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Hernando De Soto : Le mystère du capital (Fiche de lecture)

Sommaire
Administratif - Hernando de Soto, le mystère du capital

Publié en 2000, cet ouvrage de l’économiste libéral péruvien Hernando de Soto traite du rôle majeur que joue l’accès à la propriété  privée non seulement dans l’émancipation mais aussi dans l’enrichissement des populations les plus pauvres. Il met aussi en avant l’importance de l’économie souterraine dans les pays en développement (PeD). Faire référence à ce livre peut donc s’avérer utile si vous tombez sur un sujet portant sur les PeD, sur les institutions et le développement ou bien si vous devez argumenter en faveur de la législation comme moteur de la croissance dans une dissertation d’ESH. Voici donc quelques idées tirées de ce livre qu’il est bon de connaitre.

 

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Son idée principale :   le « capital mort »

Hernando de Soto part d’un constat: le capitalisme ne semble s’épanouir qu’en Occident. En effet, après la chute du mur en 1989, les  ex-pays communistes sont forcés à rentrer dans l’économie de marché. Toutefois, pour ces pays, les résultats n’ont pas toujours été au rendez-vous. L’auteur pose donc la thèse suivante: le réel obstacle auquel font face ces pays est la difficulté à produire un capital capable d’augmenter la production de la main-d’œuvre et de créer de la richesse.

En réalité, les pays dits pauvres possèdent énormément de richesses. Par exemple, en Égypte, la richesse accumulée par la population pauvre correspond à environ 55 fois la valeur de l’ensemble des investissements directs à l’étranger (IDE) jamais effectués dans le pays. Cependant, pour De Soto, les PeD ne parviennent pas à transformer ces richesses en capital. Voici un passage du livre qui explique bien cette idée:

« Ce sont des maisons bâties sur des terrains sans titre de propriété bien certain, des entreprises non déclarées à la responsabilité mal définie, des industries installées hors de la vue des financiers et des investisseurs. Faute de documents désignant nettement leur propriétaire, ces possessions ne peuvent être directement transformées en capital, elles ne peuvent être vendues en dehors de petits cercles locaux où les gens se connaissent et se font mutuellement confiance, elles ne peuvent servir à garantir des emprunts, elles ne peuvent servir d’apport en nature lors d’un investissement. »

Cela contraste pour lui avec le système mis en place en Occident, où « toute parcelle de terrain, toute construction, toute machine, tout stock est représenté par un titre de propriété qui est le signe visible d’un vaste processus caché reliant tous ces biens au reste de l’économie. »

 

Le fait de rendre visible le capital lui confère le pouvoir d’être représenté et représentable. En effet, les biens inscrits dans un système légal commun peuvent remplir de nombreuses fonctions permettant de générer du capital. En effet : « Ils peuvent servir à garantir des crédits. Ces biens fournissent aussi un lien avec l’historique de crédit de leurs propriétaires, une adresse certaine pour le recouvrement des créances et des impôts, une base pour la mise en place de services publics fiables, un support pour la création de valeurs mobilières (telles que des obligations représentatives d’emprunts hypothécaires) susceptibles d’être ensuite cédées et revendues sur des marchés secondaires. »

C’est ici que Hernando de Soto décrit ce qu’il appelle du « capital mort » , c’est-à-dire du capital qui, n’ayant aucune représentation légale (comme par exemple un titre de propriété, un bail, une inscription au registre du commerce etc..), ne peut pas déployer tout son potentiel. Ce capital n’est pas codifié, pas institutionnalisé et reste dans la sphère extralégal. En effet, selon l’auteur, ce qui permet le développement d’un pays, c’est le fait que les droits de propriété par exemple soient codifiés. On peut ici penser au travaux d’Acemoglu et Robinson dans leur ouvrage Why Nations Fails (je vous conseille notamment de regarder le TedX de Robinson qui résume très bien la thèse de leur livre)

 

L’expérience d’Hernando de Soto au Pérou

Bien souvent, ce capital reste mort car le faire rentrer dans le cadre légal est une épreuve bien plus difficile que de rentrer dans l’illégalité. Afin de prouver ce point, De Soto et son équipe de chercheurs ont souhaité ouvrir une boutique de vêtements dans les faubourgs de Lima au Pérou, et ce en respectant l’ensemble des démarches légales imposées par la loi péruvienne. Résultat: à raison de 6 heures par jour, il aura fallu à l’auteur et à son équipe un total de 289 jours afin que l’entreprise soit légalement enregistrée. De plus, le coût de cette démarche s’est élevé à 1231$, ce qui correspond en réalité à 31 fois le salaire mensuel minimum péruvien.

