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ESH ESSEC / HEC 2022 – Analyse du sujet

Sommaire

Retrouve dans cet article l’analyse du sujet de ESH ESSEC / HEC tombé au concours 2022 pour les candidats des prépas économique (ECE).

L’ESH ESSEC / HEC marque le début des concours BCE pour les étudiants de la filière ECE. Pour rappel, l’épreuve d’ESH, est une épreuve clé pour intégrer les meilleures écoles françaises puisque sont coefficients est de 7 pour les trois écoles qui l’utilisent à savoir : HEC Paris, ESSEC et EDHEC. 

Découvrez sans plus attendre l’analyse du sujet d’ESH ESSEC – HEC 2022

 

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Analyse du sujet d’ESH ESSEC / HEC 2022

L’ouverture commerciale est-elle toujours facteur de prospérité économique et sociale ?

 

Ce premier sujet co-conçu par HEC et l’ESSEC s’inscrit dans le 1er module de deuxième année concernant l’internationalisation des échanges. Il s’inscrit donc dans le même module que le sujet 1 ECRICOME, un signe pour l’ESCP ? Dans un contexte, où l’on constate l’envolée du populisme et le retour à des velléités protectionnistes dans énormément de pays mondiaux (notamment chez les plus développés), ce sujet est à coup sûr un sujet d’actualité qui s’inscrit dans une nouvelle ère : celle de l’ « intelligence économique ». En effet, la vision de la mondialisation heureuse propagée dans la deuxième partie du 20ème siècle selon laquelle l’ouverture commerciale provoquait prospérité sociale et économique s’estompe au profit d’une vision plus critique de celle-ci basée sur la perte de souveraineté, le creusement des inégalités

Ce sujet ne présente pas de difficultés majeures en apparence même si quelques points sont à relever. Le mot « toujours » invite à se poser la question de l’actualité du sujet, néanmoins le sujet part du présupposé que l’ouverture commerciale a été un facteur de prospérité (si on prend toujours dans le sens est-ce toujours d’actualité), cette dimension fait alors partie du sujet et peut être traité dans une première partie du sujet uniquement (Le sujet affirme implicitement que l’ouverture commerciale fut synonyme de prospérité, cela mérite que nous le mentionnions). Il peut aussi avoir le sens de « En tout lieu et en tout temps ». En outre le doublement du terme de prospérité : économique et sociale est intéressant. La prospérité économique renvoie dans une forte dimension à la croissance économique (on peut élargir aux performances économiques en général en parlant de chômage et d’inflation en vertu du carré magique de Kaldor). La prospérité sociale est peut-être plus complexe à définir pour des étudiants n’ayant fait que très peu de sociologie. On peut donner des critères de prospérité sociale : des inégalités contenues, un État-providence protecteur (mis à mal par la course au moins-disant social provoqué par la vision pop du commerce internationale redoutée par Krugman), un accès à une santé minimale pour tous, un accès à l’école pour le plus grand nombre… Ainsi, en schématisant si la prospérité économique renvoie au PIB et au taux de chômage, la prospérité sociale peut renvoyer à l’IDH par exemple.

Dès lors, on peut proposer une analyse succincte de ce sujet :

Accroche : E. Combe dans « Le protectionnisme nuit à la lutte contre le COVID » (2020) montre que le protectionnisme en augmentant le prix de certains biens de première nécessité comme celui du savon dans les PED nuit à l’hygiène des populations et donc à la lutte contre le COVID. Ici le protectionnisme, opposé de l’ouverture commercial, serait bien délétère à la prospérité sociale (prospérité sanitaire) et économique (plus difficile de lutter contre la crise économique causée par le COVID).

Définition ouverture commerciale : L’ouverture commerciale correspond pour une économie à son insertion dans les échanges commerciaux internationaux. Une bonne mesure de cette ouverture est le taux d’ouverture mesuré par T = ((X+M)/2/PIB) *100. Il faut bien préciser aussi que l’ouverture financière n’est pas dans le sujet. On parle seulement d’ouverture commerciale.

Définition de prospérité économique : La prospérité économique n’a pas de définition fixée mais elle peut être définie comme le fait pour un pays de disposer de bonnes performances économiques notamment en termes de croissance économique, de chômage et de niveau de salaire. On peut aussi inclure dans la prospérité économique, le fait de ne pas être dépendant du reste du monde pour sa production (dimension importante de l’intelligence économique aujourd’hui). On peut parler de prospérité économique à l’échelle d’un pays ou à l’échelle mondiale.

