Tous les ans, la date du 8 mars a une résonnance particulière en ce qu’elle incarne la journée internationale des droits des femmes. Pour le monde hispanique, cette journée ne passe pas inaperçue étant donné que latino-américains et espagnols font partie des acteurs les plus mobilisés à travers le monde en cette journée du 8 mars. En effet, depuis quelques années en Europe, la « marée violette » espagnole se démarque de ses voisins par une participation bien plus massive.
Avant d’évoquer les évènements ayant rythmé la journée internationale des droits des femmes de cette année 2021, revenons rapidement sur la journée du 8 mars de l’année dernière en Espagne et en Amérique Latine.
Le 8-M 2020 en Espagne et en Amérique Latine à la veille de la crise sanitaire
L’année dernière, si nous n’étions encore qu’à la veille du début de la crise sanitaire provoquée par le coronavirus, ce dernier a tout de même sensiblement réduit le nombre de d’espagnols sortis dans les rues pour dénoncer les violences et discriminations à l’égard des femmes, et exiger l’égalité de genre. De plus, à l’inverse de l’année 2018 ou 2019, aucun appel à la grève n’avait été lancé. Ainsi, 120 000 espagnols défilaient dans les rues avec des pancartes où l’on pouvait lire par exemple : « Sola y borracha quiero llegar a casa ».
Au-delà d’un rendez-vous citoyen, le 8-M 2020 s’est également transformé en rendez-vous politique. Si des partis politiques, habitués du 8-M, à l’image de Podemos, PSOE ou Cuidadanos ont pris part aux manifestations citoyennes, d’autres moins coutumiers de l’évènement comme le PP y ont également participé. Aussi, la présence de membres du parti politique d’extrême droite Vox, dont le discours sur la violence machiste et sur le féminisme est quelque peu controversé, indignait-elle les manifestants. Cette indignation se voit alimentée par de nombreuses déclarations de membres du parti dirigé par S. Abascal, telles que le 8M est une « arme idéologique » ou encore que « la violence n’a pas de genre ». Enfin, le 8-M 2020 revêt aujourd’hui encore d’une importance particulière étant donné qu’il continue d’agiter les tensions politiques. En effet, « El día de las mujeres » de l’année passée est coupable de tous les maux sanitaires : le PP, Vox et Cuidadanos accusent le gouvernement de Sánchez d’avoir omis le fait qu’ils connaissaient la gravité de la situation sanitaire à l’époque. En ce sens, Vox exige aujourd’hui que le 8 mars soit reconnu comme le Jour national des victimes du coronavirus, jour où, selon le parti d’extrême droite, le gouvernement a incité aux manifestations citoyennes dans un but idéologique tout en ignorant la santé des espagnols.
Enfin, en Espagne, l’hymne féministe « Un violador en tu camino » avait bien évidemment été scandé à de nombreuses reprises.
Les paroles du collectif féministe Las Tesis ont également résonné à travers toute l’Amérique Latine, où la violence machiste et les inégalités et discriminations liées au genre représentent également un véritable fléau. En effet, élues par le magazine Time comme l’une des 100 personnalités les plus influentes du monde en 2020, les quatre fondatrices de Las Tesis, ont impulsé, à travers leurs paroles frappantes et leur chorégraphie, un véritable mouvement planétaire à partir de novembre 2019. Ainsi, cet hymne de lutte féministe a accompagné les manifestations massives des latino-américains, au nombre de 2 millions à Santiago au Chili par exemple.
Si la célébration du 8-M est bouleversée, les revendications et la ferveur qui en découlent restent inchangées
En Espagne, les manifestations massives des années passées ont laissé place à des regroupements plus restreints de manifestants masqués. En effet, les rassemblements lors de cette journée ayant été lourdement décriés et soupçonnés d’avoir fait exploser le nombre de contaminés en mars 2020, ils ont été fermement interdits par les tribunaux espagnols cette année. Néanmoins, si les rassemblements étaient interdits, la ferveur du mouvement féministe et l’importance de leurs revendications n’en sont pas moins affectées. En effet, les fractures sur le marché du travail ou la violence conjugale sont autant de fléaux qui persistent malgré la crise sanitaire, et qui ont même été exacerbés par cette dernière : de nombreuses espagnoles ont en effet perdu leur emploi à cause de la crise sanitaire et l’ONU a évoqué une « pandémie de l’ombre » pour dénoncer la montée de violence à l’encontre des femmes, à l’heure où les confinements rythment le quotidien et tous les efforts sont concentrés sur la lutte contre la Covid.
Les protestations féministes latino-américaines se sont elles aussi adaptées au contexte sanitaire particulier. Si dans certains pays le rendez-vous féministe a été célébré avec joie, comme en Argentine où ce premier 8-M depuis la légalisation de l’avortement par le Congrès avait un goût historique, les célébrations étaient plus amères et les revendications plus criantes dans d’autres pays. Par exemple, les manifestations mexicaines ont détonné par leur violence : un mur de métal avait été érigé autour du Palais National afin de protéger le président AMLO des possibles débordements. Cette initiative a alimenté la colère des mexicaines qui ont ensuite inscrit le nom des victimes de féminicide, transformant dès lors ce mur en « mur de la mémoire ». Aussi, l’attitude du président mexicain a-t-elle initialement semé les germes de ce ras-le-bol. En effet, depuis son mandat, AMLO est vivement critiqué pour son inaction, 68% des mexicains considérant que la violence liée au genre a augmenté cette année tandis que 10 femmes continuent d’être assassinées chaque jour dans l’indifférence la plus totale (l’impunité relative aux délits de violence sexuelle s’élève à 99% au Mexique); mais également pour des attitudes polémiques face au mouvement féministe, AMLO soutenant de façon inconditionnelle Félix Salgado Macedonio, candidat à la gouvernance de l’État de Guerrero et accusé de viols à deux reprises.
Le 8-M se déroulait également sur fond de violence au Nicaragua où la police a interdit aux activistes féministes de sortir manifester et revendiquer leurs droits.
Conclusion
Si la crise sanitaire a cette année restreint sa célébration, le 8-M a tout de même su rassembler de nombreux citoyens aux revendications toujours aussi nombreuses et essentielles, particulièrement au sein du monde hispanique où les féminicides, la violence machiste, le patriarcat et les inégalités liées au genre sont de réels fléaux minant la société et contre lesquels il est urgent d’agir.