Autres exemples de la longueur des procédures dans certains PeD: – Au Pérou encore, obtenir l’autorisation légale de construire une maison sur un terrain appartenant à l’État met presque 7 ans

– Aux Philippines, acheter légalement un terrain sur lequel on a construit met entre 13 et 25 ans

 

Ainsi, cela rend difficile la rentrée dans la légalité. Par conséquent, bon nombre d’habitant de ces pays se tournent vers l’illégalité. Cependant, une fois dedans, il est tout aussi dur d’en sortir. Si l’on avoue faire partie du domaine extralégal, on risque de payer une amende ou faire une peine de prison. Ainsi, on peut voir à travers cet exemple les effets pervers de la bureaucratie. En effet, les lourdeurs bureaucratiques désincitent les individus de rentrer dans le système légal. Ainsi, ici ce n’est pas tant l’existence d’institutions qui est remis en cause, c’est l’efficacité des institutions du pays qui laisse à désirer et qui s’avère être un frein à son développement.

Il faut cependant garder en tête que, par leur nombre, ces entreprises informelles « comblent les vides de l’économie légale ». De plus, la valeur de ce capital mort est immense. Par exemple, la valeur des avoirs immobiliers et ruraux sans titre au Pérou s’élève à 74 milliards de dollars, cela équivaut à 5 fois la  capitalisation totale de la Bourse de Lima avant le krach de 1998.

Le rôle de la propriété privée et les obstacles à sa mise en place efficace dans certains PeD

Ainsi, les droits de propriétés, en ce qu’ils inscrivent le capital dans le cadre légal, joue un rôle majeur dans le bon fonctionnement du système économique d’un pays. En effet, pour De Soto, elle permet notamment d’intégrer dans un système unique l’ensemble des informations qui jusqu’à présent étaient éparpillées, d’établir concrètement les responsabilités de chacune ou bien encore de protéger les transactions.

Toutefois, on peut se demander pourquoi la loi échoue alors qu’elle présente apparemment de nombreux avantages.  Hernando de Soto affirme que bien souvent, ceux qui se dirigent plutôt dans le domaine extralégal le font non pas afin d’éviter les impôts, mais plutôt parce que rentrer dans la légalité est bien trop onéreux.  Afin d’appuyer cette idée, De Soto et son équipe ont décidé de mettre en place au Pérou un programme qui avait pour but de faire rentrer dans la légalité les petits entrepreneurs extralégaux. Résultat: c’est plus de 276 000  d’entre qui ont, volontairement, décidé de déclarer leurs entreprises, et ceux alors même qu’aucune réduction d’impôt ne leur ait été promise (alors que les entreprises clandestines ne payaient pas d’impôt).

En plus du prix important de la rentrée dans la légalité, De Soto montre un autre obstacle : le problème juridique. Effectivement, malgré leurs efforts, certains pays échouent dans la mise en place d’un système de propriété unifié capable de se montrer efficace.

Par exemple, en 400 ans, le Pérou est à sa 22ème tentative d’officialisation de la propriété. La cause de ces échecs serait le fait que les pouvoirs  publics agissent comme s’ils agissaient dans un endroit où la propriété serait absente. Ainsi, ils ne prennent pas en considération le fait que, bien qu’extralégaux, les populations locales ont depuis bien longtemps mis en place des arrangements.

En somme, pour Hernando de Soto : « La propriété légale donne le pouvoir aux individus ». C’est donc la mise en place d’une législation réellement adaptée aux habitants qui permettra aux PeD de sortir du cercle vicieux de la pauvreté.

 

Chiffres intéressants tirés de l’ouvrage : – Le marché noir représentait en 2000 environ 50% du PIB de la Russie et de l’Ukraine, et 62% en Géorgie

– Selon l’Organisation Internationale du travail, 85% des emplois créés de 1990 à 2000 en Amérique latine et dans les Caraïbes l’ont été dans le secteur extralégal.

– Au Pérou, sur 100 maisons, seulement 3 possède un titre juridique.

 

Quelques sujets où l’utilisation de l’ouvrage d’Hernando de Soto pourrait s’avérer utile :

– Un pays est-il pauvre parce qu’il est pauvre ?

– Institution et développement

– La bureaucratie est-elle efficace ?

– Le PIB est-il un bon indicateur ?

 

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Laura Bertal
Actuellement étudiante en 1ère année à l'ESSEC et après deux années de classe préparatoire au lycée Ampère à Lyon en ECE, j'espère pouvoir contribuer à votre réussite !