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Décryptage: Les Trente Glorieuses en France

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Les « Trente Glorieuses » ou la « révolution invisible » est une expression créée par Jean Fourastié pour désigner la période de 1946 à 1975 en France. Dans Les Trente Glorieuses, il reporte l’expansion économique sans précédent dans les grands pays industriels de l’après Seconde Guerre mondiale jusqu’au premier choc pétrolier en 1973. Le livre compare les situations des années 1975-78 à celle des années 1946-50.

Ici, il s’agit de se concentrer de manière plus générale sur cette révolution économique et sociale.

 

I- Une Révolution économique

Commençons par réfléchir sur l’aspect économique des 30 Glorieuses et comment elles ont modifié la France en profondeur.

 

A- Croissance économique

La croissance des 30 Glorieuses en France s’explique comme pour les autres pays développés à économie de marché. Tout d’abord, les facteurs qui justifient la croissance sont: l’efficience des appareils productifs, l’effort d’investissement permettant la diffusion du progrès technique et la croissance démographique. Selon l’étude de CARRE-DUBOIS-MALINVAUD dans La croissance française (1972), entre 1950 et 1970, la croissance annuelle française était de 5%.

De plus, la demande augmente de par la reconstruction de l’après-guerre, la hausse des salaires, le développement du crédit, l’essor démographique et enfin les revenus de transfert de l‘Etat-Providence.

Le niveau de vie a triplé entre 1949 et 1975. D’où un changement dans la répartition du budget des ménages. La part de l’alimentation qui représentait 44% passe à 26%. La part du logement passe de 16% à 22%. Enfin, la part de l’hygiène et de la santé passe de 6% à 14%.

Par ailleurs, un nouvel ordre international a été instauré après la Seconde guerre mondiale. Effectivement, depuis les accords de Bretton Woods en 1944, les changes fixe avec l’étalon or permettent d’apporter la confiance. On peut aussi citer le plan MARSHALL en 1947 qui est une aide économique à l’Europe et au Japon. Cela permet la reconstruction et de rétablir les échanges commerciaux ainsi que la convertibilité des monnaies. De plus, en Europe, la coopération économique se renforce avec en 1948 l’OECE (organisation européenne de coopération économique) qui gère le plan Marshall. En 1952 la CECA (communauté européenne du charbon et de l’acier) est créée. Puis en 1957, la CEE (communauté économique européenne) se crée.

 

Lire plus: Les dates importantes de la création européenne, de sa création à aujourd’hui 

 

B- Travail et chômage

A propos de la croissance et du travail, on peut aussi citer Les vagues longues de la conjoncture (1926) où KONDRATIEV décrit cette période d’expansion comme étant le quatrième cycle. Ce dernier a deux phases, la phase 1 de 1940 à 1973, et la phase 2 de 1973 à 1990. Concernant la phase 1, le progrès technique explique les Trente Glorieuses et ne s’explique que par des grappes d’innovation.  Effectivement, il permet aussi des progrès économique, scientifique et social. Toutefois, le progrès technique est plus rapide pour l’industrie que pour l’agriculture et le tertiaire. Et il faut noter que la population active change de secteur d’activité lorsque la productivité augmente plus vite que la consommation. De plus, comme la hausse de la productivité est assez forte, elle permet la réduction de la durée et l’amélioration des conditions de travail. Par exemple, un homme de 75 ans aurait travaillé 110 000 heures dans sa vie en 1976 et 82 000 en 1975. Le temps de travail baisse. Donc le taux de chômage en France n’était que frictionnel ou résiduel. C’était le plein emploi.

De plus, le travail féminin se propage et l’immigration contribue à l’augmentation de la main d’œuvre.

 

Lire plus: Les femmes et le marché du travail depuis 1945 

 

C- Inégalités

En France, les inégalités de salaires bruts cadres supérieurs/ ouvriers augmentent jusqu’au début des années 60 puis diminuent. Donc l’Etat intervient efficacement pour redistribuer les revenus. C’est l’Etat-Providence. L’éventail des salaires s’est considérablement réduit durant les Trente Glorieuses. C’est de l’ordre de 10 à 7 pour l’écart des salaires nets moyes des cadres et de ceux des ouvriers entre 1939-46.  Néanmoins, d’après La spirale du déclassement (2016) de Louis CHAUVEL, pendant les Trente Glorieuses, en France, des poches de pauvreté subsistent. C’est le cas pour les personnes âgées qui ne disposent pas encore de minimum vieillesse. Pour information, le minimum vieillesse français est une prestation sociale créé en 1956. Depuis 2005 il se nomme ASPA pour Allocation de Solidarité aux Personnes Âgées.

Toutefois, « le grave problème du chômage ne s’est donc pas posé pendant les « Trente Glorieuses » mais il se pose aujourd’hui et se posera demain ».

