussi à basculer la majorité au Sénat en remportant entre 52 et 55 sièges, tandis que la Chambre reste encore indécise bien que les observateurs estiment qu’une courte majorité républicaine est le résultat le plus probable. Si cela venait à se confirmer, cela donnerait au président élu Trump l’ensemble des clefs nécessaires à l’application de son programme.
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Quels enjeux pour les Etats-Unis et le monde après la victoire de Trump dans ces élections américaines ?
Sur le plan économique, Trump a promis de protéger l’industrie américaine, si importante dans la Rust Belt du Nord-Est des Etats-Unis, en imposant des tarifs douaniers allant de 10 à 20% sur toutes les importations, et jusqu’à 60% sur tous les produits venant de Chine. Cela aurait pour conséquence de réduire substantiellement le commerce mondial avec une expansion du protectionnisme inédite depuis probablement la Grande Dépression des années 30, et ce dans la plus grande économie du monde. Il va sans dire que cela aurait des répercussions sur la Chine, pays contre lequel les Etats-Unis sont engagés dans une course à la suprématie mondiale, mais également sur l’Union européenne, premier importateur et deuxième client des Etats-Unis. Ainsi, on pourrait s’attendre à un ralentissement sans précédent des échanges commerciaux mondiaux et à un recentrage encore plus important qu’aujourd’hui de l’économie mondiale autour de pôles. Cela rejoindrait en tout cas la tendance de “démondialisation” observée par l’OMC ces dernières années.
L’immigration, un des principaux facteurs de l’élection du républicain, est également à l’ordre du jour du prochain président. En effet, ce dernier a prévu un vaste plan de déportation de migrants illégaux, par dizaines de millions, par décret présidentiel, en se basant sur les pouvoirs renforcés de l’exécutif en matière de maintien de l’ordre en cas de crise. Ces migrants, présents notamment dans les Etats de la Sun Belt, seraient renvoyés au Mexique et dans divers autres Etats d’Amérique Latine. Cette opération d’une envergure inédite interroge sur sa faisabilité et sur l’effet qu’elle pourrait avoir sur les relations diplomatiques futures des Etats-Unis avec leur traditionnelle “chasse gardée”, alors même que le sous-continent est plus que jamais courtisé par le rival chinois, en témoignent les nombreux projets d’infrastructures financés par la Chine dans ces pays, à l’instar du mégaprojet portuaire de la baie Chancay, au large du Pérou.
Enfin, dans le domaine de la politique étrangère, la présidence Trump pourrait marquer un tournant vis-à-vis des années Biden, tant du point de vue de la question de l’Ukraine que celle du Proche-Orient.
Sur la première, le nouveau locataire de la Maison Blanche pourrait revenir sur le soutien militaire et financier massif accordé par Washington à Kiev depuis le début de l’invasion du pays par la Russie en février 2025, et affirme être en capacité de négocier la paix “en 24 heures” avec Vladimir Poutine. Beaucoup interprètent les intentions du milliardaire comme la volonté de donner une partie du territoire ukrainien à Moscou, notamment les territoires séparatistes, et de nombreux dirigeants européens s’inquiètent des conséquences potentielles de ce règlement de paix sur la sécurité d’autres pays européens par la suite, d’autant que le futur 47ème président a répété qu’il comptait faire payer aux Européens leur défense militaire en réduisant significativement la présence américaine sur le Vieux Continent.
Sur le dossier du Proche-Orient, Trump ne s’est jamais caché d’être un soutien inconditionnel de la politique israélienne vis-à-vis de la question palestinienne et du Liban. Dès son installation dans le bureau ovale, il est probable qu’il garantira à Netanyahou la poursuite des livraisons d’armes nécessaires à l’effort de guerre de Tel-Aviv sur les deux fronts. Il convient d’ailleurs de remarquer que le premier ministre israélien entretient de biens meilleurs rapports avec celui-ci qu’avec Joe Biden. Si Donald Trump a tenté, de par son plan de paix et les accords d’Abraham de 2020, de trouver une solution aux tensions qui secouent le Proche-Orient lors de son premier mandat, la situation dégradée depuis les attaques terroristes du Hamas le 7 octobre 2023 seront à coup sûr un défi important de son second mandat, lui qui revendique un isolationnisme poussé.
En résumé, les quatre prochaines années outre-Atlantique promettent d’être aussi intéressantes qu’incertaines, tant du point de vue économique, politique et diplomatique.