Définition de prospérité sociale : Tout comme la prospérité économique, il n’y a pas forcément de définition fixe, on peut la caractériser par une espérance de vie en bonne santé plus importante, de moindres inégalités et un accès à l’école démocratisé.

Toujours : Ce mot est intéressant car il exprime une relation de continuité entre passé et présent. Est-il toujours, est-il comme avant… Ainsi le mot toujours donne une vision implicite au sujet selon laquelle l’ouverture commerciale fut facteur de prospérité économique et sociale. En outre, le toujours implique « en tout temps et en tout lieu ». On est face à 2 sens du mot toujours : Toujours = Aujourd’hui (est-ce encore aujourd’hui) et toujours = en tout temps et tout lieu.

Problématique : L’ouverture commerciale constitue-t-elle en tout temps et en tout lieu un avantage économique et social pour tous les pays ?

 

I- La vision de l’ouverture commerciale heureuse a dominé pendant longtemps avec des arguments valables

 

A) Les avantages classiques de l’ouverture commerciale pour la prospérité économique nationale et internationale… :

Smith, « La richesse des nations », 1776 : Avantages absolus (néanmoins certains pays sont exclus, ce qui n’est pas bon pour la prospérité économique des PMA).

Ricardo, « Des principes de l’économie politique et de l’impôt », 1817 : Avantages comparatifs.

– Théorème HO, Spécialisation par dotation factorielle.

Krugman, « Geography and Trade », 1991 : Economies d’échelle

Lassudrie-Duchêne : L’ouverture commerciale permet la diversification.

 

 B)… se couplent avec des avantages sociaux :

Montesquieu, « De l’esprit des lois », 1748 : La mondialisation permet la paix sociale mondiale (c’est aussi une forme de prospérité sociale).

Deaton, « La Grande évasion », 2015 : La M° a permis de sortir les individus de l’extrême pauvreté, de permettre un accès au soin plus important, ce qui a fait diminuer la mortalité infantile et augmenter l’espérance de vie notamment dans les PED.

Minc, « La Mondialisation heureuse », 1993 : Des millions de chinois et d’indiens sont sortis de l’extrême pauvreté grâce à la mondialisation (c’est tant un avantage économique que social).

Bourguignon, « La mondialisation de l’inégalité », 2012 : Diminution des inégalités internationales en vertu du théorème de Stolper-Samuelson.

 

II- Néanmoins, elle s’est heurtée dès le début à des contestations empiriques et théoriques

 

A) Le paradoxe de Bairoch comme réfutation de la prospérité économique provoquée par l’ouverture commerciale :

– Bairoch, « Mythes et paradoxes de l’histoire économique », 1993 : Paradoxe de Bairoch : Les phases de croissance correspondent plutôt aux phases de fermeture commerciale initiées par les hausses de droit de douane (Tarif Méline en France en 1892). Baisse des tarifs = Hausse importation = Baisse des prix = Baisse des revenus agricoles notamment = Baisse demande adressée à l’industrie.

O’Rourke, « Tariffs and Growth in the late 19th century », 2000 : Il arrive au même résultat que Bairoch.

– La Chine s’est développée en usant de l’ouverture commerciale des autres pays (elle ne s’est ouverte que très peu dans une vision Listienne du protectionnisme).

 

B) Complétée par la critique de la globalisation selon laquelle elle ne serait pas vecteur de prospérité économique et sociale pour les PED :

Amin & Emmanuel, « L’échange inégal », 1970 : Théorie néomarxiste selon laquelle les PED sont dominés par les PDEM et donc n’ont rien à gagner de l’ouverture.

– Paradoxe de Graham : Existence des spécialisations régressives qui font émerger une situation délétère pour les PED car il y a long terme une dégradation des termes de l’échange des PED (R. Prebisch).

Acemoglu & Robinson, « Why nations fail », 2012 : Importance des institutions pour le développement économique et social. Si un pays s’insère dans la mondialisation avec des institutions extractives alors le risque est grand de voir émerger une malédiction des ressources naturelles (syndrome hollandais) qui conduit un pays vers le sous-développement à Long-terme. D’ailleurs en parlant de ressource naturelle, il faut rappeler que l’ouverture commerciale est très polluante (intensification du transport aérien et fret maritime), ce qui met en péril la prospérité sociale.

