L’article que voici va tenter d’exposer dans un langage clair et concis un point fondamental de la pensée kantienne. Ledit point traite des limites de la raison humaine. Il sera, vous le comprendrez assez vite, une arme redoutable en dissertation pour le thème de cette année. Selon moi, elle doit impérativement figurer dans votre arsenal de culture générale pour les concours.
Ainsi, il sera question de la Critique de la raison pure. L’œuvre la plus aboutie, la plus influente mais aussi la plus complexe d’Emmanuel Kant. Avant de continuer, je précise que je ne fais ici que soulever l’un des nombreux points abordés dans l’ouvrage. Il ne s’agit aucunement d’un résumé de la totalité de ce mastodonte philosophique. Pareille tâche aurait été plutôt laborieuse… Sans plus attendre, rentrons dans le vif du sujet.
Pourquoi une « Critique de la raison pure » ?
Pour aborder sereinement la réflexion exposée dans la partie suivante, il me semble nécessaire de comprendre le titre de l’ouvrage. Le projet de Kant est, très littéralement, de faire une critique de la raison pure. C’est-à-dire d’explorer les limites de la raison humaine. De voir jusqu’à quel point elle peut appréhender le monde avec certitude sans tomber dans la simple croyance ou le dogme.
Le contexte historique est à prendre en compte. A l’époque, la théologie et la métaphysique sont considérées comme de véritables sciences. Et qui plus est les plus importantes de toutes. Car elles ont pour objet d’étude des thèmes aux enjeux absolument capitaux. Pour en citer quelques-uns : la question de la nature de l’âme, celle de l’immortalité, ou encore de l’essence des choses.
On l’aura remarqué, le projet de Kant se situe en plein dans la lignée des travaux de Descartes. Lequel voulait redonner une assise solide aux sciences en ne les fondant que sur la raison (et en excluant donc les dogmes religieux). Il faut « philosopher sans le secours de la foi », affirmait-il alors. Mais Kant va aller plus loin. Contrairement à Descartes, il va remettre en question la place de la métaphysique, laquelle trônait fièrement comme branche la plus importante de la philosophie depuis Platon. Et en ce sens, c’est toute l’histoire de la philosophie occidentale qui se trouve bouleversée.
Jusque-là, rien de bien compliqué. Une zone d’ombre demeure cependant, elle concerne le qualificatif « pure » qui n’a pas été explicité. La « raison » on comprend assez aisément ce que c’est, mais que peut bien désigner la raison « pure » ? Nous pénétrons ici au cœur du sujet de l’article, abordé dans la partie ci-dessous.
Des conditions a priori de la pensée et de l’expérience…
Enfermé dans son propre corps, l’être humain pense que le réel lui est donné tel. Que ses sens corporels lui retransmettent une image fidèle de ce qu’est effectivement le monde. Que sa raison explore et appréhende une réalité qu’elle saisit parfaitement, cette dernière n’étant altérée en aucune façon. Mais rien ne saurait être moins vrai selon Kant, qui va mettre en évidence le fait que, l’expérience sensible (ou physique) du monde, tout comme la pensée qui le saisit dépendent de conditions a priori et absolument indispensables.
Ces conditions sont dites « a priori » parce qu’elles sont présentes en chaque être avant toute expérience du réel. De la naissance jusqu’à la mort elles demeurent, immuables et inchangées à travers les époques et les âges. Pour parler métaphoriquement, c’est comme si les vivants naissaient avec un « logiciel d’appréhension du réel » déjà installé en eux, ou, encore plus imagé : une paire de lunette teintée qui leur renverrait une certaine image du monde.
Kant distingue tout d’abord les conditions a priori de la sensibilité, qui sont au nombre de deux : l’espace et le temps. Elles permettent l’expérience physique et corporel, à travers les sens, de la réalité. Ensuite, viennent les conditions a priori de la pensée, cette-fois ci au nombre de douze (elles figurent dans une « table »). Elles permettent d’appréhender le monde en se le représentant, via notre intellect.
… et de leurs conséquences
La thèse de Kant est tout à fait révolutionnaire et ses conséquences sont sans précédent. D’une part, elle rompt clairement avec la métaphysique platonicienne du monde idéel. Ce ne sont plus les choses du monde qui s’imposent à moi en me présentant leur soi-disant « essence », mais c’est moi qui donne un visage au monde grâce aux conditions dont je suis le porteur.
D’autre part, ces conditions dont il est question ne prennent pas racines dans le monde dans lequel le sujet vit. Elles sont issues de ce que Kant appelle la sphère transcendantale, qui échappe complètement à notre expérience du monde ici-bas. La raison pure, c’est cela, des conditions qui s’exceptent du monde sensible et qui me permettent de me le représenter.
Ainsi donc, les conditions a priori de la pensée structurent et déterminent la manière dont l’homme se représente le monde. Tout comme elles déterminent ce à quoi il a « accès ». En effet, ainsi conditionnée, la pensée n’a pas un pouvoir illimité. Elle se heurtent à des barrières qu’elle ne peut, et ne pourra jamais franchir, car ses conditions sont immuables. Et c’est pour cela que Kant relègue la métaphysique, tout come la théologie, au rang de la « croyance » et non de la certitude. Car les objets qu’elles étudient ne sont pas saisissable de manière « logique ». En d’autres termes, leur champ d’application se situe par-delà les limites de notre intellect imposées par la raison pure.
Conclusion : comment utiliser Kant en dissertation ?
Le point de la pensée kantienne que je viens d’exposer a un grand nombre d’applications directes en dissertation. Globalement, il permet de soutenir les thèses suivantes :
- Le sujet n’observe pas passivement le monde. Le monde est une construction active de l’intellect et de la sensibilité du sujet.
- Le monde en soi n’est pas accessible, toute expérience du monde est « falsifiée ». L’intellect et la sensibilité du sujet ne lui font pas faire l’expérience du monde tel qu’il est dans l’absolu.
- Certains éléments du monde ne sont tout simplement pas connaissables. L’intellect et la sensibilité du sujet le limite dans son accès au monde.