L’Espagne a traversé plusieurs crises liées à la question du terrorisme. Les acteurs de ces attentats sont multiples, que ce soit l’organisation indépendantiste basque ETA ou l’organisation islamiste Al-Qaïda. Dans cet article, nous te proposons une analyse de ce phénomène.
Le terrorisme d’ETA
Formation du groupe
En 1959 est créé l’ETA (Euskadi ta Askatasuna, qui signifie País Vasco y Libertad en basque). Cette organisation a pour but de lutter pour l’indépendance du Pays Basque.
Or, afin d’obtenir cette indépendance, le groupe s’est livré plusieurs fois à des activités terroristes. Par exemple, en 1973, une bombe a assassiné le successeur de Franco, Lui Carrero Blanco. L’ETA en était responsable. Ainsi, le groupe s’est attaqué à des personnalités politiques dans le cadre de leurs revendications.
Sous le gouvernement d’Aznar, l’ETA a été inscrit dans la liste internationale des organisations terroristes. Selon le ministère de l’Intérieur, entre 1968 et 2010, les activités d’ETA ont tué plus de 820 personnes.
Lutter contre l’ETA
Des mouvements de protestations ont commencé à émerger en réponse à la violence dont faisait preuve l’ETA. Dans les années 1990, des étudiants ont formé le groupe “Manos Blancas” (Mains Blanches). Ils manifestaient avec les mains levées vers l’avant. Leurs paumes étaient peintes en blanc pour symboliser le rejet de la violence comme mode d’action.
De même, le mouvement “Basta Ya!” (ça suffit) s’opposait au terrorisme et défendait l’Etat de droit.
D’autres ont au contraire répondu à la violence d’ETA par la violence. Ce fut le cas des Groupes Antiterroristes de Libération (Grupos Antiterroristas de Liberación, GAL). Il s’agissait de commandos para-policiers et paramilitaires. Ils ont réalisé plus de 30 attentats au nom de la guerre contre le terrorisme. Cependant, les agissements des GAL ont été fortement dénoncés. De fait, 10 personnes n’ayant aucun lien avec le terrorisme ont été tuées au cours de ces opérations. Certains désignaient donc les actions de GAL comme du “terrorisme d’Etat”. En 1997, les acteurs de ce groupe ont été jugés et condamnés.
L’Etat a également pris des mesures afin de faire cesser les attentats. Cependant, les solutions déployées ont elles aussi apportées leur lot de critiques. En effet, les différents partis avaient des points de vue opposés sur la question. Ceci a mené à l’émergence de politiques contradictoires, qui ont retardé le démantèlement de l’organisation. Alors que le Partido Popular (PP) lançait une guerre contre l’ETA, le Partido Socialista (PSOE) cherchait plutôt à trouver un terrain d’entente en négociant un accord de paix.
Finalement, en 2011, un cessez-le-feu permanent a été signé. Ceci s’est suivi d’une remise des armes en 2017, puis d’une dissolution d’ETA en 2018.
La question mémorielle
Malgré la dissolution d’ETA, cette partie de l’histoire reste gravée dans les mémoires. Ainsi, on peut retrouver ce thème dans certaines œuvres culturelles. En 2023, dans la sélection du Festival International de Cinéma de San Sebastian figurait le documentaire No me llamen Ternera. Il s’agissait d’une interview avec Josu Ternera, l’ancien chef d’ETA. Cette sélection a provoqué de nombreux débats.
Selon certains, le documentaire présentait Ternera comme un homme médiocre. Ceci permettait donc de dénoncer ses agissements. Cependant, d’autres ont critiqué la vision qu’offre le documentaire de l’ancien chef d’ETA. Il aurait eu la possibilité de justifier ses attentats et mettre sur un pied d’égalité victimes et bourreaux à travers cette interview. Ainsi, un manifeste a circulé, signé par plus de 500 personnes. Les signataires déclaraient que ce film représentait une humiliation pour les victimes, banalisait les crimes commis et minimisait la gravité du terrorisme.
Les événements en lien avec l’ETA continuent donc à peser sur la mémoire collective.
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Le terrorisme islamiste
Les attentats de 2004
Le 11 mars 2004, 10 bombes explosent dans des stations de train à Madrid. 191 personnes meurent et 2 000 sont blessées. Cet événement tragique est connu comme le 11-M en Espagne. Il s’agissait de l’attentat le plus important survenu en Europe depuis 1988.
Après l’attentat, aucun groupe ne s’est revendiqué comme étant l’acteur de ce massacre. Le chef du gouvernement, José María Aznar, a alors désigné l’ETA comme étant le responsable. Cependant, il s’est avéré que les véritables coupables étaient les membres de l’organisation islamiste Al-Qaïda.
Aznar a été accusé d’avoir essayé de manipuler l’opinion publique en désignant l’ETA sans avoir de preuves officielles. En effet, les attentats sont survenus trois jours avant les élections générales. Il était alors primordial pour le gouvernement de trouver rapidement le coupable. De plus, le PP, présidé par Aznar, était fortement opposé aux revendications des partis indépendantistes. Accuser l’ETA permettait donc de décrédibiliser les luttes indépendantistes.
Les attentats de 2017
Après le choc du 11-M, l’Espagne met en place des plans de lutte contre le terrorisme. Par exemple, le pays adopte le plan de prévention et de protection antiterroriste en 2005. Il prévoit entre autres de renforcer la coordination entre les services de sécurité et d’améliorer les capacités d’information et de renseignement de la police. Une coopération avec la France se met également en place, avec des formations communes pour prévenir la radicalisation et lutter contre les réseaux terroristes.
Cependant, en 2017, un nouvel attentat vient bouleverser le pays. Les 17 et 18 août, l’organisation Daech fait des attaques au véhicule-bélier à Barcelone et Cambrils. Plus de 150 personnes sont mortes. La population est de nouveau sous le choc. Un hommage aux victimes est organisé l’après-midi du 18 août. Le risque terroriste demeure donc présent malgré les mesures mises en place par l’Etat.
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