 

D- Inflation

L’économie française est plus inflationniste que celle des autres pays développés à cause d’une forte propension à l’investissement, de la demande et de revendications salariales qui alimentent l’inflation par les coûts (facteur travail plus cher).

Dès lors, il y a les plans déflationnistes de PINAY en 1952, 1958 et 1959. A ceux-là s’ajoutent ceux de Giscard D’ESTAING en 1963 et 1969.

La France dévalue six fois sa monnaie au cours des Trente Glorieuses afin de retrouver une compétitivité-prix.

 

 

II- Développement

L’économie n’est pas le seul aspect de la vie des Français qui a été modifié par les Trente Glorieuses.

 

A- Démographie

La population française rajeunit et s’accroît de 30% entre 1946 et 1975. La population est passée de 40 à 53 millions d’habitants. En fait, la croissance est faible jusqu’aux années 50 puis l’accélération se fait de 1968 à 1975. De plus, le nombre d’immigrés double entre 1946 et 1975. Donc le solde migratoire augmente.

Par exemple, Jean Fourastié utilise dans son ouvrage l’exemple de Marie et Séverine pour montrer la naissance de la femme moderne. Alors que Séverine est née en 1975, Marie est née deux siècles plus tôt. En fait, l’auteur compare la vie des jeunes filles: la baisse de la mortalité infantile, le mariage plus tardif, l’allongement des études et l’amélioration de la médecine donc de l’espérance de vie.

Après la Seconde guerre mondiale, la mortalité infantile passe de 85 pour mille à 14 pour mille en 1975.

 

B- Urbanisation

Alors que la France de 1946 était largement agricole et rurale, en 1975, elle est tertiaire et urbanisée. En effet, la France s’est urbanisée et tertiarisée avec des gains de productivité plus forts que jamais. Alors qu‘1/3 de la population active était agricole en 1946, 1/10ème l’est en 1975. Dans l’ouvrage Les Trente Glorieuses ou la révolution invisible, Jean FOURASTIE compare deux villages pour montrer leurs transformations entre 1945 et 1975. Tout d’abord, Madère est un village sous-développé dans un état préindustriel. Il y a : un taux de mortalité infantile élevé, une espérance de vie faible à la naissance, un faible niveau technologique, un faible niveau de scolarité et une alimentation rudimentaire absorbant l’essentiel du budget des ménages. Alors que Cessac, un village économiquement développé dans un état post-industriel, a des caractéristiques opposées.

 

C- Scolarisation

Le taux de scolarisation a augmenté à tous les niveaux : démocratisation et massification. Tout d’abord, le taux de scolarisation dans l’enseignement préélémentaire, secondaire et supérieur augmente. De plus, le niveau des diplômes augmente même si la part des sans diplôme reste à 20%. En fait, l’accroissement de la proportion de salariés exerçant des fonctions d’encadrement, intermédiaire ou supérieur, mais aussi d’ingénieurs et de techniciens a rendu nécessaire une 1ère vague de massification scolaire. Donc des enfants issus des classes moyennes voire populaires se sont extraits de leur milieu d’origine.

 

 

La fin des Trente Glorieuses : une crise de civilisation

Toutefois, au cours des années 60, la population conteste cette croissance qui engendre des coûts sociaux de par l’urbanisation accélérée et l’intensification des cadence de travail. Les troubles sociaux expriment les limites du mode de croissance fordiste, du turn-over élevé, des chaînes de montage ralenties ou bloquées par les grèves et des hiérarchies contestées par les jeunesLire plus: Mai 68 — Wikipédia (wikipedia.org)A cela s’ajoutent dans les années 60 de nouveaux concurrents internationaux venant des pays asiatiques appelés NPIA (Nouveaux Pays Industrialisés d’Aie). C’est le début de la désindustrialisation française.

De plus, les années 70 amènent d’autres problèmes avec les deux chocs pétroliers: l’un en 1973 et l’autre en 1979. Donc le prix des matières premières augmente et l’inflation aussi. A cela s’ajoute la montée du chômage fragilisent les classes moyennes. Sociologiquement, les peurs de déclassement des classes moyennes apparaissent. Selon Le destin au berceau (2013) de Camille PEUGNY, les inégalités augmentent et particulièrement les intergénérationnelles. Aussi, la reproduction sociale s’intensifie.

En conclusion, on peut ajouter que Jean FOURATIE affirme que la crise, commencée en 1973 est une « crise de civilisation« . Cela s’explique par l’effondrement des croyances religieuses, la crise de la morale sexuelle traditionnelle, l’usure des idéologies politiques et le désarroi des jeunes. Effectivement, « l’Occident ne connaîtra plus, d’ici plusieurs lustres, un progrès économique comparable à celui qu’il vient de vivre pendant ce quart de siècle ».

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