– Ouverture commerciale trop rapide est d’ailleurs déstabilisante (Stiglitz, 2002).

 

III- Qui se renforcent dans notre monde contemporain alors que l’ouverture commerciale serait une solution pour que la prospérité revienne

 

A) L’ouverture commerciale est aujourd’hui de nature à augmenter les inégalités, ce qui n’est ni bon pour la prospérité économique ni pour la prospérité sociale :

Milanovic, « Inégalités mondiales », 2018 : Inégalités nationales se creusent face à la mondialisation amenant à un déclassement des classes moyennes des PDEM. Ce déclassement est à la base d’une frustration relative (Stouffer) qui est de nature à faire monter les votes extrêmes et le populisme (mise en danger de la démocratie faisant partie de la prospérité sociale).

Gordon, « Is US economic Growth », 2014 : L’ouverture commerciale est une course à la compétitivité incessante. Il faut sans cesse baisser le coût du travail. Dès lors, la mondialisation met en danger les États-providence et la redistribution via dévaluation sociale. Or aujourd’hui cette prospérité sociale (lutter contre les inégalités) influe négativement sur la prospérité économique (stagnation séculaire).

Autor, « The China Shock », 2016 : Une partie du chômage industriel américain s’explique par l’ouverture commerciale à la Chine. Or ces chômeurs (mauvaises prospérités économiques) ont recours à des antidépresseurs ou à des morts de désespoir selon Deaton dans « Deaths of despairs and the future of capitalism » (2021). Conséquences des inégalités de formation…

 

B) L’ouverture commerciale peut rendre certains pays dépendants or l’indépendance est une composante de la prospérité économique :

Lassudrie-Duchêne : Dans les 70’s, l’ouverture commerciale prend la forme d’une division internationale du processus productif (DIPP), remplace la DIT Smithienne.

– Avec la crise du COVID, on a vu que cette DIPP créait des dépendances dans des secteurs clés : pharmaceutique, numérique, agroalimentaire… L’ouverture commerciale crée donc de la dépendance à d’autres pays qui met en danger la prospérité économique.

– Rapport sur la souveraineté de Combe et Guillou pour Fondapol en 2021 : Il faut relocaliser des secteurs stratégiques pour être indépendant car un pays prospère est un pays indépendant.

 

C) Ces critiques se justifient mais il semble que l’ouverture commerciale est toujours un rôle à jouer pour la prospérité :

Combe, « Pouvoir d’achat : restons ouvert ! », 2022 :  A l’heure des inquiétudes sur le pouvoir d’achat, l’ouverture commerciale reste un levier de concurrence puissant faisant baisser les prix et faisant gagner du pouvoir d’achat aux ménages nationaux. Une diminution des droits de douane aux États-Unis de 2% contribuerait à faire baisser l‘inflation de 1,34 point et conduirait à un gain de pouvoir d’achat durable de 797 dollars par ménage et par an.

Fontagné« La feuille de paie et le caddie », 2021 : Une hausse du taux de pénétration des importations chinoises sur le marché US de 1% fait baisser les prix de 2%.

Conclusion : L’ouverture commerciale fut vectrice de croissance mondiale, de sortie de la pauvreté et de progression drastique des conditions de vie des habitants des PED (certains PED). Néanmoins, aujourd’hui les critiques concernant le chômage industriel des PDEM, les inégalités économiques et sociales, la dépendance à l’étranger voire la pollution sont de nature à nuancer son rôle dans la prospérité économique et sociale des pays. Pour autant, nous sommes aujourd’hui face à un manque de prospérité lié à un pouvoir d’achat toujours plus morne dans les PDEM : un des moyens principaux pour résoudre ce problème et retrouver de la prospérité économique c’est de se réinscrire dans une logique d’ouverture commerciale. Dans l’état actuel de l’OMC, de nouveaux accords commerciaux semblent fortement improbables…

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Léo Bedenc
Diplômé emlyon et SciencesPo Lyon après une prépa ECE à Bordeaux, je suis également agrégé en S.E.S et j'interviens régulièrement sur Mister Prépa en ESH.