Pour qu’un système économique fonctionne, certains agents ont besoin de financement, c’est-à-dire de liquidités, et ce pour diverses raisons. Acquérir des biens de consommation, se lancer dans l’entreprenariat ou investir pour accroître sa capacité productive en sont des exemples. Tous ces agents en besoin de financement vont chercher à rencontrer d’autres agents en capacité de les financer. A travers l’Histoire, plusieurs modes de financement paradigmatiques se sont succédés. Ces changements n’ont rien d’anodin, ils sont le reflet de l’évolution du capitalisme.
Cet article propose une petite synthèse de l’Histoire des modes de financement de l’économie. En remontant aux balbutiements du capitalisme jusqu’à nos jours. Le tout avec des dates précises et des rappels de définition. Parfait pour faire le point sur ce gros morceau du programme d’ESH de première année !
Première période : avant les années 1850.
Jusqu’au milieu du 19ème siècle, il n’y avait que peu d’agents en besoin de financement. Lors de la phase de proto-industrialisation, les entrepreneurs ont une épargne suffisante pour lancer eux-mêmes un premier cycle de production. Cela est dû à la faiblesse des coûts de production de l’époque, où il n’y avait pas besoin de beaucoup de produire. Ainsi, le mode de financement dominant est l’auto-financement.
Certes le rôle des banques n’est pas nul, mais il est très négligeable à l’époque. Celles-ci se développent mais elles s’occupent plutôt de collecter et de sécuriser l’épargne. Elles financent également les pouvoirs publics dans certains cas, notamment à des fins commerciales. Ce sont des institutions familiales qui n’ont que très peu de contact avec les particuliers. Elles ne financent donc pas l’économie à proprement parler.
Deuxième période : entre 1850 et 1914
La seconde révolution industrielle portée par l’avènement de la mécanisation accroît les détours de production. Des innovations comme la machine à vapeur de James Watt (1769) se répandent et créent des besoins en capital technique importants. La production se concentre en un même lieu : l’usine, et bientôt l’auto-financement ne suffit plus. De ce fait, les banques et les marchés financiers vont connaître un premier essor.
La démultiplication des besoins de financement engendre d’abord un développement bancaire important. Les banques relèguent au second plan leur vielle fonction de thésaurisation et gagnent la confiance du public. De plus en plus de particuliers y on recourt pour contracter des prêts. On parle de financement intermédié. La banque prête les fonds de ses épargnants aux agents ayant besoin de liquidités en échange d’intérêts. D’où son rôle d’intermédiaire.
Les marchés financiers vont eux aussi se développer, notamment grâce à la naissances des obligations d’Etats. Des titres émis par les pouvoirs publics afin de financer leur activité. Les entreprises de chemins de fer, de chimie et d’électricité vont elles aussi émettre des actions et obligations. La majorité des titres échangés sur les marchés de l’époque émanent de ces deux sources. En 1900, on estime que 4.5 millions de Français possèdent des titres financiers quelconques. Ici, on parle de financement désintermédié, les agents en besoin et en capacité de financement sont dans une relation directe.
Troisième période : entre 1914 et 1939
L’entre deux guerre se caractérise par une grave crise de confiance de la sphère financière et des pics d’hyperinflation notables. Le mode de financement désintermédié (les marchés financiers) vont longtemps en souffrir. Globalement, cette période est très noire pour l’économie en générale.
L’exemple qui suit est parfait pour l’illustrer. Entre 1888 et 1914 l’Etat Français cherche à renforcer ses liens diplomatiques avec la Russie. Il incite 1.5 millions d’épargnants à acheter des emprunts Russes sur cette période. Mais suite à la révolution d’Octobre en 1917, Lénine annonce le non-remboursement des emprunts. Beaucoup de français sont ruinés, la confiance en le marché est totalement sapée.
Quatrième période : entre 1945 et 1980
L’après-guerre correspond au grand moment de l’économie d’endettement. C’est l’Âge d’or du financement intermédié, des banques donc. La démultiplication des besoins en capitaux pour la reconstruction puis pour la croissance sont inégalés. Le système tayloro-fordiste et l’Etat ont un besoin de liquidités auquel l’autofinancement et les marchés financiers ne peuvent répondre. Ces derniers étant trop peu développés et souffrant encore de la crise de confiance de l’entre-deux guerres.
Ce mode de financement par le crédit bancaire est hiérarchisé et organisé par les pouvoirs publics eux-mêmes. En France par exemple, le crédit est contrôlé par la Banque de France et les changes régulés par la Direction du Trésor. Globalement, ce système est plutôt inflationniste, très réglementé et cloisonné.
Cinquième période : après 1980
Le premier choc pétrolier de 1973 annonce l’entrée en crise de l’économie d’endettement. Pour la première fois de l’Histoire, inflation et dépression économique vont de pair. La nomination de Paul Volker à la tête de la Réserve Fédérale Américaine en 1979 annonce un nouveau paradigme pour les banques. La création monétaire est largement freinée, et la lutte contre l’inflation devient la priorité.
Parallèlement, les marchés financiers se déploient et se développent à l’échelle mondiale avec une intensité jamais égalée. C’est eux désormais qui s’affirment comme mode de financement privilégié pour les acteurs privés comme publics. Cette financiarisation de l’économie est le résultat de la déréglementation voulue par les pouvoirs publics d’une part, et d’autre part des stratégies des firmes multinationales.
On parle de globalisation financière, ce que décrit Henri Bourguinat dans Finance Internationale (1992). Même si le rôle des banques n’est pas réduit à néant, il est bien moins important que dans les années 60.