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Fiche : Le maniérisme selon Walter Friedlaender

Sommaire

Le programme du concours de l’ENS pour les élèves en section Littéraire spécialité Arts est “le maniérisme”. C’est en effet un courant qui a réagi à la perfection classique de la première renaissance, en envisageant une nouvelle représentation de ses canons. Avec comme figures d’inspiration Michel-Ange et Raphaël, des artistes comme Bronzino, Arcimboldo ou encore Pontormo, ont mis en place un art plein de mouvement, d’arabesques, contre les lois de la perspective et les principes classiques. Un des essais fondateurs concernant le maniérisme est  Maniérisme et anti-maniérisme dans la peinture italienne publié en 1957 par Walter Friedlaender. Cet essai a permis de mettre en avant les principes qui ont gouverné le maniérisme, afin de définir ce mouvement. Ce texte est aujourd’hui une référence concernant le mouvement du maniérisme. Dans cet article, nous te proposons une fiche de cet essai afin de t’aider dans tes révisions sur le maniérisme.

 

Une distinction des principes du courant classique

Au début de son ouvrage, Walter Friedlaender montre l’évolution depuis un art classique, qui se conforme au modèle de l’Antiquité et notamment à la sculpture gréco-romaine qui va régir les proportions, l’emplacement et autres caractéristiques des objets dans la nature. On a donc un art classique qui se veut un “art idéal”, qui s’élève à la fois au rang du beau et de l’authentiquement naturel, du fait de la justesse des proportions. On a une “objectivation idéalisée et normative” : il n’y a pas d’interprétation du peintre de ce qui est représenté, au contraire celui-ci souhaite atteindre l’objectivité et l’harmonie de la nature par sa représentation. 

On peut ainsi prendre l’exemple des peintre Raphaël, mais aussi Fra Bartolomeo ou encore Andrea del Sarto : ils expriment un “idéal sublime normatif avec une certaine rigidité dogmatique” : c’est cette attitude qui sera à l’origine de toute l’opposition que constitue le courant maniériste. 

 

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La démarche maniériste : une démarche anti-classique

Avec l’art maniériste, on a une transformation du rapport de l’artiste à la réalité : il y a une idéalisation de la nature, à rebours d’une attention aux facteurs extérieurs tel que l’éclairage, l’atmosphère ou la distance. Ainsi l’art se distingue d’une démarche objective, qui repose sur le rapport optique à la nature, pour un art idéaliste mais qui ne repose que sur l’imagination, et non plus sur l’imitation de la nature

Ainsi, on refuse les normes qui avaient été établies précédemment, il n’y a plus de considération objective (peindre la nature comme on la voit) ou morale (peindre la nature comme on devrait la voir), mais au contraire, on la peint telle qu’on “voudrait la voir pour des raisons purement artistiques”. On a donc une nouvelle réalité, anti-naturelle, dont on ne peut pas faire l’expérience.



L’exemple de l’espace

Pour illustrer son propos, Walter Friedlaender prend l’exemple de l’espace. En effet, dans l’art classique, celui-ci était construit lisiblement, avec des personnalités d’ordre supérieur qui était détachée de “tout aspect contingent”, dans un espace construit par la perspective qui en déterminait la taille en fonction de leur profondeur.

Dans l’art maniériste, ceux-ci ne sont pas déterminés par une perception rationnelle de l’espace : ce sont les corps qui créent l’espace, il n’y a plus réellement de perspective comme théorisée par Alberti : l’espace ne vient que comme accompagnement des personnages, il ne donne pas une sensation de réel. 

On peut prendre l’exemple du peintre Le Greco : celui-ci propose une espace qui n’est pas rationnel, comme dans Le Martyre de Saint Maurice qui brouille les rapports de grandeurs entre personnages de premier et du second plan. 



Martyre de Saint Maurice, Le Greco, 1580-1582

Le maniérisme : un art de la subjectivité

Ainsi, Walter Friedlaender en vient à qualifier l’art maniériste, ou anti-classique, d’un art de la subjectivité

car il reconstruit de l’intérieur, en toute liberté et au gré de la sensibilité rythmique de l’artiste, alors que le classicisme, marqué par des considérations sociales, vise à fixer le réel pour l’éternité en partant de la norme, de ce qui est valable pour tous.

Ce style participe ainsi d’un mouvement purement spirituel, et s’élève dès le début contre une certaine superficialité perceptible dans un art classique un peu trop harmonieux.

Un changement radical ? 

Mais il faut toutefois nuancer la rupture entre art classique de la Renaissance et maniérisme : en effet, le style maniériste garde une attention au traitement anatomique et sculptural du corps humain et une volonté d’assurer la cohésion de la composition : ainsi selon Walter Friedlaender le maniérisme “reste lié à la Renaissance qui l’a précédé, surtout si on le compare à l’exubérance baroque.”

 

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En conclusion, cet ouvrage est essentiel dans la mesure où il a permis de mieux comprendre les enjeux que soulèvent le courant maniériste mais également de ne pas le déprécier, comme un art « dégénérant », mais bien plutôt comme une reformulation par les peintres de leur rapport au réel.

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